quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Bulletin d’information anti-autoritaire – Nouvelle série – Numéro 13 – Octobre 2007

Editorial : Des éthylotests dans les commissariats

« Je m’appelle Marcel, et je suis alcoolique. Etant policier, je ne devrais pas… » Marcel était effectivement alcoolique. Il semble même qu’il soit mort d’une cyrrose du foie, en 1988. Soit quarante-six ans après son crime, commis sous l’uniforme, au temps de l’occupation nazie.

Le commissariat de police est un lieu où l’on consomme plus d’alcool – surtout de la bière – que d’eau minérale. Le métier de policier est pourtant une fonction d’autorité, et il conviendrait que les protecteurs de l’ordre public soient à jeun lors qu’ils interviennent sur la voie publique. Dans ce sens, il serait peut-être indispensable d’envisager de rendre obligatoire le contrôle par éthylotest dans les commissariats.

Combien de fois, des policiers « bourrés » se sont acharnés, à coups de matraque, sur des « individus » dont la tête ne leur revenait pas. Combien de fois des policiers qui avaient abusé de ladite bouteille ont-ils fait feu, avec leur arme de service, alors que s’ils avaient été sobres le coup mortel ne serait peut-être pas « parti tout seul ». Il va de soi qu’il ne s’agit pas, ici, d’affirmations hasardeuses. Les preuves ne manquent pas sur ces policiers, dégainant à tout va, avec une balle engagée dans le chargeur, et le cran de sécurité oublié.

En 1988, le ministre de l’Intérieur, Pierre Joxe, avait fait placarder une circulaire dans les commissariats pour signaler que la consommation d’alcool était interdite dans les locaux de police, sauf un peu de vin ou de bière aux heures des repas. À l’époque, il avait été possible d’entendre les syndicats de policiers grogner contre cette décision « scandaleuse ». Comment pouvait-on signifier un tel interdit à des fonctionnaires qui ne boivent pas plus que la moyenne des Français ?

Au, fait, le Marcel cité plus haut, qui répondait au patronyme de Mulot, n’était autre que ce policier qui, le 16 juillet 1942, est venu me rafler avec mes parents et ma sÅ“ur, à l’aube du 16 juillet 1942. Quelques semaines après la commémoration du 65e anniversaire de la rafle du Vel d’Hiv, je ne pouvais que rappeler la mémoire d’un ivrogne, complice des bourreaux nazis…

Maurice Rajsfus

Physionomiste

Dans la soirée du 15 août, un voyageur prend place dans un avion sur un vol Paris-Casablanca. Il assiste à des scènes de brutalité sur un sans papier en voie d’expulsion : « Je vois, au fond de l’avion, un Noir ceinturé par quatre malabars à qui je n’aurais pas confié mon portefeuille ; l’un d’eux porte un brassard orange, police…  » (Extrait d’une lettre de lecteur parue dans Libération, 20 août 2007)

Mort naturelle

Le 17 Juillet, à Rouen, un homme de 37 ans est interpellé pour une affaire de vol. Le lendemain, il est retrouvé sans vie à l’hôtel de police par les policiers venus lui signifier la fin de sa garde à vue. Crise cardiaque disent les policiers. « Mort naturelle consécutive à une subite crise d’épilépsie que rien ne pouvait laisser présager », selon le procureur. (Source, Aujourd’hui,1er août 2007)

La chasse est ouverte

Le 9 juillet, Brice Hortefeux (Ministre de l’Identité nationale) contestait l’accélération des procédures d’expulsion. Une circulaire émanant d’une préfecture d’Ile de France, révélée le 10 août, vient démentir cette affirmation. Ce document recommande à la police d’effectuer des vérifications au domicile des sans papiers, et de « solliciter le procureur de la République afin d’obtenir la coercition », en cas de « non-défèrement » des personnes convoquées. Pour le réseau Education sans frontières (RESF), cette circulaire « est terrible. On y voit, noir sur blanc, une mécanique finir de se mettre en place. » Pourtant,le 21 août, Brice Horteteux est inquiet. Il craint de ne pas atteindre les quotas d’expulsion fixés par le président de la République. L’idéal serait peut-être de dépasser les chiffres prévus. C’est pourquoi, le ministre indique clairement la voie à suivre, appelant les policiers à « redoubler d’efforts pour les interpellations. » (Sources, Libération, 11 et 27 août 2007)

