La police pour quoi faire ?
Combien de fois avons-nous entendu évoquer l’ardente et doublement prioritaire mission des policiers : la protection des personnes et des biens. Qu’en est-il exactement pourraient demander les naïfs, peu au fait du comportement ordinaire des forces de l’ordre ? Pour caricaturer, on peut se risquer à dire rapidement que la police s’applique surtout à protéger les personnes qui ont du bien ! Ce qui ne correspond pas à un emploi du temps trop rempli et laisse des loisirs pour les activités de harcèlement, avec pour principales victimes les sans-papiers, les jeunes (chevelus de préférence) et diverses catégories d’exclus comme les SDF. Pour que l’ordre règne, il est devenu nécessaire de contrôler tous ceux qui ne correspondent pas à un modèle obligé, dont la vue ne peut que choquer dans un périmètre délimité. De plus, les fameux « lieux de non-droit », décrits par le ministre de l’Intérieur – en clair, les banlieues de certaines cités ouvrières – sont devenus le terrain de chasse habituel où les policiers peuvent se défouler sans témoins. A contrario, a-t-on jamais vu les brigades anticriminalité traquer sérieusement les délinquants en col blanc qui peuplent les allées du pouvoir ? Le récent rapport du professeur Michelle-Laure Rassat, remis ces dernières semaines au ministre de la Justice Toubon, est là pour nous faire comprendre qu’au-delà de l’impunité promise en matière d’abus de biens sociaux ou, pire, d’enrichissement personnel, la presse n’aurait plus le droit d’informer sur les scandales les plus visibles.
Novembre 1996
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