Ils ont osé !
Un Premier ministre droit dans ses bottes, un ministre de l’Intérieur haineux, un préfet de police prêt à toutes les missions, et trois cents CRS au service de la purification ethnique. C’était la démocratie en marche, la France républicaine oublieuse des droits de l’homme. Le 12 août 1996, à l’heure du laitier, les dix grévistes de la faim de l’église Saint-Bernard étaient raptés, tels des criminels, par une horde en uniforme. S’attaquant à des sans-papiers affaiblis par quarante jours de jeûne – à trente CRS par homme allongé –, nos forces de l’ordre se sont couvertes de gloire. « Intervention à caractère humanitaire », précisait la préfecture de police … Le pouvoir et sa police ne pouvaient rester sur cet échec. Le 23 août, vers 7h30, les hommes en noir étaient de retour, matraques hautes, lançant des grenades lacrymogènes et défonçant les portes de l’église. À chaud, sur France 2, Albert Jacquard appelait les forces de l’ordre à la désobéissance. Comme si nos policiers savaient qu’un article de leur Code de déontologie leur permet de refuser un ordre contraire à leur conscience ! Nous savons aujourd’hui qu’il n’est pas possible de confondre humanisme et répression et les policiers le savent également.
Cela nous renvoie à de très mauvais souvenirs. Il faudrait quand même que l’on se remémore – toutes proportions gardées – qu’il y a cinquante-quatre ans, nos policiers français n’hésitaient pas à rafler des femmes, des enfants et des vieillards grabataires, pour les enfermer au Vél d’Hiv et à Drancy. Sans toutefois expliquer qu’il s’agissait d’une opération humanitaire. En imaginant les hurlements des enfants, lors de l’entrée des CRS et des gendarmes mobiles dans l’église, je ne peux pas oublier la terreur qui m’a saisi, le 16 juillet 1942, lorsque les policiers ont fait irruption dans le logement de mes parents pour nous arrêter…
Septembre 1996
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