QUE FAIT LA POLICE ? – Bulletin d’information anti-autoritaire – Nouvelle série – numéro 53 – octobre 2011
Editorial : Réprimer plus pour ne pas gagner davantage !
Nos policiers républicains ne cessent de se lamenter sur le peu de considération porté à leur égard par le pouvoir. Particulièrement en ce qui concerne leur salaire – qu’ils jugent dérisoire. De plus, ces excellents citoyens sont tout spécialement déçus de la minceur des primes de « productivité » promises par Nicolas Sarkozy, au temps où celui-ci était ministre de l’Intérieur. Bien entendu, si les revendications des syndicats de policiers, concernant leur rémunération, ou l’amélioration de leur armement sont parfois déçues, il n’a jamais été question, chez ces humanistes, de se montrer solidaires des manifestations des autres fonctionnaires, en lutte pour de meilleurs salaires.
On grogne, dans les rangs de la police, mais on ne rechigne jamais à la tâche assignée. La chasse aux sans-papiers paraît naturelle aux petites casquettes, tout comme le saccage des campements de Roms. Cela sans oublier les travaux pratiques habituels, avec pour cibles les « sauvageons » des banlieues qui n’acceptent pas d’être constamment contrôlés et humiliés. Au nom de l’ardente obligation de pourchasser cette « racaille », tellement montrée du doigt par le président de la République, nos policiers étaient certainement persuadés de se voir récompensés pour leur zèle à réprimer. Même si leur action pourrait porter atteinte à la déontologie policière.
Depuis l’arrivée de Claude Guéant à la tête du ministère de l’Intérieur, et les énormes clins d’Å“il lancés par cet ancien « grand flic » au Front national, les plus basses missions ont conduit les policiers de ce pays à se déshonorer plus encore. De plus, de leur propre initiative, les défenseurs de l’ordre public n’hésitent jamais à ajouter la punition à la sanction. La campagne électorale qui s’ouvre va sans doute se dérouler sous le signe de la xénophobie et du racisme. Domaines où les plus énervés de nos policiers pourront nous montrer toutes les facettes de leur talent. Sans que cela puisse améliorer leur situation économique.
Maurice Rajsfus
Rigolo
Le patron de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), Bernard Squarcini, a perdu ses papiers, y compris sa carte professionnelle. C’était à bord du ferry Napoléon, entre Marseille et la Corse, le 6 août. Prière de rapporter ces documents au commissariat le plus proche. (Source, Libération, 17 août 2011)
A l’eau, Ã l’eau…
Evoquant les récentes émeutes de Londres, l’ancien commissaire de police, Georges Moréas, s’intéressait sur son blog à l’usage probable des canons a eau dont disposent désormais nos CRS : « Lorsqu’un commissaire de police donne l’ordre de charger des manifestants, c’est que tout a échoué. Or les moyens préliminaires sont peu nombreux : gaz lacrymogènes, obstacles de rue pour limiter les déplacements ou les barrages humains qui nécessitent de nombreux effectifs. Or, deux hommes dans un camion lanceur d’eau peuvent vider un périmètre de ses occupants. Et cela sans risque. Car, à ma connaissance, personne n’a jamais été sérieusement blessé par un jet d’eau, même puissant. » Bel exemple de réflexion humaniste émise par un homme de terrain. (Source, Le Monde, 17 août 2011)
Rétention
Le 13 août, un ressortissant roumain, détenu au centre de rétention administratif (CRA) de Nîmes, s’est suicidé par pendaison. Ce père de deux enfants, âgé de 45 ans, avait vendu tous ses biens pour venir travailler en France. Pour la CIMADE, ce drame est « la conséquence directe de la violence que constitue la politique française d’enfermement des étrangers. » Il est certain, par ailleurs, que le comportement brutal et xénophobe des policiers en poste dans les CRA ne peut que pousser les plus fragiles des « retenus » à mettre fin à leurs jours. (D’après Libération, 17 août 2011)
Sombres affaires gendarmesques