La sinistre traque lilloise

– Le 21 août, à l’aube, à Lille, les CRS s’appliquent à évacuer des trottoirs où ils sont installés 42 sans papiers en grève de la faim depuis la fin du mois de juin. Dans la soirée ces hommes sont mis en garde à vue dans les locaux de la PAF, avant leur placement au centre de rétention de l’aéroport de Lesquin, en vue de leur expulsion.

– Le 22 août, le préfet du Nord, Canépa, ancien haut fonctionnaire au ministère de l’intérieur, qui « gère » l’affaire des sans papiers de Lille, se dit déterminé « Ã  dire non au chantage, non la manipulation et au terrorisme intellectuel », à propos des sans papiers grévistes de la faim, interpellés le 21 août, et sans doute en voie d’expulsion. (Source, Libération, 23 août 2007)

– Le 23 août, on apprend qu’une dizaine de jours plus tôt, deux Guinéens de Lille ont été expulsés vers Conakry (lire plus bas « Retours de bâtons »). Le 22 août, deux Marocains, en grève de la faim, ont été embarqués sur un vol pour Casablanca sans consultation médicale, et malgré l’opposition du commandant de bord. (Source, Libération, 24 août 2007)

– Le 25 août, présents à la manifestation en soutien aux sans papiers de Lille, nous apprenons que, la veille, dix autres Guinéens ont été expulsés à leur tour. Après 70 jours de grève de la faim, la détermination des sans papiers ne faiblit pas -de même la surdité du préfet Canépa.

– Le 27 août, suite à de vagues promesses, 13 sans papiers cessent leur grève de la faim et 21 autres, interpellés le 21 août, sont libérés suite à l’intervention du juge des libertés. Finalement, le préfet Canépa, qui ne garantit aucune régularisation, fait preuve du plus grand esprit humanitaire et ne paraît pas autrement inquiet sur l’état de santé de ceux qui sont en grève de la faim depuis plus de soixante dix jours. Il déclare : « Entre l’apparence et la réalité, il y a parfois un léger décalage.  » Décidément, nos fonctionnaires d’autorité ont le sens de la formule. (Source, Libération, 28 août 2007)

– 26 août. Les grévistes de la faim poursuivent leur lutte après 75 jours de jeûne. L’espoir de sortie de crise est vague, et le préfet Canépa refuse toujours de négocier avec le Comité des sans papiers (CSP 59). Le 14 août, le préfet avait signé un accord prévoyant le réexamen de 150 dossiers. Préalable à la fin de la grève de la faim. Ce 28 août, il n’y a plus de préalable et le préfet adopte un ton plus dur envers les sans papiers. (Source, Libération, 29 août 2007)

– 31 août, Les sans-papiers de Lille suspendent leur grève de la faim. Ils sont 54 -y compris les expulsés- a adresser au préfet du Nord un formulaire en vue du réexamen « bienveillant » de leur dossier. Ce qui ne signifie pas une régularisation. Les ports-parole des sans-papiers assurent qu’ils ont accepté les conditions insatisfaisantes du préfet, mais qu’ils placent les représentants de l’État « sous surveillance, pour voir si les récépissés tombent ou si ce n’est que du bluff. » (Source, Libération, 31 août 2007)

