Individu toi-même !
Pour la police de la République, drivée par Nicolas Sarkozy, le pays est peuplé par 60 millions « d’individus ». Pas par des citoyens dignes du minimum de respect. 60 millions de possibles suspects hantent nos villes et nos campagnes. Au premier rang d’entre eux, les jeunes des banlieues – surtout s’ils sont colorés –, les précaires et les chômeurs mécontents de leur sort. Bien sûr, les sans-papiers tiennent une place de choix parmi ceux qui sont déjà désignés comme victimes habituelles, mais il s’agit là d’un décompte supplémentaire. Sommes-nous excessifs, avec cette réflexion qui paraît indispensable ? Est-ce seulement la tentation du persiflage ? Soyons objectifs et retranchons de ces 60 millions de marginaux les enfants en bas âge et les vieillards grabataires. Il n’empêche, le vivier reste immense où nos policiers peuvent se lancer à la chasse aux « individus ». Pour nos défenseurs de l’ordre public, « l’individu » n’est pas une individualité – ce qui signifierait une personne disposant de son libre choix. Ce serait plutôt, vulgairement parlant, un énergumène ordinaire, quelqu’un de louche, une personne peu recommandable, sans doute quelque voyou, en tout cas un pékin dangereux pour nos institutions telles que se les représentent les policiers. Si nous manquions du minimum de savoir-vivre, et du respect qui devrait s’imposer envers ceux qui se désignent comme le meilleur rempart de la République, nous ne dirions pas policiers mais argousins. Vous savez, ces officiers des galères chargés de mater la chiourme. Fort heureusement, nous n’en sommes pas encore là .
Février 2003
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