quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Bulletin d’information anti-autoritaire – Nouvelle série – numéro 21 – juin-juillet 2008

Editorial

Les jeunes au trou… La police y veillera !

Nous voici rassurés. Une fois de plus, l’Ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs va être durcie. A en croire les grands esprits qui nous gouvernent, il convient de persuader les citoyens de ce pays que notre sécurité serait à ce prix. Il faut en être certain : les délinquants ne se trouvent pas parmi les cols blancs initiés, qui édifient des fortunes tout en plongeant dans la misère des pans entiers d’une population ghettoïsée, sans espoir, qu’il sera possible de désigner comme la cause majeure du désordre. Les mauvaises filières scolaires engendrant le chômage futur comme le désoeuvrement de jeunes livrés à eux-mêmes, il suffit donc de s’intéresser aux pré-adolescents et oublier cette période  »romantique » où un garçon -voire une fille- ne pouvait faire l’objet d’une sanction pénale lourde. Comment ne pas mettre fin à une telle permissivité. C’est ainsi que, le 15 avril, Rachida Dati, qui se veut la mère fouettard de notre société, nous a fait savoir qu’en principe il ne devrait pas y avoir d’âge minimum de responsabilité pénale. Ce qui peut signifier qu’il n’y a pas d’âge butoir pour connaître la paille humide des cachots de la République. La France a déjà connu cela avant la Deuxième Guerre mondiale, lorsque les maisons de redressement, véritables prisons d’enfants, « recueillaient » des mineurs bien souvent issus de l’Assistance publique et que l’on traitait déjà comme des pré-délinquants avant, à leur majorité, de les expédier aux Bat’ d’Af’. En fait, tout comme le bon docteur Knock, de Jules Romain, qui souhaitait mettre toute une population sous contrôle médical, la brave magistrate Rachida Dati faciliterait le travail de la police, en amont, en enfermant préventivement les « racailles » des banlieues. Finalement, ce qui est en cause c’est bien moins la nature des délits que la volonté de marginaliser une partie de la population en enfermant les auteurs mineurs, aujourd’hui au travers de la loi sur la récidive du 10 août 2007, demain au premier carreau cassé comme le suggérait l’ancien maire de New-York Rudolf Giuliani. Bien entendu, une telle pratique répressive, désignant la jeunesse comme une menace pour la société, ne peut que satisfaire une institution policière toujours avide de résultats et de statistiques. Tout comme les commissaires aimeraient bien remplacer les juges d’instruction, les policiers de base se verraient bien prendre la place des juges pour enfants ou des éducateurs. Quelle belle société en devenir…
Maurice Rajsfus

Rappel : nouvelle adresse

Depuis la fin du mois d’avril, Que fait la Police ?, ainsi que l’Observatoire des libertés publiques, ont changé d’adresse. Nous sommes toujours hébergés chez nos amis de NSP-Agora mais, désormais, au 20 rue Courat, 75020 Paris

Décédée en garde à vue… avec égards

En septembre 2003, une jeune femme était placée en garde à vue, suite à un interrogatoire à la Brigade financière de Paris. Elle avait ensuite été conduite dans une cellule sans qu’on lui retire son sac à main, pourtant bourré de médicaments, et sans la moindre fouille. Cette femme décédait après avoir avalé une quantité de nivaquine quatre fois supérieure à la dose mortelle. Les enfants de la victime ont finalement porté plainte pour « homicide involontaire par négligence ». I1 est vrai que les personnalités qui passent par la brigade financière ne sont pas considérées comme de vulgaires délinquants, et sont traitées avec des égards qui font souvent défaut pour le pékin ordinaire. (Source, Le Canard Enchaîné, 2 avril 2008)

Pandore à la main leste (suite)