Retour de bâtons…

Le 15 août, à l’arrivée à Conakry (Guinée), six policiers de la PAF, qui « escortaient » deux Guinéens sans papiers expulsés, sont agressés et molestés. C’est le fait brut, qui ne sera connu qu’une semaine plus tard. Selon diverses sources, il semble qu’à bord de l’avion l’ambiance était électrique. Ces policiers, qui ne devaient pas être particulièrement câlins avec les deux hommes menottés et entravés à leur siège, se plaignent d’avoir été insultés, et même cibles de crachats. Il n’est pas impossible que certains passagers, indignés des violences développés à bord de l’avion, aient pu alerter des familles avec leur téléphone portable. C’est ainsi qu’à l’aéroport de Conakry, un comité d’accueil -dont peut-être deux policiers locaux- va se défouler sur les hommes de la PAF, lesquels n’apprécient guère ce retour de bâtons. Plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été blessés. « C’est un guet apens » a tonné le secrétaire général du syndicat général Alliance de la police nationale. (Il convient de rappeler qu’il y a quelques années semblable mésaventure était arrivée à des policiers de la PAF, à l’arrivée à Bamako, au Mali ; les expulsés expliquant :  »ici, on est chez nous ! « ) Le gouvernement guinéen ayant regretté l’incident, et non pas présenté des excuses, comme il avait été dit, Michèle Alliot-Marie déclarait, le 23 août, « l’incident est clos… » Pourtant, comme nos policiers ne peuvent être que d’héroïques fonctionnaires, les six hommes de la PAF vont se voir décerner la médaille « pour actes de courage et de dévouement ». (Sources, France 2 et France Inter, 23 août, Libération et Canal +, 24 août 2007)

Exode

– A l’aube du 27 août, à Paris, des policiers délogent cinq SDF qui campaient depuis plusieurs mois sur les bords du canal Saint-Martin. (Source, 20 Minutes, 28 août 2007)

– Ce même 27 août, les policiers lyonnais  »Ã©vacuent » 300 Roms installés à Vénissieux. (Source, Métro, 28 août 2001)

– Le 26 août, toujours dans la banlieue lyonnaise, des policiers « Ã©vacuent »,selon la formule en vigueur, 210 Roms qui vivaient dans un bidonville, aussitôt détruit. La moitié d’entre eux, sans papiers, étant invités à quitter le territoire nationale, avec promesse d’une prime de 153 euros. (Source, France 2, avec images, 28 août 2007)

Pas collabo…

Le 28 août, une assistante sociale de Belfort qui refusait de fournir l’adresse d’une femme sans titre de séjour, est placée en garde à vue par la police. Fort heureusement, cette travailleuse sociale a été soutenue solidairement par l’association nationale des assistants de service social, laquelle défend le secret professionnel. (Source, 20 Minutes, 30 août 2007)

Etat de siège

Paris 29 août, correspondance des RER B et C, à la station Saint-Michel, vers 8 H 15. Apparemment, c’est l’état de siège. Une quarantaine de contrôleurs de la RATP, assistés d’une dizaine de policiers de la Suge (SNCF) attendent les usagers pressés de se rendre à leur travail. Cela crée un encombrement supplémentaire. Il est vrai que la chasse aux petits fraudeurs exige d’importants effectifs. Les gros fraudeurs en col blanc, qui n’empruntent pas les transports en commun peuvent dormir tranquille. (Courrier reçu à l’Observatoire des libertés publiques, le 3 septembre 2007)

Il n’y a pas d’abonné…

La loi prévoit que les sans-papiers placés en centre de rétention administrative puissent téléphoner à l’extérieur, particulièrement à leur avocat. Il n’était pas rare que les policiers de la PAF expliquent à leur victime que le téléphone était en panne. Depuis que nombre de ces parias disposent d’un téléphone portable, cela ne pouvait que s’arranger. Pas toujours, pourtant. En effet, la cour administrative de Bordeaux a ordonné la remise en liberté d’une vingtaine de sans-papiers, privés de communication téléphonique, suite à la saisie de leur portable par les policiers au centre de rétention. (Source, Libération, 30 août 2007)