Le I5 janvier 2011, à Mayotte (DOM) une lycéenne était retrouvée morte, suite à une consommation de stupéfiants. Or cette drogue était passée par les mains des membres du CIR (Groupe d’intervention régional). Il a fallu attendre le 27 juillet pour que deux gendarmes et un policier soient mis en examen pour : « transfert, cession, usage et détention de stupéfiants », ainsi que, pour deux d’entre eux, « homicide involontaire. » I1 se trouve que la famille de l’adolescente avait adressé à Nicolas Sarkozy une lettre pour empêcher le dépaysement du dossier demandé par la justice, déplorant « la volonté de la gendarmerie d’étouffer l’affaire. » Désireuse d’une certaine discrétion, la direction nationale de la gendarmerie n’a cessé d’intervenir à coups de mutations, avec la volonté de se débarrasser des indics au service des pandores locaux avant de les balancer à la justice, faute de mieux. (Source, Libération, 17 août 2011)
Acrostiche
Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, grand spécialiste des problèmes de sécurité, à l’UMP, méritait bien son acrostiche. Surtout depuis que ce père fouettard a proposé de durcir les peines de prison :
» Eminence
Rugueuse
Intégriste
Corse du système répressif
Ciotti
Interprète sans faiblir
Ou même sans faillir
Toute la
Tâche
Immonde qui lui est confiée »
QPC
Le 17 août, la cour de cassation a eu à prendre position sur la nature des contrôles d’identité effectués par la police. En fait sur deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Depuis 2003, lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, une modification du Code de procédure pénale permettait désormais d’effectuer un contrôle d’identité lorsqu’il « existe une ou plusieurs raisons plausibles » de soupçonner qu’une personne « a commis une infraction » ou qu’elle se préparait à commettre un crime ou un délit ». Récemment, les tribunaux correctionnels de Créteil et Paris, saisis par les avocats de deux personnes, qui contestaient les conditions dans lesquelles elles avaient été contrôlées, en vertu de l’article scélérat du Code de procédure pénale (78-2). Le 17 août, l’avocat général demandait a la cour de cassation de déclarer irrecevables des QPC invoquées. (Source, Libération, 18 août 2011)
On peut tirer, chef ?
Suite à une rumeur ravageuse, qui a circulé sur le Net durant l’été, il apparaissait que, depuis le 1er juillet, la police avait le loisir de tirer à balles réelles sur les manifestants. Selon les ragots, cela n’aurait été possible qu’à Paris. Selon des informations sérieuses, des armes de guerre telles que fusil-mitrailleurs seraient autorisées. Fort heureusement, il n’en est rien mais cette rumeur serait née d’une mauvaise interprétation de deux décrets parus au Journal Officiel, le 1er juillet. L’un dressant la liste des armes pouvant être utilisées pour des opérations de maintien de l’ordre, l’autre précisant les conditions dans lesquelles les armes balles réelles pouvaient être utilisées. Dans ce cas, il est noté que les forces de l’ordre ne peuvent ouvrir le feu que pour se défendre de tirs à balles réelles. D’où la mauvaise interprétation donnée à ces décrets. On respire mais, comme le dit le bon sens populaire, il n’y a pas de fumée sans feu, et nous savons que, depuis bien longtemps, nos policiers ambitionnent de pouvoir, comme les gendarmes, ouvrir le feu après une première sommation, comme de prévoit une loi datant de 1903. (D’après Le Monde, 18 août 2011)
Que fait la police ?
De juillet 2010 à juillet 2011, le nombre de violences contre les personnes a continué d’augmenter par rapport à la période correspondante 2009-2010, avec une hausse de 1,83%, selon le bilan publié par l’Observatoire nationa1 de la délinquance et des réponses pénales. Les vols avec violence (+ 5,5%) augmentant plus rapidement que ceux sans violence. (Source, Le Monde, 22 août 2011)
Chasse à l’homme
Dans l’après-midi du 19 août, à Paris, sur un quai de la station de métro Trocadéro, un vendeur à la sauvette, qui tentait d’échapper à des policiers, traverse la voie et est électrocuté, sans que son pronostic vital soit mis en cause, fort heureusement. Le lendemain d’autres vendeurs à la sauvette, désireux de venger leur collègue, agressaient des policiers sur le Champ de Mars en leur lançant des pierres. Ils n’auraient pas dû car depuis, les petits vendeurs de Tours Eiffel en plomb sont devenus la principale cible des policiers du quartier. (Sources, France 3, 20 août et France 2, 20 août 2011)
Traitements inhumains