Pour être gendarme on n’en est pas moins un triste citoyen, maillon faible de l’ordre public. Ainsi ce pandore, évoqué rapidement dans notre numéro de mai 2008, et qui pourrait difficilement être donné en exemple. Ce commandant de la brigade de Dabo (Moselle), comparaissait le 9 avril devant le tribunal correctionnel de Metz. Les faits : entre 2000 et 2003, cet adjudant, âgé de 48 ans, juste connu comme un « coureur de jupons », convoquait des jeunes femmes susceptibles d’embrasser la carrière de gendarmette, et se livrait régulièrement sur elles à des attouchements que la morale réprouve. Entre temps, le galonné, révoqué, avait été incarcéré préventivement durant une vingtaine de mois. L’homme en uniforme, censé incarner l’ordre public avait agressé sexuellement au moins sept jeunes femmes, dont deux mineures de quinze ans. Lors du procès, l’avocat de ce pervers s’est contenté de dire que, même si « les faits étaient moralement choquants, les jeunes femmes avaient la latitude de refuser ce qui leur était demandé ». Tel que. Peu sensible à cet argument le procureur n’en a pas moins requis une peine de quatre ans de prison ferme contre ce rebut de la gendarmerie républicaine. (D’après L’Est Républicain, 10 avril 2008)

Policiers Julots ?

Le 19 avril, l’IGS était saisie d’une enquête, suite à l’arrestation d’un faux policier soupçonné d’avoir racketté des prostituées travaillant dans le bois de Vincennes. I1 se trouve, pourtant, que deux authentiques policiers -un capitaine et un gardien de la paix- pourraient être impliqués. Par ailleurs, lors d’une perquisition au domicile du faux policier, les enquêteurs ont pu mettre la main sur un lot de vraies fausses cartes grises, des cartes de visite de vrais policiers, ainsi que des fiches issues du STIC (Système de traitement des infractions constatées). De source judiciaire, on s’est dit très étonné par la découverte de certaines pièces dont « l’authenticité laisse présumer une complicité policière. » L’enquête paraît révéler que l’identité des vrais policiers serait établie. (Sources, Métro et Libération, 22 avril 2008)

Police secours ?

Lorsque des policiers interviennent au domicile de particuliers, ne serait-ce que pour une simple querelle domestique, ils ont, d’instinct, la main sur la crosse de leur arme. C’est ainsi que, le 20 avril, des policiers sont appelés à Champigny (94) pour venir en aide à une personne suicidaire. Arrivés sur place, les policiers trouvent un homme ayant en main un couteau de cuisine. Ils sortent alors leur arme, et l’un des fonctionnaires, élève gardien de la paix, blesse l’homme à la cuisse. Comme ce n’est pas suffisant, une seconde balle touche sa compagne. Selon la police, la vie des deux blessés ne serait pas en danger. De son côté, l’IGS enquête sur l’usage des armes en de telles circonstances. (D’après 20 Minutes, 22 avril 20D8)

Garde à vue !

La pratique de la garde à vue s’étend et paraît se banaliser. De 364 000 en 2001, les GAV sont passées à plus de 560 000 en 2007. I1 est vrai que l’on ne place plus seulement en garde à vue pour un délit important mais c’est devenu habituel pour les étrangers en situation irrégulière, tout comme pour les violences conjugales. La volonté des policiers de faire du chiffre n’est pas étrangère à cette évolution. Pour une vice-procureure à Paris :  »On a poussé la situation jusqu’à l’absurdité, surtout pour des contentieux à la mode. En matière d’alcoolémie, par exemple, on ne fait plus la différence entre un taux de 0,42 gr et un taux de 2 gr… on place systématiquement en garde à vue ».
Un policier vend la mèche : « Ce n’est pas le moyen d’obtenir des aveux mais c’est pendant la garde à vue que l’on obtient des aveux ! » De son côté, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a dénoncé, dans son rapport pour 2007, 1es cas de garde à vue d’une durée excessive, sans notification des droits ou ayant fait l’objet d’une pratique abusive de la fouille au corps. « Bien souvent, souligne un avocat, la personne placée en garde à vue ne comprend pas ce qui lui arrive. » (Source, Le Monde, 23 avril 2008)

Comptine

Le texte qui suit n’est en rien redevable à l’imagination de l’un de nos correspondants. C’est une comptine qui circulait en Dauphiné et dans le Languedoc, au XIXème siècle:
 » Zon zon zon
Allez en prison
En prison, petits bonshommes
qui volez toutes nos pommes
Zon zon zon
Allez en prison  »

J’écoute, je regarde !