Pas trop coupables

En juillet 2006, deux policiers du commissariat de Sevran (93) y conduisaient un homme en état d’excitation. Celui-ci devait rapidement décéder par  »asphyxie ». En juillet 2007, 1es deux policiers ont été mis en examen pour « homicide involontaire par violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence ». Belle formule pour ne pas dire que l’homme « excité » a été gentiment étouffé par des policiers peu regardants sur leur modus operandi, comme ils disent. (D’après Le Monde, 1 er septembre 2007)

Dysfonctionnement

Le 1er septembre, dans la matinée, dans le 16 ème arrondissement de Paris, une dispute éclate entre la patronne d’un restaurant asiatique et une de ses employées, sans-papiers qu’elle veut licencier. Alertée, une équipe de la BAC arrive sur les lieux. Comme les policiers ne parviennent pas à persuader l’employée de lâcher le couteau qu’elle a en main, l’un d’eux fait usage de son pistolet à impulsion électrique Taser -qui ne fonctionne pas. Selon la police, l’employée se serait jetée sur un policier, le blessant à la cuisse avec son couteau. Aussitôt, un autre policier, n’écoutant que son courage, dégaine alors son arme de service, et blesse grièvement la jeune femme à une omoplate. Pour le secrétaire général du syndicat SGP-Police, la légitime défense ne fait aucun doute. Une enquête est en cours pour connaître les raisons du mauvais fonctionnement du Taser. A suivre… (Source, 20 Minutes et Métro, 3 septembre 2007)

Le GIGN nouveau est arrivé

Le GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale) élargit ses capacités répressives en intégrant dans es rangs l’Escadron parachutiste de la gendarmerie et le Groupe de sécurité de la présidence de la République. Dès à présent, le nouveau GIGN sera en mesure de déployer 255 gendarmes éléments « d’élite » sur le terrain, à partir d’un effectif de quelque 380 gendarmes qui opèrent encagoulés, tout comme leurs collègues policiers du RAID. (Source, Matin Plus, 3 septembre 2007)

Humanisme policier

Entre les mois de juillet et août, un commerçant maghrébin du quartier des Francs-Moisins, à Saint-Denis (93), avait été agressé à trois reprises dans sa supérette d’alimentation générale. Menacé de mort pour avoir révélé sa situation, le commerçant va finalement bénéficier d’une protection rapprochée de sept fonctionnaires des RG. Réaction du Syndicat national des officiers de police (SNOP), : « Protection excessive ! » Comme chacun sait, la police, dans sa mission prioritaire, doit assurer la protection des personnes et des biens… (Source, Métro, 5 septembre 2007)

Echec à la PAF

Le 28 avril 2007, des passagers d’un vol Paris-Bamako, au départ de Roissy, s’indignent du traitement musclé subi par deux Maliens sans papiers en voie d’expulsion. Les policiers mettent des coussins sur la tête des Maliens pour que leurs cris ne soient pas entendus dans l’avion. Une passagère dit alors aux policiers sa « honte d’être française ». Elle est débarquée manu militari de l’appareil en compagnie d’un autre passager. Les policiers ayant porté plainte contre la passagère pour « provocation à la rébellion », cette personne comparaissait en correctionnelle, devant le tribunal de Bobigny, le 3 juillet, mais cette simple citoyenne maintient sa version et justifie son attitude en dénonçant les méthodes inhumaines employées par les policiers de la PAF. Le 4 septembre,, en délibéré, le tribunal reconnaissait que les propos de cette personne « étaient d’abord l’expression d’une vive émotion », qui ne visait pas à « appeler les passagers à s’opposer de façon violente aux policiers. » Au cours de l’audience, l’avocate de la défense avait affirmé : « En tant que citoyens actifs, quand les policiers agissent de cette façon, nous avons le devoir de le dire ! » Finalement, dans sa sagesse, le tribunal a prononcé la relaxe des deux voyageurs poursuivis en justice par des policiers peu désireux que leurs méthodes expéditives soient révélées au grand public. Espérons que cette décision fera jurisprudence. (D’après Libération, 5 septembre 2007)