Qui donc pourrait infliger des « traitements inhumains et dégradants » à une famille de Kossovars réfugiée en France ? Réponse simple : les policiers chargés de convoyer cette famille, de Clermont-Ferrand au centre de rétention administrative (CRA) de Lesquin (Nord), aux fins d’expulsion. Indigné le juge des libertés de Lille décidait de faire libérer cette famille de trois enfants, la maman étant enceinte. Par ailleurs, ce juge s’interrogeait sur leurs « conditions d’interpellation qui lui paraissaient opaques ». Le couple et leurs enfants, arrêtés le 17 août avaient été transférés dans le Nord de la France au cours d’un voyage qui avait duré dix heures. Le juge des libertés n’hésitant pas à évoquer, le risque d’atteinte à la santé de la maman et des enfants, consécutif au stress induit par « la situation en rétention ». Ce voyage étant « totalement disproportionné ». Sans négliger le fait que ce transfert devait être lié au fait qu’il était devenu nécessaire, pour la police, d’éloigner les parias de leurs possibles soutiens, à Clermont-Ferrand. Bien évidemment, cette famille reste menacée d’expulsion. (Sources, Libération, 22 août et Le Monde, 23 août 2011)
Belle fin de carrière
En France, les cercles de jeux sont étrangement un lieu de pantouflage pour des policiers qui estiment avoir été touchés trop tôt par la retraite. C’était le cas, à Paris, au cercle de jeux Wagram, fermé par décision administrative, le 8 juin. Ce cercle, discrètement contrôlé par le gang corse « Brise de mer » avait, à la tête de son Conseil d’administration, un ancien capitaine des RG, âgé de 65 ans qui était passé par la brigade financière et la sous-direction des courses et des jeux. Un homme de l’art en quelque sorte. A ce poste, le digne retraité avait tout naturellement remplacé un autre collègue. En garde à vue, il devait se retrouver entouré d’une trentaine de truands notoires, dont douze seront mis en examen pour « association de malfaiteurs, extorsion de fonds et blanchiment en bande organisée. » Cette histoire ne fait que démontrer que les policiers qui ne peuvent se consoler de partir en retraite, ne se recyclent pas toujours dans les société privées de sécurité. (D’après Le Monde, 23 août 2011)
Forte pensée
« Les documents de police, rapports, interrogatoires, confrontations, etc., sont écrits dans un style faible. Cette faiblesse recèle bien des ruses. Aussi faut-il être très strict, pratiquer une rigoureuse hygiène du langage, pulvériser autour de chaque mot un nuage de précautions pour en détruire les germes infectieux. » (In, La Police de Casamayor, Gallimard, 1973)
Ils disent « prévention »…
Dans l’esprit des princes qui nous gouvernent, la répression reste le remède absolu aux maux de notre société, et le terme « prévention » semble avoir perdu son sens originel. Comme Laurent Mucchielli le rappelle dans son blog, la circulaire adressée le 8 juillet 2011 aux préfets et aux procureurs de la République, où il est notifié que la politique de prévention « s’inscrit désormais dans le registre de la police de sécurité, en relation avec la politique pénale », dont elle est « complémentaire et étroitement liée à l’action répressive. » En clair, souligne le sociologue, la volonté est forte de couper le plus possible le traitement de la délinquance de ce qui est encore qualifié « d’approche exclusivement socio-éducative d’origine » de la prévention. A l’évidence, il n’est plus question de laisser le champ libre aux professionnels du secteur médico-social et aux acteurs municipaux. La circulaire du 8 juillet appelle donc les préfets et les procureurs « à reprendre la main ». (Source, Le Monde, 23 août 2011)
Chasse à l’homme
Les policiers savent parfaitement que les courses poursuites qu’ils entament se terminent très souvent plus ou moins tragiquement. Peu importe. Le 23 août, à , Narbonne, des policiers qui avaient surpris quatre jeunes gens, âgés de 17 à 21 ans, vers 5 heures du matin, alors qu’ils tentaient de cambrioler un magasin du centre commercial, les ont poursuivis. Ces jeunes auraient foncé sur les policiers, avant de s’enfuir et que s’engage la poursuite. Ayant mal négocié un rond point, les quatre occupants du véhicule n’ont heureusement été que blessés. (D’après Aujourd’hui, 24 août 2011)
Arme non-létale ?
Au cours d’échauffourées intervenues à , Amiens, entre jeunes et forces de l’ordre, un jeune homme était blessé par un tir de flash-ball. La victime, qui présente un hématome à une tempe, annonce, le 23 août, son intention de déposer plainte. (Source, Libération, 24 août 2011)
Ca va, ma puce ?
