QUE FAIT LA POLICE ? – Bulletin d’information anti-autoritaire – Nouvelle série –numéro 46 – janvier 2011
Editorial : Police de quelle République ?
Il y a beau temps que les brutalités policières ne sont plus à démontrer. Sans qu’il soit possible de le contester, la force a remplacé le droit. Ce qui ne semble pas émouvoir vraiment les bons citoyens à qui l’on explique qu’ils sont ainsi mieux protégés. En clair, que leur sécurité est assurée. Peu importent les droits de l’homme, fréquemment foulés aux pieds. Particulièrement dans les cités où nombreux sont les policiers qui se comportent tels les affidés d’une bande légale. Cela face à des jeunes qui peuvent avoir le sentiment de s’affronter à une bande d’un quartier voisin. Bien évidemment, les chocs ne manquent pas d’êtres rudes car les policiers de la République ne connaissent pas, ou ont oublié l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, du 26 août 1789, qui stipule :
« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable pour 1’arrêter toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimé par la loi. »
Comment ne pas regretter que ce texte soit tombé en désuétude. Au point que, le 18 mars 1986, il avait été jugé nécessaire d’établir, par décret, un Code de déontologie de la police. Dans ce petit manuel, que chaque policier devrait avoir dans une poche de sa veste, étaient indiquées les limites de l’intervention policière, et la
force dont « le fonctionnaire de police ne peut faire qu’un usage strictement nécessaire et proportionnée au but à atteindre. « La lecture de ce Code avait dû provoquer bien des ricanements dans les commissariats. Particulièrement son article 10 :
« Toute personne appréhendée est placée sous la responsabilité et la protection de la police ; elle ne doit subir de la part des fonctionnaires de police ou de tiers, aucune violence ni aucun traitement inhumain ou dégradant ».
Il est vrai que le langage injurieux utilisé par trop de policiers et même parfois au sommet de cette institution, « racaille » par exemple, ne peut qu’exacerber les conflits permettant d’établir une frontière hermétique entre une population considérée comme convenable et une jeunesse traitée tel un ennemi héréditaire. La dégradation du comportement de certains policiers, avait même conduit le ministère de l’Intérieur à réagir fermement, en 1991 :
« Les agissements violents, au cours de l’interrogatoire, de la part de certains policiers, dans un illusoire souci d’efficacité, sont inadmissibles et dégradants de la part de celui qui les commettraient »
N’insistons même pas sur les abus de droit classiques : menottage illégal, palpations corporelles, fouilles à corps exécutées de façon humiliante, basses injures, etc… Qu’est devenue la police républicaine, si elle a jamais existé au plein sens du terme ?
Maurice Rajsfus
Dominos xénophobes
Dans la matinée du 21 novembre, le camp de réfugiés de Tétéghem, où s’étaient regroupés 150 migrants, depuis la fermeture de la « jungle » de Calais, a commencé à se vider. Il est vrai que la police avait prévenu les immigrants que s’ils étaient encore là le lendemain leur campement serait détruit. Dès le 22 novembre, les migrants devaient s’éparpiller vers Calais, Paris et même la Belgique. Ce qui ne résoud pas le problème. Un responsable de Médecins du Monde commentait : « On joue sur la peur des personnes qui sont en situation irrégulière pour opérer un déplacement de populations « . (Source Métro, 22 novembre 2010)
Justes noces ?
Justes noces ?
