Outrage
La nécessité de la répression policière est à ce point entrée dans les mœurs que le Français moyen s’y habitue. Ferme les yeux sur les violences. Le citoyen ordinaire trouve naturel cet environnement policier que l’on nous impose. La presse, au diapason de la France profonde, accorde de moins en moins de place aux dérives brutales ou aux dérapages sanglants de la force publique. Régulièrement, le ministre de l’Intérieur effectue ces tournées des popotes qui maintiennent le moral des troupes, puis publie des communiqués triomphants tendant à démontrer que, de mois en mois, la délinquance aurait tendance à diminuer. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes policiers possible, comme aurait pu dire Voltaire. Hélas, les « sauvageons » décrits par Jean-Pierre Chevènement n’ont pas disparu et hantent toujours nos banlieues, où des policiers hargneux patrouillent inlassablement dans l’espoir de faire du chiffre, à l’affût du moindre délit ou de la plus petite incivilité.
Nous savons que le policier est un être sensible et qu’il faut se garder de chatouiller son ego. Pourtant, même lorsque nul ne songe à lui faire ombrage, l’inventivité du gardien de l’ordre public est suffisamment forte pour provoquer cet outrage qui lui permet, en fin de journée, d’avoir été performant etde ne pas être blâmé par sa hiérarchie. C’est ainsi que parler à un policier sur un ton qui lui déplaît peut devenir délictueux. De même, il ne faut pas le regarder de travers. C’est que le pauvre citoyen atteint de strabisme divergent peut devenir la victime expiatoire d’un policier en recherche d’outrages à verbaliser. Il convient de rappeler qu’il y a une dizaine d’années, à Bordeaux, une patrouille de policiers avait pris à partie un groupe de jeunes, dont certains leur faisaient – disaient-ils – des gestes obscènes. Au bout du compte, après bastonnade et placement en garde à vue, il s’était avéré que les délinquants en question n’étaient autres que d’authentiques sourds et muets qui communiquaient à l’aide du langage des signes.
Novembre 2003
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