Dégrisement mortel

Dans la nuit du 2 au 3 septembre, à Dieppe, un homme placé en cellule de dégrisement, au commissariat de police, est retrouvé mort. Conduit auparavant à l’hôpital, en état d’ébriété, un certificat de non hospitalisation indiquait que l’homme pouvait être retenu dans les locaux de police. Comme trop souvent, ces cellules de dégrisement sont le lieu où les mauvaises manières de certains policiers peuvent conduire à des abus de pouvoir tragiques. (D’après Métro, 5 septembre 2007)

Productivité

Selon le réseau Education sans frontières (RESF), il y a eu davantage de parents d’élèves placés en centre de rétention au cours du mois d’août que pendant les dix premiers mois de l’année scolaire. (Source, Rouge, 6 septembre 2007)

Glissade

Colmar, 6 septembre, lors de la visite de Nicolas Sarkozy dans cette ville, un policier du GIPN, tireur d’élite, est tombé au travers du toit d’une usine d’où il surveillait les alentours. Il devait décéder après une chute de treize mètres. (Source, France Inter, 6 septembre 2007)

Crise du logement

Paris, 6 septembre. Les forces de l’ordre interviennent en fin d’après-midi, dans le seizième arrondissement, pour expulser 45 étudiants qui occupaient un immeuble vacant. (Source, Métro, 7 septembre 2007)

Policiers plasticiens

Paris, 6 septembre, Une équipe de policiers évacue « par la force » les 25 occupants d’un squat d’artistes, dans le quartier de Belleville. La Générale, squat multidisciplinaire, fonctionnait sans problème depuis deux ans. (Source, 20 Minutes, 7 septembre 2007)

Rugby sécuritaire

Pour le Mondial de Rugby, 5.100 caméras ont été installées dans le réseau souterrain de la RATP, plus de 17.000 caméras dans les bus et tramways. Par ailleurs, 13.500 policiers et gendarmes étaient déployés pour contrôler le réseau. (Source, Métro, 7 septembre 2007)

Camping précaire

Aubervilliers (93), 6 septembre. Un campement de SDF, presque tous Africains, est évacué sans ménagement par environ 120 policiers et CRS, qui avaient encerclé les lieux dès l’aube. Il s’agit de familles en situation régulière, qui réclament simplement le droit au logement. Cette opération se déroule à la demande de la municipalité communiste. Les tentes sont démontées par les policiers et les matelas chargés pêle-mêle sur des camions. Une femme qui porte un enfant dans les bras, et un autre dans le dos, qui veut forcer un barrage de CRS pour en récupérer un troisième resté sous une tente, est jetée à terre. La tension monte et plusieurs hommes sont interpellés, l’un d’eux étant violemment plaqué au sol. Plus loin, les menottes sont passées à une femme sans doute récalcitrante. La brutalité des policiers était très visible, et les coups de matraque portés à des femmes portant leur bébé sur leur dos insupportables. Dans la soirée, les policiers reviendront pour évacuer les personnes qui n’avaient pas quitté les lieux. (Sources, images de France 3 et France 2, 6 septembre et Libération, 7 septembre 2007)

Comptine

Un correspondant de Lille, nous a envoyé cette comptine flamande, gentiment détournée :

« A la queue leu leu
Tous les flics sont bleus
S’ils sont gris
Tant pis… »

Les mots pour le dire

Les policiers de Nicolas Sarkozy se verraient bien en rédacteur des dictionnaires, et plus particulièrement, du Petit Robert. Les syndicats de policiers ne décolèrent plus, après avoir découvert que, parmi les mots nouveaux que l’édition 2007 de cet indispensable outil de travail, figure cette illustration du terme « rebeu », puisée dans l’œuvre de Jean-Claude Izzo : « T’es un pauvre petit rebeu qu’un connard de flic fait choir, c’est ça… » Le syndicat Alliance exige une correction « dans les plus brefs délais », tandis que l’UNSA-Police a annoncé, le 7 septembre, avoir engagé une action en justice pour « obtenir le retrait pur et simple » de ce qui leur paraît être un outrage. Tout naturellement, Michèle Alliot-Marie a également écrit à la direction générale du Petit Robert, pour protester, estimant « qu’une autre citation aurait pu être retenue. » Suggestion : le dictionnaire de référence aurait peut-être pu adoucir ainsi le propos : « Pauvre fils d’immigrés maghrébins qu’un brave policier tente de remettre sur le droit chemin… » Malheureusement, même si les mots peuvent changer, les comportements n’en sont pas modifiés pour autant. (D’après Libération, 8 septembre 2007)