Le 25 octobre 2010, Farid et son amie Française devaient se marier dans une petite ville des Hautes-Alpes. C’était sans compter sur la Police de l’air et des frontières (PAF), qui veillait sur ce jeune homme qui était en situation irrégulière. Ayant réussi à s’échapper du centre le rétention de Gap, Farid était ensuite hébergé clandestinement par les membres d’un collectif militant. Le 10 novembre, nouvelle tentative de mariage. C’est l’état de siège, et les policiers de la PAF contrôlent des accès à la mairie. Pourtant, malgré la pression des forces de l’ordre et les jets de gaz lacrymogènes, le jeune couple pouvait accéder à la salle de mariage, et la PAF devait se retirer sous les huées. (Source, Tout est à nous ! 25 novembre 2010)
Prière de ne pas regarder
Le 9 novembre, à Grenoble, pendant les manifestations contre la loi de réforme des retraites, un lycéen devait se blesser grièvement en tombant d’un pont, en tentant d’échapper à la police. Blessé à la colonne vertétrale, le garçon était pourtant déplacé, sans ménagement par les policiers, dans le but de le dissimuler au regard de ses camarades et des médias. Un autre lycéen, déjà au sol, était frappé à la tête par plusieurs policiers, puis arrêté. L’un et l’autre risquent une peine de prison. (Source, Le Monde Libertaire, 25 novembre 2010)
Comptine
(D’après une comptine très répandue dans la province du Bourbonnais au XVIIIème siècle)
« Le jeu d’la trique
Triste mécanique
Donne la colique
Aux récalcitrants
Des maux de dents
Aux résistants
Même des migraines
Aux fortes têtes. »
(Si ce jeu vous amuse, ne manquez pas de prendre la suite)
Toujours le sursis pour les brutes !
Le 14 octobre 2008, des policiers armés jusqu’aux dents, et travestis en robocops, investissaient la cité des Bosquets, à Montfermeil (93), et s’y livraient à de lourdes brutalités. Prétexte avancé : ils avaient été « caillassés » quelques heures plus tôt. Manque de chance, les scènes de brutalité avaient été filmées par un témoin. Il est possible de voir nettement un jeune homme, Abdoulaye qui, bien que menotté, se faisait matraquer sauvagement dans le hall de son immeuble (matraquage en réunion), après avoir été rapté dans l’appartement de ses parents sur la simple présomption de culpabilité émanant de quelques policiers, alors qu’il regardait une émission télévisée. En fait, du 5ème étage au rez-de-chaussée, le jeune homme aurait subi les pires violences, et se serait même fait cracher dessus. Le 25 novembre 2010, devant le tribunal de Bobigny, l’un de ces policiers devait expliquer tranquillement que ce n’était pas « de la violence gratuite mais un acte de légitime défense ». Malgré la gravité des faits, le parquet ne devait requérir que des peines de six et huit mois de prison, avec sursis, pour « violence aggravée » décision mis en délibéré pour le 6 Janvier 2011. (Source, Métro, 26 novembre 2010)
La dernière dérive de la maison Hortefeux
Le 29 novembre, il était possible d’apprendre l’existence d’une étonnante série d’instructions en provenance de certaines préfectures. En fait, indirectement du ministère de l’Intérieur. Selon ces documents, il apparaît qu’en ces temps de grand froid ces préfectures exigent que les clandestins soient refusés dans les centres d’urgence, en cas de « saturation ». Cette volonté de faire le tri entre les être humains devenus sans abris ne relève peut-être pas du crime contre l’humanité mais se trouve en contradiction totale avec la déclaration de Nicolas Sarkozy, en date du 17 octobre 2007, devant le Conseil économique et social, lors de la Journée mondiale du refus de la misère : « Je demande que le droit de chaque homme à un minimum de considération soit reconnu. Ce n’est pas aux associations de contrôler les papiers ! Dans les centres d’urgence, on doit accueillir tout le monde, justement parce que ce sont des centres d’urgence ! » Comme chacun sait, il est fréquent que la main droite ignore ce que fait la main gauche. Il n’en reste pas moins que, devant les nombreuses protestations, le secrétaire d’Etat au Logement, Benoît Apparu, s’est empressé d’affirmer que chaque sans logis, quel que soit son statut, devait bénéficier d’un abri. (D’après Libération, 29 novembre 2010)
Palmarès
Le chiffre est éloquent. Ce sont 23 498 sans papiers qui ont été expulsés de France, entre janvier et octobre 2010. Depuis que Brice Hortefeux est en charge de la politique d’immigration, en plus du ministère de l’Intérieur, sa volonté de bien faire est tout à fait évidente. (Source, Libération, 30 novembre 2010)
Arme douce…
Depuis que nos forces de l’ordre sont équipées du pistolet à impulsion électrique Taser, ses promoteurs n’ont cessé de reprendre l’argument du fabriquant : c’est une arme non-létale ! Ce qui s’est passé dans la soirée du 29 novembre, à Colombes (92), ne peut que démontrer sa dangerosité. Suite à une querelle entre deux Maliens, les policiers ne tardaient pas à arriver, suivis par les inévitables renforts, armés jusqu’aux dents – comme il se doit, pour un trouble de voisinage. Comme un « forcené », Mamadou, s’était emparé d’un marteau, les chevaliers du guet n’allaient pas tarder à utiliser la manière forte : usage du Tonfa puis des gaz lacrymogènes. Comme cela ne paraissait pas suffisant, à la dizaine de policiers présents sur les lieux, il y avait rapidement recours au pistolet Taser : un tir, puis deux puisque la victime corpulente continuait à se battre. Selon un voisin ayant assisté à la scène, il y aurait eu un troisième tir. Les pompiers arrivent pour soigner un policier blessé et ce n’est qu’ensuite que l’on se préoccupe du « forcené ». Lequel ne va pas tarder à faire un « malaise », et décéder deux heures plus tard.