Trois millions, six cent mille, c’est le nombre « d’individus » recensés dans le FAED (Fichier automatisé des empreintes digitales, créé en 1987). Ce qui ne représente qu’une petite partie des citoyens de ce pays dûment fichés par différentes officines policières. Comme cela ne parait pas suffire, le ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, a fait préparer par ses services une carte d’identité électronique qui n’ignorerait rien de son possesseur : depuis la couleur des yeux jusqu’à nombre de détails génétiques et, bien évidemment, de « puces » contenant les empreintes digitales, ainsi qu’une signature numérique. Cerise sur le gâteau de cette mise à plat de la confidentialité, ce projet a été voté, en catimini, en première lecture, durant les premiers jours de juillet par 11 députés sur les 577 honorables parlementaires constituant l’Assemblée Nationale. Ne pas oublier qu’en août 2007, 1a CNIL (Commission nationale informatique et liberté) s’était opposée à un tel projet. A suivre. (Source, Libération, 24 août 2011)
Pandore, champion de tir
Dans l’après-midi du 25 août, un homme âgé de 75 ans, muni d’une arme de poing tentait de braquer un casino, à Trouville (Calvados). Poursuivi par des policiers, puis par des gendarmes, l’homme est rattrapé à Rives-sur-Mer, ou il ouvre le feu sur les pandores. Mauvais tireur, il ne fait que blesser légèrement l’un de ses poursuivants, mais c’est l’un d’eux, plus expérimenté que lui, qui va régler définitivement le problème en l’abattant de deux balles bien ajustées. (Source, Canal +, 26 août 2011)
Belle mentalité
A la fin du mois d’août, à Paris, près de la Porte Maillot, un consommateur attablé à 1a terrasse d’un restaurant avec son compagnon, se voit qualifié de « sale pédé », après avoir demandé au serveur d’être servi avec « respect ». Réponse violente du loufiat qui lui assène un coup de poing, avant de lui jeter son verre à la figure, le blessant au menton. La victime, qui va appeler la police ne sera pas au bout de ses surprises puisqu’il entend un gardien de l’ordre public lui demander s’il a bien payé ses consommations. Cerise sur le gâteau, il entend une policière expliquer que si elle avait été à la place du serveur, elle aurait eu la même attitude. Bien entendu, tous les policiers ne sont pas homophobes… (D’après 20 Minutes, 26 août 2011)
Que fait la police ?
Selon des chiffres communiqués par la Cour des comptes, il y aurait, actuellement, 145 500 fonctionnaires de la police nationale. Il n’en reste pas moins, selon cette institution dont la vocation est de contrôler le bon fonctionnement de l’état, qu’à l’instant « T », il n’y aurait que 4 000 policiers sur la voie publique. Il est vrai que nos gardiens de la paix ont bien d’autres tâches à effectuer. Particulièrement la traque aux sans papiers et aux Roms, tout comme le contrôle constant des « racailles » de banlieue. Il est vrai que pour un certain nombre de missions, le gouvernement aimerait s’en remettre aux polices municipales tout comme aux sociétés privées de sécurité et, peut-être aux tristes « voisins vigilants » qui ont tellement de peine à se mettre en place. (D’après Le Monde, 30 août 2O11)
Poursuite mortelle
Dans la nuit du 28 au 29 août, à Neuilly-sur-Seine (92), un jeune homme trouvait la mort après un accident de scooter survenu au terme d’une course-poursuite avec la police. La victime, âgée d’une trentaine d’années, avait refusé de se soumettre à un contrôle de police (ce qui ne vaut pas la peine de mort, abolie en 1981). Durant sa fuite, la victime avait « grillé » un feu rouge, puis percuté une voiture. Comme il est de règle, le jeune homme était bien connu des services de police. (D’après Libération et Direct Matin, 30 août 2011)
Sureffectifs
Il paraît que l’on manque de policiers dans ce pays. Pourtant, au cours de l’après midi du 29 août, à Paris, ce sont 150 policiers qui se sont lancés à l’assaut des vendeurs de petites tours Eiffel qui s’activent depuis le Champs de Mars jusqu’aux jardins du Trocadéro. Résultat des courses : 50 interpellations et 46 placements en garde à vue, induisant la reconduite à la frontière de ces vendeurs à la sauvette, essentiellement africains. (Source, 20 Minutes, 30 août 2011)
Grande mansuétude
Le 30 août, un commandant de police, ancien chef du groupe Corse à la DNAT (Division nationale antiterroriste), comparaissait devant la 17ème Chambre correctionnelle de Paris. Motif : cet excellent policier était jugé pour avoir tenté de régler ses problèmes personnels en profitant de sa position dominante. Plus précisément il lui était reproché d’avoir usé de « faux », « usage de faux », et « escroquerie ». Il n’en reste pas moins que la procureure n’a requis contre ce commandant qu’une peine de six mois de prison, mais avec sursis, et 5000 euros d’amende. Jugement le 4 octobre. (Source, Le Monde, 1er septembre 2011)