Intéressé par la qualité des audiences du 35 bis, tribunal réservé aux étrangers « en partance », un haut magistrat s’est rendu à l’une de ces séances. « J’entre dans une salle presque vide, quelques avocats, le juge, un greffier. Un justiciable, un seul. » Pourtant, un homme remplit des fiches ; il note le nom du magistrat, celui du représentant de la préfecture, l’identité de la personne présente, les raisons de son interpellation, etc. Renseignements pris, notre homme est policier, membre des Renseignements généraux, 12ème section, spécialisée dans l’immigration clandestine et le travail illégal. Ce magistrat, curieux, fait ce constat : « Depuis un mois environ, des fonctionnaires des RG se relaient pour assister à ces audiences et remplissent ces fiches… Mais que peut bien apporter cette surveillance quotidienne des audiences alors qu’un représentant de la préfecture y siège en permanence… » (Extraits du blogue de Serge Portelli, vice-président au tribunal de Paris, sur nouvelobs.com, 22 avril 2008)

Ardoise

Face à la vague de protestations ayant suivi l’annonce de la mise en place prochaine du logiciel Ardoise, destiné à  » mieux cerner » le profil des possibles délinquants ou des témoins fichés, la ministre de l’Intérieur a décidé de « réfléchir » avant son expérimentation. Il est vrai qu’outre de nombreuses associations de défense des droits de l’homme, un syndicat d’officiers de police (le SNOP) s’étaient émus face à cette volonté de mettre en évidence aussi bien l’appartenance syndicale des « individus » que leur orientation sexuelle. Pour les curieux, Ardoise n’est rien d’autre que l’acronyme de « Application de recueils de la documentation opérationnelle et d’informations statistiques pour les enquêtes. » Ouf ! Ce logiciel ayant pour objet de compléter le STIC (Système de traitement des infractions constatées) déjà bien connu. (Source, Métro, 23 avril et Rouge, 24 avril 2008)

Voyage…Voyage

Toute action répressive peut avoir sa mauvaise morale inattendue. Les policiers de la PAF, qui « accompagnent » les sans papiers expulsés, bénéficient d’une carte de fidélité Air-France, comme de simples pékins. Ce qui leur permet de récupérer ces fameux « miles » donnant droit à des trajets gratuits en avion. Le dur labeur de ces braves serviteurs de la République est ainsi récompensé. Avec cette révélation, il a été possible de rappeler un autre scandale, datant de 2005. A cette époque, une note du ministère de l’Intérieur avait interdit aux escortes « de se porter volontaires pour le surbooking ». En clair, certains de ces honnêtes fonctionnaires étaient soupçonnés de rester cloués au sol, avant leur retour en France, afin de bénéficier de l’indemnité versée aux « victimes » de la suréservation. (Sources, Le Canard Enchaîné, 23 avril et Libération, 24 avril 2008)

Beaucoup de bruit…

Le 23 avril, en fin d’après-midi, 350 policiers casqués et boucliers en main débarquaient à la cité des Beaudottes à Sevran (93). Cette opération avait pour objectif de traquer des trafiquants de cannabis et de cocaïne. Malgré cette armada, les policiers sont repartis pratiquement bredouilles : quatre interpellations et quelques centaines de grammes de cannabis saisis. Reste le souvenir d’une descente massive de la police qui avait sans doute pour but de compléter l’apparition à la télé, le lendemain de Nicolas Sarkozy. (D’après France 3, 24 avril 2008)

De fâcheux relents du passé

Que les étrangers colorés soient régularisés ou pas, les policiers ont l’oeil rivé sur le tableau de chasse qui leur est fixé par les préfets -et le ministre de l’Identité nationale. C’est ainsi qu’en 2007, nombreuses ont été les dérives policières dans ce domaine. Plus généralement, cette « course au chiffre » à laquelle sont soumises les forces de l’ordre, pour respecter « les quotas d’expulsion », a eu des effets insupportables rappelant un sinistre passé. En effet, des malades, des femmes enceinte et des vieillards se sont retrouvés en centres de rétention. De plus, des touristes africains, munis d’un passeport en règle -y compris le visa Schengen- ont été interpellés, et enfermés comme des clandestins avant d’être expulsés alors qu’ils possédaient leur billet d’avion pour le retour dans leur pays. (D’après le rapport 2007 de la CIMADE, cité par Libération, 25 avril 2008)