Il convient de noter que Mamadou était en situation irrégulière et que son inquiétude pouvait être forte à la vue des forces de l’ordre arrivées en nombre. Selon les témoins, il aurait effectivement « pété un plomb » – ce qui à l’évidence ne peut que relever d’un traitement en férocité. Comme il va de soi, Brice Hortefeux viendra rapidement justifier le comportement de ses gardiens de la paix, prenant ainsi le relais des syndicats de policiers qui expliquent que leurs collègues n’avaient pas d’autre choix que d’utiliser le Taser car ils étaient en situation de légitime défense- à dix contre un ! Les bons esprits expliquant qu’il fallait attendre le rapport d’autopsie « pour cerner les raisons du décès ». (Sources, France Inter, 30 novembre et Libération, 1er décembre 2010)
On expulse l’hiver !
Dans la matinée du 30 novembre, dans le XXè arrondissement de Paris, quarante personnes, dont quatre enfants, ont été expulsés d’un immeuble vétuste de la rue Ramponneau. La police avait été dépêchée en urgence pour vider cette maison « délabrée et insalubre ». Il paraît que l’on n’expulse jamais durant la période hivernale. (Source, 20 Minutes, 1er décembre 2010)
Gaz ou électricité ?
Nos autorités éprouvent les plus grandes difficultés à reconnaître que Mamadou, ce Malien, mort à Colombes (92), des suites probables de deux ou trois tires de Taser, a été victime de cette prétendument non-létale. Une autopsie, effectuée le 1er décembre, nous apprend que l’homme « est mort d’une asphyxie aigüe et massive par inhalation de gaz puisque du sang a été retrouvé dans ses poumons. » C’est ce que rapportait le porte-parole du parquet de Nanterre. Ce qui signifierait que les gaz lacrymogènes utilisés lors de l’interpellation de Mamadou pourraient expliquer son décès. Ce qui sous-entendrait, évidemment, l’innocuité du Taser. En fait, aucune conclusion définitive ne sera tirée avant une « expertise toxicologique et une analyse des organes » devait annoncer le parquet. Le médecin légiste a en effet constaté : « Un cœur dur et contracté, peut-être en lie avec l’utilisation du Taser. » Thèse toujours réfutée par la police. En fait, les sources policières, comme celles des syndicats de policiers entretiennent le flou sur les circonstances du décès. Tout en rappelant, comme l’a fait le porte-parole du syndicat nationale des officiers de police (SNOP), soit disant de gauche : « Les premiers éléments corroborent les déclarations de nos collègues, qui ont agi en état de légitime défense et qui expliquent que les Taser n’avaient pas arrêté la victime, comme ils s’y attendaient. » De son côté, le Réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme note que : « Les circonstances du décès ressemblent de très près à celles des morts déjà constatées aux Etats-Unis et au Canada, impliquant le Taser. » A suivre, évidemment. (Sources, Direct Matin et Métro, 2 décembre 2010)
Toujours le Taser
Le 3 décembre, le Conseil d’Etat, jugeant sa réglementation actuelle insuffisamment protectrice, a décidé d’étendre l’interdiction de la vente libre à l’ensemble des pistolets à impulsion électrique. En effet, si un arrêté interministériel, datant de 2009, interdisait la vente des seuls pistolets électriques, ce texte ne s’appliquait pas aux armes identiques d’autres marques. La décision du Conseil d’Etat prendra effet vers le mois d’avril 2011. (Source, Le Monde, 6 décembre 2010)
Devoir de réserve ?