Rigolo

Le travail illégal n’épargne personne. Pas même – indirectement – les forces de l’ordre. C’est ainsi que, le 6 septembre, les deux gérants d’une société girondine de bâtiment ont été mis en examen pour avoir employé des étrangers en situation irrégulière sur le chantier d’agrandissement du Centre national d’entraînement de la gendarmerie de Saint-Astier, en Dordogne. (Source, Libération, 7 septembre 2007)

Pénurie de pandores

Le 7 septembre, la gendarmerie a lancé une grande campagne de recrutement – dont 7.000 emplois jeunes. A cette occasion, nous apprenons que 13.000 apprentis pandores seraient nécessaires pour assurer la sécurité de 30 millions d’habitants des zones rurales. Cible visée : les 18/36 ans. (Source, Métro, 10 septembre 2007)

Fils de famille…

Nul n’a pu oublier l’affaire du vol de scooter du fils Sarkozy, le 7 janvier 2007. En quelques jours, la police avait mis la main sur le coupable, grâce à son ADN, miraculeusement trouvée dans un fichier. Ce que l’on ignorait alors, c’est que le même Sarkozy junior, prénommé Jean, avait, le 10 octobre 2005, heurté l’arrière d’une BMW avec son deux roues. Le fils du ministre de l’Intérieur n’avait pas daigné s’arrêter, accompagnant sa fuite d’un « geste offensant » de la main à l’intention de l’automobiliste, prénommé M’Hamed.

La compagnie d’assurance de la victime avait, à trois reprises, relancé le petit Sarkozy, dont le numéro de plaque minéralogique avait été relevé par un témoin. Sans réponse. Entre temps, la victime avait porté plainte, en mars 2006 mais il semble que le document ait été « égaré ». En septembre 2006, il lui est conseillé « d’être prudent, en période électorale. » Quand, en janvier 2007, intervient l’affaire du vol du scooter du petit Sarkozy, réglée rapidement, M’Hamed prend un avocat qui, en août 2007, rédige une citation directe pour « délit de fuite et destruction de bien. » Le 11 septembre, Jean Sarkozy était convoqué devant la 10ème chambre correctionnelle de Paris pour « délit de fuite » mais s’abstenait d’être présent. Interrogé avant l’audience, l’Elysée n’avait pas souhaité réagir. De son côté, M’Hamed soulignait que trois avocats avaient refusé de le défendre, ne voulant pas « risquer leur carrière. »Il ne s’agissait que d’une simple audience de procédure destinée à fixer la date du procès qui devrait se dérouler le 4 décembre. Bienveillant, M’Hamed a malgré tout tenu à préciser qu’il abandonnerait les poursuites si Jean Sarkozy lui réglait les 4.000 euros de dommages et intérêts qu’il réclame. (Source, Le Monde, 5 septembre, Libération, 11 septembre et Métro, 12 septembre 2007)

Charrettes et charters

Nous avions failli l’oublier. En matière d’expulsions d’étrangers en situation irrégulière, la performance est toujours à l’ordre du jour. Et Nicolas Sarkozy ne cesse de marteler que les quotas doivent être respectés. C’est ainsi que, le 12 septembre, le ministre Brice Hortefeux (entre autres fonctions, en charge de l’identité nationale) convoquait une vingtaine de préfets pour les inciter à mieux s’inquiéter du taux de remplissage des centres de rétention administrative. Les policiers sont également sur le grill, et dans le regard acéré des défenseurs de la veuve et de l’orphelin, il est possible de déceler cette volonté de faire le ménage.