Suicide

Un gardien de la paix de la police de l’air et des Frontières (PAF), âgé de 38 ans, s’est donné la mort, le 25 avril, lors d’une patrouille dans les Pyrénées-Atlantiques. Peut-être n’appréciait-il plus la tâche dont il était chargé… (D’après Libération, 28 avril 2008)

Curieux traitement de l’information

Dans la nuit du 27 avril, à Aubergenville (78), un automobiliste qui roule à allure modérée, et on apprendra qu’il n’avait pas bu, heurte un passant qui rentrait chez lui à pieds, en forêt, après une fête. I1 se trouve que ce piéton, qui a été tué dans cet accident, était fonctionnaire de police. D’où ce titre étonnant, dans la presse gratuite : « Un policier tué par un automobiliste ! » -comme s’il s’agissait d’un crime odieux. Et si la victime avait été un employé de mairie, par exemple, aurait-on pu lire :  »Un employé tué par un automobiliste » ? (D’après Métro, 28 avril 2008)

CRS dans la snif

Le 29 avril, le tribunal correctionnel de Marseille a condamné à cinq et sept ans de prison ferme deux CRS, pour trafic de Cocaïne. Ces deux serviteurs de l’ordre public revendaient la drogue à des gérants de pizzerias du centre-ville. (Source, Métro, 30 avril 2008)

Fichier : un petit dernier

Le 1er juillet, suite à la fusion des RG et de la DST, qui va donner naissance à la Direction centrale du renseignement intérieur, de nouveaux fichiers verront également le jour. Ainsi un fichier RI protégé par le secret défense, ayant trait au terrorisme et à la protection des intérêts vitaux de la France sera créé. Par ailleurs, un fichier concernant le renseignement en milieu « ouvert » est en gestation. Ce fichier a reçu le doux nom de EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale.) En attendant les petits nouveaux qui ne manqueront pas d’être créés. (Source, Le Monde, 6 mai 2008)

Il a vendu la mèche

Alex Türk, président de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et, dans le même temps, sénateur UMP du Nord, s’alarme du développement de fichiers comme le STIG ou celui des empreintes génétiques : « Chacun de ces fichiers pris isolément est tout a fait légitime mais je m’inquiète de l’évolution globale. Pour l’instant, ils ne sont pas connectés entre eux mais, un jour ou l’autre, on se posera forcément la question. (Source, Le Monde, 6 mai 2008)

Nostalgie policière

Pour célébrer, à sa manière, le soulèvement étudiant de mai et juin 1968, la préfecture de police de Paris a publié un numéro spécial de sa revue Liaisons, sous le titre : « Mai 68 vu de l’autre côté de la barricade. » Cette publication étant exceptionnellement diffusée en librairie. Comme n’a cessé de le marteler Nicolas Sarkozy, depuis un an : « Il faut oublier mai 1968 ! »

La police à l’antenne

Le 6 mai au matin, à Ajaccio, quatre fonctionnaires de la police judiciaire débarquaient au siège de la rédaction de la chaîne de radio Frequenzza Mora. But de l’opération : effectuer des prélèvements ADN sur les journalistes de cette station locale de France Bleue. Refus des journalistes, soutenus par leur direction, qui rappellent l’existence d’un projet de loi, qui dort dans les tiroirs de la garde des sceaux, sur la protection des journalistes. Suite à cette intervention manquée devant la détermination des journalistes à protéger leurs sources, un policier corse ironisait : « C’est la vieille méthode. On veut couper les têtes des porteurs de mauvaises nouvelles… » La liberté de la presse serait-elle en danger ? (Source, Le Monde, 8 mai 2008)

La police et l’extrême droite

Depuis plusieurs années, les petits fachos du groupe des « identitaires », accompagnés de skinheads ont pris l’habitude de parader dans Paris, le 9 mai. Ils commémorent la mort de l’un des leurs, tombé d’un toit après une course poursuite avec la police. En 2007, ces joyeux garçons, cagoulés, avaient pu traverser Paris, en toute impunité, armés de manches de pioche. Cette année, suite à une intervention du maire de paris, ce rassemblement était interdit. Il n’empêche, les quelque 300 fachos qui s’étaient réunis près de la rue d’Assas, dans la soirée du 9 mai, ont gentiment été encadrés par des policiers presque sympathiques qui les ont raccompagnés jusqu’à une station de métro proche. Les crânes rasés n’ayant pas subi le moindre contrôle d’identité. (Source, Libération, 12 mai 2008, avec document photographique significatif)

Les BAC tuent, à Grasse !