Il arrive que des policiers – rarement – ne soient pas vraiment satisfaits du comportement ordinaire de leurs collègues, et qui le font savoir. C’était le cas, il y a peu, d’une adjointe de sécurité (ADS) qui, dans un livre – Omerta dans la police, Le Cherche-midi éditeur – se plaignait des réflexions racistes des policiers de la PAF, à l’aéroport de Roissy. Elle a eu droit à tous les plateaux de télévision pour décrire la malfaisance langagière de ces fonctionnaires de la République. La sanction administrative n’a pas tardé puisqu’elle a été suspendue de ses fonctions, pour quatre mois. Motif : « Manquement à l’obligation de réserve ». En clair, cette jeune femme, d’origine tunisienne n’aurait pas dû rendre publique son aversion des propos discriminatoires éructés par des policiers chargés de s’inquiéter de la bonne couleur de peau des voyageurs débarquant à l’aéroport de Roissy. (D’après Le Monde, 3 décembre 2010)
Sémantique policière
Lorsqu’un fourgon de police circule en ville à grande vitesse, et fauche un passant sur un passage protégé, c’est toujours de façon involontaire. Il n’en va pas de même lorsqu’un « individu » en fuite, renverse un policer et, pire encore, un agent de la BAC. C’est ce qui s’est produit, le 3 décembre, à Sevran (93), avec un jeune homme qui tentait d’éviter un contrôle routier. Comme ce policer a été blessé, l’auteur de l’accident l’a donc, nécessairement, volontairement renversé. Le garçon a donc été mis en examen pour « tentative d’homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique », et placé en détention. Il n’en reste pas moins que, selon une source sérieuse, le policier aurait surtout été blessé suite aux tirs d’un de ses collègues qui pensait le protéger. C’est ce que l’on pourrait qualifier de mensonge par omission. Sans doute pour respecter l’obligation de réserve ou, plus trivialement, cet abominable esprit de corps permettant de nier l’évidence. (D’après Libération, et Canal +, 6 décembre 2010)
Police partout, école peu présente
Interrogé sur RTL, le 7 décembre, à propos des résultats obtenus en Seine-Saint-Denis par la police, après sa nomination au poste de préfet de ce département, l’ancien patron du RAID a tenu à rappeler que ses services avaient procédé à plus de 11.000 interpellations, pour des motifs divers, d’avril à novembre 2010. Bel exploit pour ce préfet dont le cheval de bataille paraît être, prioritairement, la lutte contre les occupations des halls d’immeubles. A cette volonté de voir la police partout, le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, n’a pas manqué de répondre que : « Tous les problèmes du département ne seront pas réglés qu’avec la police… Il faut notamment s’attaquer à l’échec scolaire. » (Source, Direct-Matin, 8 décembre 2010)
Fouilles pas trop légales
Les syndicats de gardiens de la paix sont mécontents. Motif : le tribunal correctionnel de Bobigny (93) a jugé illégale une fouille effectuée dans un immeuble de Sevran (93). Selon RTL, les magistrats ont ordonné la relaxe de deux personnes impliquées car aucune autorisation écrite du bailleur n’était présente dans le dossier. Même réaction indignée de la part du syndicat Synergie-Officiers qui s’étonne d’une décision affligeante, tout en expliquant que « les autorisations de fouilles sont accordées tacitement, pour permettre aux policiers d’agir dans les meilleurs délais. » Ah bon. (Source, Direct-Matin, 2 décembre 2010)
Droit d’asile
Dans la matinée du 9 décembre, à Nice, la police a expulsé plus de 100 demandeurs d’asile, dont une trentaine d’enfants, qui occupaient un immeuble vide en centre-ville. Outre que la loi prévoit que l’on n’expulse pas en période hivernale, ces familles étaient en attente d’une réponse de l’OFPRA. D’où l’iniquité de cette mesure d’expulsion. Il est vrai que le maire de Nice, Christian Estrosi, n’est pas un libéral en matière de droit d’asile. (D’après 20 Minutes, 10 décembre 2010)
Haute surveillance
A la fin du mois de novembre, un militant syndicaliste de SUD résidant dans l’Allier, affirme avoir été retenu « préventivement » par les gendarmes, pendant 5 heures. Ce n’était pas hasardeux puisque cette mesure illégale a été appliquée lors de la visite de Nicolas Sarkozy dans ce département. Le 8 décembre, ce syndicaliste a porté plainte contre X pour « arrestation arbitraire », de même qu’il dénonçait des « pratiques d’un autre âge ». Il semble que le préfet soit visé indirectement par cette plainte ; en fait pour avoir voulu trop bien faire. (D’après 20 Minutes, 10 décembre 2010)
Les enfants de chœur
Rappel des faits. Le 9 novembre, à Aulnay-sous-Bois (93), des policiers prennent en chasse une voiture « suspecte », la rattrapent et passent à tabac le conducteur. Comme cela ne suffit pas, ces honnêtes fonctionnaires se rendent coupables de faux en écritures publiques mais également de dénonciation calomnieuse. En fait, ces policiers qui expliquaient que l’un d’eux avait été percuté par le véhicule poursuivi, à un barrage de contrôle, avaient lourdement menti. Il devait d’avérer que l’auteur de l’accident n’était autre qu’un collègue.