Transports en commun
Le 31 août, une rame de tramway de la ligne T1, était mise à la disposition de la police par la RATP pour évacuer un camp de Roms, installé à Saint-Denis (93). Détail ignoble : des enfants ont été embarqués, séparés de leurs parents. A la RATP, on faisait profil bas après cette opération révélatrice d’une « mauvaise interprétation de la situation ». Ce qui a conduit plusieurs commentateurs à rappeler, qu’en d’autres temps, les autobus parisiens transportaient les Juifs raflés vers le camp de Drancy. (Sources, France 3 et France Inter, 1er septembre 2011)
Connivences
A Marseille, un commandant de police a été mis en garde à vue, le 31 août. Il avait profité de sa position pour informer le milieu, à plusieurs reprises. Cette révélation fait plutôt mauvais genre, quelques jours après l’arrivée d’un super préfet de police chargé de rétablir la sécurité. (Source, France Info, 1er septembre 2011)
Les mauvaises manières de la DCRI
A la fin des années I970, 1es Renseignements généraux avaient dépêché une équipe de « plombiers » dans les locaux du Canard Enchaîné pour sonoriser l’hebdomadaire satirique. L’opération avait échoué. Les progrès techniques permettant, de nos jours, de savoir qui appelle qui, grâce au téléphone portable, le pouvoir n’hésite pas à se servir de cette arme. C’est ainsi, qu’en juillet 2010, les services de la DCRI (Direction centrale du Renseignement intérieur qui regroupe désormais les RG et la DST) se sont permis, en-dehors de tout cadre légal de procéder à l’examen des appels téléphoniques passés par un journaliste du Monde. L’objet de cette surveillance consistait à tenter d’identifier les sources de ce journaliste dans l’affaire Woerth-Bettencourt. Cette opération de piratage, intervenue entre les 15 et 16 juillet 2010, avait pour objet d’obtenir les « Fadettes » (factures détaillées) d’un conseiller technique de la ministre de la Justice de l’époque, Michelle Alliot-Marie. C’est effectivement à cette période que Le Monde avait révélé certaines informations déplaisantes pour le pouvoir. Après le dépôt de plainte de la direction du Monde, une information judiciaire était ouverte, en mai 2011. Ce qui a permis à la juge d’instruction d’obtenir les réquisitions adressée par la DCRI a l’opérateur téléphonique Orange. Depuis, l’enquête judiciaire a permis de contredire les affirmations des responsables policiers qui avaient plaidé un impératif de « Défense des intérêts nationaux », pour justifier leur enquête, après avoir nié toute investigation technique sur les appels passés par le téléphone mobile du journaliste. Ce qui constitue une violation flagrante de la loi du 4 janvier 2010 sur la protection des sources des journalistes.
Plutôt embarrassé par cet épisode mafieux de la police secrète, prise les doigts dans un engrenage nauséabond qu’il ne pouvait nier, la DCRI a vu Claude Guéant venir à son secours. C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur a dû reconnaître que les services de Bernard Squarcini (Directeur de la DCRI) avaient bien réalisé des « repérages de communications téléphoniques, ce qui est très différent des écoutes. » Belle façon de botter en touche. Ce qui n’a pas empêché Claude Guéant de vendre la mèche en reconnaissant qu’il s’agissait de rechercher l’auteur de la divulgation, à l’intérieur de l’administration de procédures judiciaires, ce qui est tout à fait scandaleux, ajoutant : « Ce qui était recherché, c’était la source ! » Manque de chance, la loi du 4 janvier 2010, sur la protection des sources des journalistes, interdisait à ses fins limiers l’usage de telles pratiques. A suivre, bien évidemment (Source, Le Monde, 2 septembre 2011)
« Liberté de la presse et mensonge d’Etat… »
C’est le titre de l’éditorial du Monde, dont l’auteur s’indigne de l’atteinte faite à l’une des libertés fondamentales. La police venant à la rescousse de cette volonté de museler les relais de 1’opinion publique. Il est rappelé le propos de Brice Horteteux, encore ministre de l’Intérieur, en juillet 2010 : « la DCRI, ce n’est pas la STASI, son rôle n’est pas de tracasser les journalistes ! » Cet éditorial n’y va pas par quatre chemins, dénoncent l’existence d’un cabinet noir à l’Elysée : « Le sommet de l’Etat a utilisé des moyens publics à des fins privées, et pour protéger le parti du président, n’hésitant pas à détourner l’action des services policiers de leur véritable mission de protection des citoyens. Le fait que la DCRI soit dirigée par Bernard Squarcini, très proche du chef de l’Etat, ne laisse guère de place au doute : c’est bien au service personnel de Nicolas Sarkozy que les fonctionnaires de l’Etat ont, en l’occurrence, travaillé ! » (Source, Le Monde, 2 septembre 2011)