Le 9 mai, dans l’après-midi, à Grasse (Alpes-Maritimes), suite à une altercation dans une agence bancaire, des policiers de la BAC, assistés par des policiers municipaux, interviennent en nombre et tabassent lourdement un jeune homme de 22 ans. Ce garçon, qui a déjà souffert de troubles psychiatriques est sans doute très énervé car sa banque vient de lui refuser un retrait. Aux yeux des policiers, il a peut être tort de se prénommer Hakim. Au cours de son transfert au commissariat, il fait un malaise, et décède rapidement. Pour les policiers, ce n’était qu’une intervention classique, suite à un outrage et à un acte de rébellion de la part de leur victime.
Pour les témoins d’une scène extrêmement violente, il s’agit ni plus ni moins que d’une bavure en vraie grandeur. Menotté au sol, le garçon était écrasé par des policiers qui bloquaient sa respiration. Un maître-chien, présent lors de l’altercation, raconte : « Il était à terre. Ils étaient trois sur lui. Un policier lui faisait une pression sur la colonne vertébrale avec son genou. Un autre l’étouffait avec son bras. Il avait les mains menottées sous le torse. Il était violet. Il demandait à respirer…Il a pris deux coups de poing, deux bonnes pastèques. J’ai dit aux policiers : vous l’avez maîtrisé, il n’y a pas besoin de plus. » Ce témoin va terminer sa journée, menotté, au poste de police, pour avoir voulu s’interposer.
Une jeune fille, également présente sur les lieux, est bouleversée par le spectacle auquel elle a assisté : « Ce qu’ils ont fait n’est pas bien, de rester sur lui. Il était tout blau, ses yeux sortaient des orbites. Ils n’auraient pas dû continuer. Quand les pompiers sont venus, ils auraient dû le laisser aller à l’hôpital. Mais aux pompiers, les policiers ont dit : partez, laissez-nous faire ! » Ce même témoin poursuit : « Quand ils l’ont mis dans la voiture, il était tout mou. On aurait dit une guimauve. Ils l’ont traité comme une merde. Il a eu une mort horrible… »
Le 11 mai, un millier de personnes participaient à une marche de protestation dans les rues de Grasse. Sur les banderoles, on pouvait lire : « Ceux qui gardent la paix tuent nos enfants ! » et « Police délinquante, où est la justice ? » Les services de la préfecture des Alpes-Maritimes étaient extrêmement sobres sur la relation de cette intervention violente : « Le mis en cause a été transporté dans un véhicule de police-secours jusqu’au commissariat de Grasse. L’intéressé étant victime d’un malaise, les services de secours ont été avisés. En dépit de la tentative de réanimation, des sapeurs-pompiers et du Samu, pendant plusieurs dizaines de minutes, malheureusement sans succès, le décès a été constaté… » Circulez, il n’y a rien à voir ! (Source, Libération, 12 mai 2008)

Avec douceur et tendresse

Dans la matinée du 14 mai, impasse Saint-Claude, dans le 3ème arrondissement de Paris, un squat d’étudiants a été rudement évacué par les policiers qui, enfonçant les portes à coups de bélier, n’ont même pas laissé le temps aux occupants de s’habiller ni même de récupérer toutes leurs affaires. (Source, France 3, avec images significatives, 14 mai 2008)