Ces treize gardiens de la paix, la main sur le cœur, et par P.V., avaient chargé le « fuyard », tus d’accord entre eux au nom du trop fameux esprit de corps. Le 4 décembre, le tribunal correctionnel de Bobigny avait à juger de cette affaire, et l’avocat général s’était contenté de suggérer des peines de prison avec sursis. Surprise, le 10 décembre, ce même tribunal prononçait des peines de six mois à un an de prison ferme contre sept policiers auteurs de faux témoignages, faux et usage de faux, ainsi que de violences aggravées. Cinq d’entre eux étant radiés de la police. Nos cow-boys ne sont pas habitués à une telle rigueur. (Sources, France-Inter, France Info, Canal + et France 2, 10 décembre 2010)
Les supporteurs des enfants de chœur
Bénéficiant du soutien ouvert du ministre de l’Intérieur, lequel s’était empressé de circonvenir l’inoffensif Garde des Sceaux, Michel Mercier, le procureur du tribunal de Bobigny ne tardait pas à faire appel du verdict frappant sept des treize policiers condamnés le 10 décembre. Parallèlement, les syndicats de policiers haussaient immédiatement le ton, mettant en cause l’honorabilité des juges. C’est ainsi que Synergie-Officiers, dont l’ancien secrétaire général Bruno Bechizza, élu récemment conseiller régional (UMP), pour le Seine-Saint-Denis, ne manquait pas de montrer les crocs : « Ce tribunal est connu pour recéler les pires idéologues de la culture de l’excuse quand il s’agit de remettre dehors à tour de bars les trafiquants de stupéfiants, braqueurs, auteurs de tentatives d’homicide… » Curieuse attaque pour défendre des policiers ayant failli, auteurs eux-mêmes des pires brutalités, comme de faux témoignages en réunion. Désireux de convaincre à tout prix, le porte-parole de Synergie-Officiers estimait indispensable d’ajouter que cette décision de justice n’était à ses yeux qu’ »acte politique et syndical ». Pour ne pas être en reste, le syndicat Alliance de la police en tenue ponctuait : « Si on veut décourager les policiers, on a visé juste ! » Comme si cela ne suffisait pas, le préfet de Seine-Saint-Denis, patron du RAID, il y a peu, ne tardait pas à rendre visite aux sept policiers condamnés, dans leur commissariat d’Aulnay-sous-Bois, pour leur dire qu’il avait été « très étonné » par leur condamnation. Pour compléter ce florilège de déclarations malvenues, Brice Hortefeux pointait également d’un doigt vengeur cette décision de justice qu’il n’aurait pas dû commenter. Après avoir évoqué des peines « disproportionnées » entre l’infraction et la punition, le ministre de l’expulsion martelait : « Notre société ne doit pas se tromper de cible. Ce sont les délinquants et les criminels qu’il faut mettre hors d’état de nuire ! » Question : qu’en est-il lorsque des gardiens de l’ordre public se conduisent à l’imitation des délinquants ? (D’après Libération, 11 décembre 2010)
Arme non-létale (suite) : un mort !