Déjà, en 2006, l’objectif de 25.000 expulsions de sans papiers n’était pas tenu et, pourtant, c’est à tour de bars que des Roumains et des Bulgares avaient été « éloignés » du territoire national. De même, Outre-mer, des Comoriens et des frontaliers de la Guyanne française. D’où l’inquiétude de notre ministre de l’expulsion, qui craint à son tour de se faire « remonter les bretelles » car à la fin août « seulement » 13.000 étrangers non souhaités avaient été expulsés. (Source Canal + et France Inter, 12 septembre 2007)

La peur du gendarme

Le 12 septembre, à Roussillon (Isère), un homme soupçonné d’être en situation irrégulière par les gendarmes qui le contrôlaient dans la rue, remonte chez lui pour chercher ses papiers et saute par la fenêtre du 4ème étage. Il souffre de fractures multiples. (Source, Libération, 13 septembre 2007)

Les violeurs de la CRS 7

Parmi d’autres comportements déviants, propres à certains policiers, le viol en réunion, que la hiérarchie policière déplore mais que la justice condamne mollement, constitue une pratique peu compatible avec le métier de gardien de la paix. L’affaire des policiers violeurs de la CRS 7, récemment jugée par le tribunal de Bobigny, n’est que le dernier épisode de faits identiques révélés par la presse, en 2006 et 2007.

– Le 10 avril 2006, le tribunal de Bobigny prononce des peines allant de 18 mois à quatre ans de prison ferme contre cinq policiers qui avaient abusé de prostituées, en 2002, tout en les dépouillant de leur argent, à la porte de La Chapelle, à Paris. A cette occasion, le secrétaire général du syndicat Alliance de la police en tenue expliquait : « Il s’agit de comportements inadmissibles, qui ne sont que des cas exceptionnels. » (Pour la période allant de d’octobre 1994 à décembre 2000, il nous a été possible de relever une quarantaine d’affaires de viols, mettant en cause des policiers. Sur ce sujet, se reporter à Bavures, de Maurice Rajsfus, paru à L’Esprit Frappeur, 2001)

– En mai 2006, à Marseille, quatre policiers proxénètes, qui avaient monté un réseau de prostitution, entre 2003 et 2005, écopent l’un de quatre ans de prison, un autre de deux ans de la même peine, deux de leurs collègues n’étant condamnés qu’à deux ans de prison avec sursis.

– Le 21 décembre 2006, trois policiers lillois, jugés en cour d’assise, à Douai, pour avoir violé des prostituées, pendant leurs heures de service, en octobre 2003, sont simplement condamnés à de la prison avec sursis pour « corruption passive » – un quatrième étant purement et simplement acquitté.

Rappelons, les faits. En 2002 et 2003, sept policiers de la CRS 7, cantonnés à Deuil-la-Barre (95) s’étaient livrés à des agressions que la morale réprouve. Accusés de « viols aggravés, en réunion, par personnes abusant de l’autorité conférée par ses fonctions », ils n’effectueront que quelque mois de prison préventive. Trois de ces fonctionnaires avaient été révoqués en 2004, quatre autres étant simplement suspendus pour complicité.

Il se trouve que les policiers de la CRS 7 agressaient des prostituées, en situation de faiblesse puisque ces femmes étaient étrangères, et même en situation irrégulière sur le territoire. C’est ainsi qu’en échange de relations sexuelles « gratuites », ces policiers promettaient à leurs victimes de ne pas les inquiéter. Malgré onze viols avérés, si le scandale éclate au printemps 2003, les fonctionnaires violeurs n’ont comparu en cour d’assises que les 7 et 13 septembre 2007.

