Marcellin revient
Il y a trente ans, Raymond Marcellin, ministre de l’Intérieur, expliquait à la France profonde que mai 1968 avait été un complot fomenté depuis l’étranger. En avril 1998, Jean-Pierre Chevènement utilise la même rhétorique pour tenter de démontrer que ceux qui s’opposent à l’expulsion des immigrés sans papiers sont manipulés par des « trotskistes anglais ». Dans les deux cas, ces propos précédaient la valse des CRS maniant de lourdes matraques. Certes, avec un gouvernement de gauche, il aurait été possible d’envisager une modification des comportements policiers. Qu’en est-il ? Sous l’uniforme, le policier reste ce qu’il est : une courroie de transmission de sa hiérarchie, et celle-ci n’a pas changé depuis juin 1997. Peu importe qu’il soit issu de la classe ouvrière ou de la bourgeoisie, la matraque du policier est toujours aussi leste et la volonté brutale identique. Qu’il s’agisse des sans-papiers, des SDF ou des chômeurs, la hargne des gardiens de la paix est toujours la même. Au secours ! Marcellin est de retour.
Dans les correspondances du RER, par groupes compacts, les soldats de l’ordre occupent un terrain où le climat serait bien plus serein s’ils disparaissaient de l’horizon. En effet, les seules interpellations visibles concernent des jeunes issus de l’immigration maghrébine. S’il y avait des arrestations de terroristes ou de trafiquants de drogue, suite à ces contrôles, nul doute que les médias en seraient informés. Alors, à quoi servent ces centaines de policiers, gendarmes et parachutistes, sinon à créer un climat de peur et d’insécurité – ce que la police, paraît-il, s’évertue à combattre. Il en allait de même sous Marcellin, lorsque la police mettait le boulevard Saint-Michel en état de siège, du vendredi soir au lundi matin.
Mai 1998
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