Une bavure étouffée…

Les bavures oubliées sont nombreuses. Il y a aussi les bavures étouffées, ainsi que les dénégations, sur le mode outragé, de policiers qui estiment n’avoir fait que leur devoir. Rien que leur devoir. Il est bien connu que les défenseurs de l’ordre public n’emploient que la force nécessaire…
Le 8 mai 2007, dans le quartier de la Grande-Borne, à Grigny (91), une équipe de policiers de la BAC s’affronte avec les jeunes de cette cité. Rien que de très habituel. Un brigadier-chef de la BAC estime nécessaire de sortir son 38 spécial de son étui, et tire. Un jeune sera blessé d’une balle dans le bras, mais c’est lui qu’on arrêtera, sans doute pour rébellion, dès son arrivée à l’hôpital où il a été admis pour recevoir les premiers soins. Placé en garde à vue, le garçon est sans doute suffisamment « travaillé », comme savent le faire les policiers, pour avouer avoir voulu lancer un cocktail Molotov sur les forces de l’ordre. Il sera préventivement mis en prison.
Il n’en reste pas moins que l’IGPN ouvre une enquête, ce qui devrait être le cas à chaque fois qu’un policier utilise son arme de service. Les enquêteurs relèvent, sur le lieu de la confrontation, entre sept et neuf impacts de balles. Interrogé, le flingueur avouera, dans un premier temps, avoir quand même tiré à six reprises, avant de reconnaître qu’il a jeté trois douilles dans une bouche d’égout. Pourtant, bien que la vidéosurveillance d’une station-service, ainsi que l’expertise balistique, démentent les dires du policier, l »IGPN admet la légitime défense, et le parquet classera l’affaire.
Ce n’est que par hasard, en février 2008, qu’un magistrat instructeur découvrira le rapport, et prononcera la libération du jeune homme, oublié en prison, qui, entre temps, était revenu sur ses aveux. Question posée par le mensuel séditieux qui ressort cette affaire : « Va-t-il y avoir appel à témoins, avec plusieurs milliers d’euros de récompense, afin de confondre ceux qui ont menti dans le but de protéger le responsable de cette tentative d’homicide ? » (D’après CQFD, 15 mai 2008)

Squat

14 mai, dans la matinée, rue de Turenne, dans le 3ème arrondissement de Paris, une trentaine de personnes qui squattaient un immeuble insalubre sont évacuées par des policiers aussi aimables qu’il est possible de l’être, suite à une décision de justice, mais sans que la mairie de l’arrondissement ait été informée. (Source, 20 Minutes, 15 mai 2008)

Sitting

Une cinquantaine de personnes, mal logées, qui occupaient le parvis de l’église Saint-Denis du Sacrement, dans le 3ème arrondissement de Paris, dont évacuées par les forces de l’ordre le 14 mai. Elles occupaient ce lieu suite à leur expulsion de l’immeuble de la rue de Turenne. (Source, Métro, 15 mai 2008)

Bavure antisyndicale

Le 16 mai, Nicolas Sarkozy était venu parader à Melun (77) pour parler emploi. L’ennui, c’est que le public n’était pas au diapason des élans sociaux du président. Quelques minutes avant son arrivée, la police, présente en grand nombre dans le quartier, s’en prenait aux militants de la CGT, s’activant à dépouiller sept d’entre eux de leur matériel syndical. Pendant ce temps, une fonctionnaire des Renseignements généraux, portant visiblement le brassard rouge « police », photographiait les militants et les journalistes présents.
Trois jours plus tôt, le 13 mai à Vienne (Isère), lors d’une visite du président, les policiers s’étaient appliqués à repousser rudement des militants politiques et syndicaux, tout en saisissant des tracts de la CGT. De même, un journaliste de l’AFP avait été écarté par les forces de l’ordre. Explication policière : « Il n’y a pas eu de maintien de l’ordre organisé mais seulement des interventions sur des petits groupes, et la saisie de banderoles injurieuses… »
Dans les deux cas, il est évident que les ordres sont venus « d’en haut », ainsi qu’il est implicitement expliqué au ministère de l’Intérieur : « Lors d’un déplacement présidentiel en province, c’est le préfet du département concerné qui est responsable du dispositif de sécurité, et c’est lui qui apprécie les instructions à donner aux forces de l’ordre. » Aucune consigne ne serait donc partie de la place Beauvau, ce qui serait pour le moins étonnant. Pourtant, comme l’explique un policier ayant gardé l’anonymat, sur internet : « Nos préfets sont tellement terrorisés à l’idée qu’on puisse leur reprocher une bourde anti-présidentielle, et subit un coup d’arrêt certain à une carrière qui s’annonçaient des plus prometteuses qu’ils prennent des initiatives malheureuses. » C’est le moins qu’on puisse dire. (Sources, Libération, 17 mai et Le Monde, 19 mai 2008, avec une image de la brutalité policière.)

