Streng verboten
La police, secondée par la justice, nous prépare un avenir des plus lumineux, où le citoyen n’aurait plus que le droit de se taire. Un fait divers, apparemment anodin, révélé par Libération le 18 mars dernier, nous fournit un avant-goût de cette société idéale où le policier serait roi et le juge son fidèle commis. Lorsqu’un « individu », comme disent les gardiens de l’ordre public, se voit intimer d’avoir à circuler, il doit obtempérer, sauf à se retrouver sur le banc d’infamie. Un incident mineur est révélateur d’une situation qui tend à se banaliser.
Un réalisateur de cinéma ne peut supporter le traitement subit par un Africain que les policiers soupçonnent d’être un voleur à la tire. Il réagit à voix haute. Erreur profonde. Comme les policiers n’acceptent pas les remarques, ils verbalisent l’insolent humaniste, qui refuse de payer. Au tribunal, cet audacieux, qui méconnaît les valeurs sécuritaires, est accusé par une procureuse intraitable de tapage diurne. La justice ne connaît que la parole du policier et le cinéaste sera condamné à une amende, accompagnée de ce conseil impératif : « Quand on dit circulez, le citoyen doit s’éloigner. » Message entendu par le policier de faction à l’entrée de la salle d’audience qui, durant une interruption du procès, apostrophe un inconscient : « Arrêtez de prendre des notes ! » Streng verboten…
Mai 2000
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