Un passé qui ne passe pas
Le 31 août, la police ne s’est pas contentée d’évacuer le campement d’une centaine de Roms – Roumains et Bulgares – installés à Saint-Denis, avec le concours plus ou moins consenti de la RATP. Au bout de la ligne de tramway T 1, les familles étaient chargées sur la ligne E du RER, destination Chelles (77). Pour cette dernière étape du parcours, c’est la SNCF qui était impliquée dans l’opération policière. Au ministère de l’Intérieur, on a le sens de la litote, et le porte-parole de Claude Guéant ne craignait pas d’expliquer, à propos de la véritable réquisition des moyens roulants de la RATP : « Il n’y a eu ni réquisition, ni affrètement, mais mise à disposition d’une rame. » A la préfecture de Seine-Saint-Denis, le langage était encore plus clair, voire cauteleux, quant à la manière forte utilisée contre les Roms : « Une rame leur a été dédiée… » On n’est pas plus hypocrite. Très tranquillement, on expliquait au ministère de l’Intérieur : « Il n’y a pas eu de contrôles d’identité, ni d’interpellations. » Comme on est plein d’urbanité, au ministère de l’expulsion, le porte-parole estimait indispensable d’ajouter : « Tout s’est très bien passé… Il leur a été demandé où ils voulaient aller, ils nous ont dit : à Noisy-le-Sec. »
A la direction de la RATP, le président, Pierre Mongin, sans doute éduqué chez les jésuites, donnait cette explication : « Des fonctionnaires de police ont décidé de permettre le transport de ces personnes… (et puis) Je ne suis pas responsable de l’ordre public… Je suis simplement étonné que nous n’ayons pas été informés alors que la police envisageait de se servir de nos moyens… Le tramway n’est as fait pour cela ! » Belle formule correspondant à un haussement d’épaules agacé. Il n’en reste pas moins qu’un porte-parole de la RATP complétait rapidement les propos de son président en évoquant une collaboration entre les agents de la régie et les argousins du ministère de l’Intérieur : « Pour minimiser les troubles et les retards sur la ligne, le personnel de la RATP et les forces de l’ordre sont convenus de l’intérêt d’utiliser un train qui se trouvait disponible pour acheminer évacuées. » Très e colère à l’évocation de cette voie de fait, et au rappel de la rafle du Vel d’Hiv, effectuée à l’aide des autobus parisiens, le ministère de l’Intérieur s’empressait de dénoncer des « amalgames odieux et des allégations mensongères. »
Rappelons quand même que le 17 octobre 1961, lors de la répression contre les Algériens, à Paris, les autobus de la RATP avaient déjà été réquisitionnés par la police, sans que cela interpelle véritablement les syndicats de la Régie, et de même le 31 août dernier. Bien sûr, dans l’un et l’autre cas, ce n’est pas Drancy, mais il aurait été intéressant de contempler le regard mauvais des policiers chargés de cette épuration ethnique, au milieu d’un campement saccagé. (D’après Libération et 20 Minutes, 2 septembre 2011, avec photos significatives prises après le passage des défenseurs de l’ordre public)
Rigolo (2)
Le 20 août, Ange Mancini, coordinateur national du Renseignement intérieur, s’est fait dérober un portable professionnel, à la terrasse d’un restaurant du 8è arrondissement de Paris. Le plus comique étant que, ce jour-là , des adolescents originaires des pays de l’Est tentaient de faire signer une pétition à l’ancien patron du RAID, pour détourner son attention et lui voler son portable. Lequel contenait des numéros « sensibles », et des données cryptées. Moralité : on ne laisse pas son portable traîner sur une table lorsqu’on est un personnage considérable. (Source, 20 Minutes, 5 septembre 2011)
Vendeurs à la sauvette : la traque se poursuit
Le 5 septembre, dans le quartier de Montmartre, à Paris, plusieurs dizaines de vendeurs à la sauvette étaient interpellés, vingt-huit d’entre eux se voyant placés en garde à vue. A cette occasion, il a été possible d’apprendre que 4.000 vendeurs à la sauvette avaient été interpellés en région parisienne, durant les sept premiers mois de l’année. L’ordre règne donc dans les quartiers touristiques de la capitale, d’autant plus que la plupart de ces vendeurs sont africains. En fait, il apparaît que cette forme de délinquance serait bien plus préoccupante que le banditisme ordinaire. Il est vrai que la police manque d’effectifs… (D’après Direct-Matin, 6 septembre 2011)
De quoi j’me mêle ?