Vient de paraître

Un jeune éditeur a pris le risque de publier le dernier livre de Maurice Rajsfus, consacré à la police. Au-delà d’une analyse sur les activités quotidiennes de cette institution, l’auteur s’est livré à un véritable travail d’anthropologue, recherchant, sur le mode humoristique les caractères anatomiques du gardien de l’ordre public. Dédié à « L’homme de Néandertal », ce livre a surtout pour objet de montrer comment un homme (ou une femme) ordinaire peut devenir déviant face à ses semblables dès lors qu’il est persuadé de défendre l’ordre public.
Portrait physique et mental du policier ordinaire, par Maurice Rajsfus, Editions Après la Lune, 180 pages, 14 euros.

Proximité

Le 17 mai, à Nanterre (92), un millier de militants antifascistes manifestent contre l’arrivée du Front national dans cette ville gérée par la gauche. Heureusement, l’ordre ne pouvait pas être menacé puisque les CRS bloquaient l’entrée de la rue des Suisses où Le Pen vient d’installer son siège. (Source, 20 Minutes, 19 mai 2008)

As du volant

Dans la nuit du 17 au 18 mai, deux élèves de l’école de police de Marseille se tuent sur une route de l’Isère, suite à une sortie de route – un troisième se trouve dans un état critique. L’information, diffusée par l’AFP ne nous dit pas à quelle allure circulaient ces futurs gardiens de l’ordre public. (Source, Métro, 19 mai 2008)

Travailler moins…

Selon un rapport publié par l’AFP, le 20 mai, il s’avère que les policiers, en temps d’activité comparés, ont travaillé 20 heures de moins que les gendarmes, en 2007. (Source, 20 Minutes, 21 mai 2008)

Alerte au gaz !

Le 20 mai, lors d’un affrontement avec les pêcheurs en colère du port de Marseille t les CRS, ces derniers n’ont pas hésité à projeter des gaz lacrymogènes à bout portant et à hauteur des yeux des manifestants. (Source, Le Monde, 21 mai 2008, avec une image significative)

Sarkochine populaire…

A la mi-mai, à l’occasion des déplacements à travers la France du président de la République, la police s’est particulièrement distinguée en saisissant les tracts et les pancartes brandies par les manifestants contestataires. Lesquels étaient également interpellés et fouillés, à l’occasion (voir plus haut). Des manifestants de Vienne (Isère) s’inquiètent de cette chasse aux sorcières orchestrée par les pouvoirs locaux, c’est-à-dire les préfectures. « Des arrestations sont faites sur désignation des agents des Renseignements généraux tout d’abord, puis directement de toute personne qui ne prendrait pas part à la liesse populaire entourant le président. La ville était repeinte en bleu. Un premier cordon fouillait, refoulait ou non, intimidait, puis un deuxième se tenait dans les ruelles attenantes à la place où Sarkozy a débarqué et, enfin, des barrières derrière les barrages de police isolaient le trajet direct de Sarkozy. » Un autre manifestant commente, avec amertume : « Melun et Vienne sont surtout le symbole de l’attitude liberticide des forces de l’ordre avant l’arrivée de Sarkozy…Bienvenue en Sarkochine populaire ! Avez-vous la carte du parti ? » (Propos recueillis par Libération, 22 mai 2008)

Fau à volonté : 1 mort !