Il aura donc fallu quatre ans pour instruire ce dossier mettant en cause des délinquants en uniforme, dont l’un des avocats mettait en avant, en forme d’excuse : « Le manque d’encadrement ». Au fil des audiences, ces voyous expliquaient tranquillement qu’ils « prenaient la vague ». Ce qui signifie, comme le révélait l’un d’eux, les sorties dans des clubs échangistes, où ils passaient en priorité. Au cantonnement de Deuil-la-Barre, il y avait un bar « ouvert à tous ». A un juge d’instruction, à propos des viols des prostituées, l’un de ces policiers avait confié : « C’était comme le fait d’avoir un sandwich à tarif réduit… »

Ces policiers, tous bacheliers, et parfois au-delà, étaient dotés d’un passé moral à toute épreuve : scoutisme, pompiers volontaires avec, plus tard « une vocation pour servir le pays et apporter la sécurité aux gens… » Dans la soirée du 14 septembre, le verdict est tombé : sept ans de prison ferme pour les trois principaux accusés, du sursis pour les quatre autres. Pas cher payé ! (Sources, Le Parisien, Le Monde, France Info et France Inter, du 8 au 14 septembre 2007)

Encore le sursis !

Les Ripoux, c’est pas que du cinéma ! Le 13 septembre, quatre policiers qui exerçaient leur activité sur le marché aux puces de Saint-Ouen (93) ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis – leur chef de brigade écopant de quatorze mois, également avec sursis. Leur délit ? Pendant plusieurs mois, ces braves policiers s’étaient servis dans le « butin de guerre » de la Brigade des Puces, constituée en 2001. Comme les marchandises saisies n’étaient pas toujours placées sous scellées, la tentation était forte de ses servir. « Ils étaient jeune. Il y a eu effet de groupe », a expliqué l’un des avocats de ces authentiques voleurs. Au final, si la procureure avait requis également une interdiction d’exercer, le tribunal n’a pas suivi cette recommandation, prononçant même la non-inscription des peines au casier judiciaire. Un cas d’école sur l’impunité policière… (Source, 20 Minutes, 14 septembre 2007)

Interpellation mortelle

Le 8 septembre, à Paris, un touriste de Trinité et Tobago est interpellé, en état d’ivresse, dans un restaurant du 6ème arrondissement. « Menaçant » selon les policiers, l’homme est embarqué, entravé, dans un fourgon. D’après une source proche du dossier, « il s’est pas mal agité pendant le transport. » Pris d’un malais à l’arrivée au commissariat, la victime devait décéder quelques jours plus tard, à l’hôpital Cochin. Bien entendu, l’IGS enquête. (Source, Le Parisien, 14 septembre 2007)

A propos des violeurs de la CRS 7

La police de ce pays constituerait-elle un milieu criminogène ? Terrible interrogation ! Nous a-t-on suffisamment répété qu’il n’y avait pas plus de racistes dans la police que dans la moyenne de la population – 30% selon les enquêtes habituelles. Il semble qu’il en va parfois de même dans d’autres domaines. Si l’on se réfère aux quelque 2.500 comparutions annuelles de fonctionnaires d’autorité devant les Commissions de discipline de la police nationale (nous manquons de chiffres pour la gendarmerie) il y a de quoi être inquiet. Surtout si les délits concernés ne sont pas détaillés.

Donc, pas plus de racistes, pas plus de truands ordinaires, pas plus de voleurs à la tire qui dévalisent leurs victimes lors d’une garde à vue au commissariat, pas plus de violeurs ou d’amateurs de ces « tournantes » dont les auteurs sont frappés de lourdes peines de prison. En tout cas, certainement pas davantage de brutes avinées, avec cette circonstance aggravante que les pochtrons en uniforme sont des fonctionnaires assermentés et protégés par la justice.

Quelque 2.500 délinquants, cela représente environ 1,6 % de l’effectif policier. Peu de choses, pourrait-on dire. Voire. Rapporté à la population adulte de ce pays – soit environ 40 millions « d’individus » – cela ferait près de 600.000 justiciables, susceptibles d’être déférés devant les différentes instances de la justice. Il serait donc nécessaire de multiplier par dix la capacité d’accueil de nos prisons républicaines.

L’Observatoire des libertés publiques

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