Le 6 septembre, le tribunal correctionnel de Paris a condamné à deux mois de prison avec sursis un policier qui avait diffusé sur Facebook une image issue des services de vidéo surveillance de la RATP. Celle séquence montrait un passage à tabac se déroulant dans un autobus. Par la suite, cette vidéo s’était retrouvée sur des sites de partage comme Youtube et Dailymotion. Cette sanction résulte sans doute du manque à l’obligation de réserve que chaque policier devrait respecter. Moralité : les caméras de surveillance installées dans les autobus ne traquent pas seulement les « racailles » des banlieues mais également, à l’occasion, les brutes en uniforme. Il n’en reste pas moins que cela doit rester discret. (D’après Métro, 7 septembre 2011)
Croquemitaine
Le nouveau mot d’ordre de Claude Guéant ne peut manquer de tinter aux oreilles de ceux que l’on veut persuader qu’ils sont constamment en danger dans les transports en commun parisiens. « Il faut réduire le sentiment d’insécurité ! » C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur a annoncé, le 6 septembre, que près de 9010 hommes viendraient renforcer les effectifs de sécurité qui patrouillent déjà dans les gares et les autobus : 300 policiers, 300 agents de sécurité à la SNCF et 300 au service de sécurité de la RATP. Lesquels épauleront les quelque 3.000 agents déjà en poste. Nous voilà d’autant plus rassurés que l’annonce a été fait d’étendre le réseau de vidéo surveillance de la RATP, qui compte déjà plus de 20.000 caméras. (Source, Direct-Matin, 7 septembre 2011)
Performance
Les motards de la police, en poste à Toulouse, ont reçu des objectifs chiffrés, et écrits, d’amendes à infliger et d’interpellations à effectuer. Pour le syndicat UNSA-Police, il s’agit de quotas inacceptables et dangereux. Il n’en reste pas moins que la direction policière conteste l’instauration d’une nouvelle politique visant à « faire du chiffre ». (Source, Métro, 8 septembre 2011)
Etonnement
« Qui a dit qu’il n’y avait pas assez de policiers ? Vu aujourd’hui, dans un quartier de Marseille : un hurluberlu un peu agité et deux voitures de police. Au total six policiers qui s’occupent de l’agité, en lui criant dessus et trois autres, les bras croisés, adossés a leur voiture. Cherchez l’erreur… (Courrier d’un lecteur, dans Métro, 8 septembre 2011)
On peut expulser chef ?
Une famille de Roms, de dix personnes, a été expulsée dans la matinée du 5 septembre, et renvoyée en Serbie. Cette opération s’étant déroulée dans le même temps que le tribunal administratif de Rouen prononçait leur remise en liberté du centre de rétention de Oissel. (Source, Direct-Matin, 8 septembre 2011)
Performances récompensées
Le 8 septembre, le prix Papon était remis à quelques préfets, à Toulouse, devant le monument dédié à la Résistance. Les lauréats étant les préfets en exercice, en 2010, dans le Pas-de-Calais, à Mayotte et en Gironde. Le prix Papon était attribué à ces agents de l’Etat pour « obéissance notoire », par RESF, la CIMADE, SOS-Racisme et la LDH de Haute-Garonne. Il s’agissait de récompenser les plus zélés de ces hauts fonctionnaires pour leur action, en volume et en qualité, en matière d’expulsion. A cette occasion, il était rappelé qu’en 2010 il y a eu 27.400 placements en centre de rétention dans la métropole et 32.000 outre-mer. (Source, Libération, 8 septembre 2011)
Allo, j’écoute…
On se souvient des ennuis du commandant de police Philippe Pichon, qui était entré en conflit avec sa hiérarchie. En 2010, cet officier affirmait que les facturations détaillées de ses communications téléphoniques avaient été espionnées par la police. Il avait donc déposé plainte pour « harcèlement » et « discrimination ». Le 8 septembre 2011, ce dépôt de plainte était appuyé par une constitution de partie civile. Philippe Pichon affirme que la police des polices a relevé, « en toute illégalité », ses fadettes (liste des appels entrant et sortant, avec les jours et heures de communication), en 20008 et 2009. Comme ce policier, désormais marginalisé, ne s’embarque pas sans biscuit, il s’appuis sur le témoignage d’un policier de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieur), aujourd’hui à la retraite, et prêt à témoigner devant la Justice. (Source, Libération, 9 septembre 2011)
La chasse aux jeunes Roms est ouverte !