Le 23 mai, à Draguignan, un gendarme tire sur un gardé à vue, lequel, menotté, tente de s’évader en sautant par une fenêtre. N’écoutant que son courage, avec un grand sens du devoir, le pandore, après la sommation d(usage, tire sept balles dont trois vont frapper dans le dos – et au thorax – un jeune gitan, âgé de 26 ans, père de trois enfants, qui va mourir peu de temps après dans un jardin proche. Force est restée à la loi !
Quelles que soient les raisons du placement de cet homme en garde à vue, il s’agit, semble-t-il, d’un véritable assassinat. Immédiatement, , par mesure de prévention, le gendarme est suspendu et placé en garde à vue, et la ministre de l’Intérieur demande l’ouverture d’une enquête sur l’origine de cette authentique bavure. De son côté, le parquet n’a pu se résoudre à qualifier ce meurtre comme « homicide volontaire », ainsi que l’avait d’abord envisagé le procureur de Draguignan, mais seulement pour « coups et blessures ayant entraîné la mort, sans intention de la donner. » Ce qui est très différent et veut signifier qu’un gendarme qui tire n’est jamais tout à fait coupable. Dans la nuit du 25 au 26 mai, les gendarmes mobiles vont charger à la matraque la famille et les amis qui protestent contre cette décision, précédant sans doute, la mise en liberté surveillée de l’auteur des coups de feu.
Il convient de préciser que les gendarmes bénéficient d’un droit que les policiers n’ont pas (et ils ne cessent de le revendiquer) celui de tirer sur un suspect ou un délinquant, après une simple sommation – sans être en situation de légitime défense. Cela en fonction d’une loi de 1903 qui, paraît-il, peut être nuancée, en fonction des situations. (Sources, France Info, 24 mai, images de France 2 et France 3, Libération, 26 mai 2008)

Evacuation

A l’aube du 26 mai, des CRS évacuent rudement les grévistes qui tentaient d’occuper plusieurs hôtels des impôts parisiens dans les 12ème, 15ème, 17ème, 18ème et 19ème arrondissements. Ces manifestants dénonçaient la fusion des administrations des impôts et du Trésor public. (Source, Métro, 27 mai 2008)

Esprit de corps

Quelque 500 gendarmes devaient se réunir, le 28 mai, à Luc-en-Provence (Var). Ces braves pandores étaient révulsés, suite aux poursuites engagées contre leur collègue de Draguignan qui a logé trois balles dans le dos d’un gardé à vue qui tentait de s’enfuir. Le fait que le gendarme flingueur a été mis en garde à vue à son tour doit donc être considéré comme un outrage fait à l’ensemble du corps de gendarmerie qui estimait donc nécessaire d’affirmer publiquement leur solidarité à ce militaire qui était en civil au moment des faits. Finalement, suite à l’intervention du directeur de la gendarmerie nationale, qui a témoigné son soutien aux pandores indignés, cette manifestation a été annulée. (Sources, Libération et Métro, 28 mai 2008)

Pochtrons flingueurs

Dans la nuit du 27 au 28 mai, rue du Faubourg Saint-Denis, dans le 10ème arrondissement de Paris, trois jeunes ont été blessés par balles, dont un grièvement, au cours d’une rixe avec deux policiers de la BAC, affectés au service régional des transports. Ces deux brigadiers, en civil, qui n’étaient pas en service, avaient « bu plus que raison » selon une source policière. Comme il n’est pas concevable que de respectables fonctionnaires d’autorité se battent comme des chiffonniers, et « défouraillent » tels des voyous, cette même source policière ajoutait : « L’enquête devra déterminer si la suite des événements procède du guet-apens de la part des jeunes ou de provocations de part et d’autre. » Toujours est-il que, se sentant en situation d’infériorité, l’un des deux policiers aurait effectué trois tirs de sommation en l’air, avant d’ouvrir le feu à plusieurs reprises sur les jeunes – l’un d’eux a été atteint aux reins et son pronostic vital est réservé. Un témoin, qui avait sans doute le tort de passer en voiture, et qui avait baissé sa vitre pour voir ce qui se passait s’est vu braquer un pistolet sur la tempe, sans la moindre explication.
Le 29 mai, les deux policiers étaient suspendus de leur fonction par la ministre de l’Intérieur et placés en garde à vue, mais en compagnie de six des jeunes qui avaient participé à l’altercation. Comme à l’ordinaire, la préfecture de police a tenu à faire savoir que ces jeunes « étaient bien connus des services de police. » Comme si cela pouvait excuser le geste meurtrier d’un policier imbibé d’alcool. Cette véritable bavure pose, une fois de plus, le problème du port d’arme par des policiers qui ne sont pas en service. (Sources, Libération et France 3, 30 mai 2008)

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