Après le Taser, c’est le flash-ball qui fait parler de lui. Dans l’après-midi du 12 décembre, dans le 15è arrondissement de Marseille, suite à une querelle, dans un foyer de travailleurs immigrés, la police intervient. Très rapidement, l’un des fonctionnaires dégaine son flash-ball et tire sur un homme de 40 ans qui refuse de se laisser menotter. S’en suit un malaise avec, rapidement, un arrêt cardiaque. L’homme, décrit comme dangereux, était effectivement armé d’un couteau et le policier flingueur expliquera qu’il était en situation de légitime défense. Peu après, face aux caméras de télévision, un syndicaliste policier affirmera que le flash-ball est une arme non-létale. Dans la matinée du 13 décembre, on apprendra que cet homme est décédé à l’hôpital. L’IGS enquête mais il n’est pas possible de savoir si le policier auteur de cette prouesse a utilisé son arme à plus de sept mètres comme l’y oblige le règlement d’utilisation de cette arme ou à bout portant comme c’est fréquemment le cas. A suivre. (Sources, France 2 et France Info, 12 décembre, France Inter et Canal +, 13 décembre 2010)
Obligation de réserve
Interrogé, au cours de l’émission « Dimanche soir politique », sur France-Inter, au sujet de la dérive des policiers du commissariat d’Aulnay-sous-Bois, Brice Hortefeux est resté rivé dans ses certitudes : « Les journalistes ont le droit d’écrire ce qu’ils veulent, les syndicats de policiers naturellement s’expriment, les syndicats de magistrats donnent leur sentiment et, s’agissant d’un sujet concernant les policiers dont j’ai la responsabilité je serais le seul citoyen de France qui n’aurait pas le droit de s’exprimer ? « Fausse naïveté, monsieur le ministre, il y a cette obligation de réserve qui vous interdit de commenter une décision de justice. (D’après Le Monde, 14 décembre 2010)
Mauvaise performance
Le 13 décembre, Brice Hortefeux a appelé les préfets à « amplifier » les expulsions d’étrangers pour atteindre l’objectif de 28.000 reconduites à la frontière pour 2010. A la mi-décembre, le score ne dépassait pas les 25.000 parias. C’est pourquoi le ministre de l’Intérieur et des expulsions s’inquiète de cette diminution de 7% d’expulsion par rapport à 2009. Il semble, néanmoins, que les gros bataillons d’expulsés soient toujours constitués de Roms de Roumanie et de Bulgarie. (D’après Aujourd’hui, 14 décembre 2010)
Impuissance policière ?
Le 16 décembre, la préfecture de police de Paris annonçait qu’elle était dans l’impossibilité d’interdire la tenue des « Assises contre l’islamisation de l’Europe », qui devaient se tenir, le lendemain, à l’Espace Charenton. Ce rassemblement devant être organisé par le mouvement d’extrême droite Bloc Identitaire. Le maire de Paris avait bien demandé l’interdiction de cette manifestation de haine, rien n’y a fait. La préfecture de police devait se contenter de mettre « solennellement en garde les organisateurs contre de possibles troubles à l’ordre public. « Il est vrai que des policiers seront déployés autour du site « pour s’informer », mais plus sûrement pour agiter leurs matraques contre les militants des mouvements de gauche venant exprimer leur rejet de cette initiative. (Sources, Métro et 20 Minutes, 17 décembre 2010)
Technologie anti-jeune
L’emprise de la mentalité policière commence à se développer rapidement au pays des Droits de l’homme. Exemple signifiant : Dans un magasin Ed de l’avenue Secrétan, dans le 19è arrondissement de Paris, un boîtier anti-jeune a été mis en place. Ce gadget, éminemment répressif dans sa destination émet un son très aigu, et désagréable, qui serait audible uniquement par les personnes de oins de 25 ans, a été installé pour calmer les angoisses du gérant. Les élus de gauche ont eu beau protester contre ce dispositif et en demander la suppression au maire de Paris et au préfet de police, leur démarche s’est avérée vaine. (Source, 20 Minutes, 17 décembre 2010)
Forte pensée
« Il n’y a pas plus de gens malhonnêtes dans la police que dans le reste de la population ! » (Chronique de François Morel sur France-Inter, 17 décembre 2010)
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