Claude Guéant avait bien retenu les versets du discours de Nicolas Sarkozy, le 30 juillet 2010 à Grenoble, stigmatisant les Roms. Le 12 septembre 2011, il mettait cette partition en musique. Pour le ministre de l’Intérieur, 10 % de la criminalité se terminant sur les bancs de la Justice serait le fait de jeunes Roumains. Il est évident que de telles déclarations ne peuvent qu’inciter les policiers à se mettre en chasse. Cela au mépris des Droits de l’homme et, surtout, des droits de l’enfance. Une fois admis le fait que la délinquance serait liée à l’immigration roumaine, il était naturel de demander au préfet de police de mettre en œuvre quatre propositions, en contradiction avec la loi interdisant l’expulsion des mineurs :
1 – Rapatriement des mineurs Roms dans leur pays, après le moindre délit.
2 – Surveillance accrue des points d’entrée sur le territoire français, à l’aide des forces de sécurité, dans les gares ferroviaires et routières, comme dans les aéroports.
3 – Renforcement de la coopération avec les services policiers et judiciaires roumains.
4 – Publication d’un arrêté anti-mendicité sur les Champs-Elysées.
Moralité : les policiers parisiens sont invités à retrousser leurs manches pour stopper ce nouvel ennemi public… (D’après Le Parisien, 12 septembre 2011)
Chasse à courre
Dans la nuit du 9 au 10 septembre, trois policiers qui patrouillaient dans le quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essone (91), prenaient en chasse un véhicule dont le conducteur avait refusé d’être contrôlé par une équipe de la BAC. Au cours de cette poursuite, le véhicule des policiers entrait en collision avec celui des fuyards. Tous ont été blessés mais leurs jours ne sont pas en danger. Une fois de plus cela aurait pu se terminer par mort d’homme, mais, n’est-ce-pas, force doit rester à la loi. (D’après Direct-Matin, et Métro, 12 septembre 2011)
Protection rapprochée
Le 2 septembre, Nicolas Sarkozy se déplaçait à Saint-Dié des Vosges avec, bien entendu, une protection rapprochée des plus importantes. Come ce n’était dans doute pas suffisant pour assurer la sécurité du chef de l’Etat, une liste de douze personnes, « risquant de causer un trouble à l’ordre public », avait été transmise aux policiers chargés du service d’ordre. Dans ce document, apparemment issu de la police nationale et de la gendarmerie, figura ient des syndicalistes vosgiens, des activistes « anti-nucléaires », ainsi que des militants d’extrême-gauche, aux côtés d’un repris de justice et « d’agitateurs ». Les photos de ces possible délinquants figuraient dans ce dossier parfaitement illégal, et en parfaite contradiction avec la liberté d’opinion.
En tête de liste, il était possible de trouver l’identité et le domicile d’une fille de résistant, militante cégétiste, âgée de 79 ans. Un des syndicalistes stigmatisé a porté plainte conte X, pour dénonciation calomnieuse. Ce document ayant été porté à la connaissance du grand public, une question se pose. Qui aurait fait « fuiter » ce document confidentiel, exclusivement réservé aux policiers commis ce 2 septembre à la protection du président de la République ?
L’un des correspondants de l’Observatoire des libertés publiques a pu se procurer cette liste « d’individus » dangereux ayant circulé dans les rangs de la police. On y trouve la retraitée citée plus haut, un instituteur et une infirmière, un enseignant du secondaire – celui-ci a eu les plus grandes difficultés à faire recevoir sa plainte. A leurs côtés ; Christian Didier (qui avait tué René Bousquet, ancien secrétaire général à la police de Vichy, en juin 1993) : la sœur d’un Algérien victime d’un homicide, en avril 2011, le porte-parole d’une association pour la défense des droits des Harkis, un enseignant à la retraite appartenant à la « mouvance ultra-gauche et anti-nucléaire », un militant également impliqué dans la « mouvance anti-nucléaireet de toutes les formes de lutte contre le pouvoir actuel. » Curieusement, parmi les personnes dangereuses ce jour-là , pour l’ordre public, on trouvait un éleveur de moutons, « particulièrement médiatisé puisque son troupeau a subit des attaques qui pourraient être attribuées à des loups. » Tout aussi suspect, ce citoyen sans emploi, s’estimant victime d’une injustice et qui avait demandé au député UMP local une invitatiuon pour évoquer « ces problèmes avec le président. » Enfin, cerise sur le gâteau, il y avait sur cette liste un hurluberlu, ayant « pour coutume de revêtir un costume d’indien… » Décidément, ce 2 septembre 2011, Nicolas Sarkozy était bien protégé ! (Sources, Vosges-Matin, 12 septembre et correspondant local)
Aux armes, etc.
Le 12 septembre, la maire UMP de Puteaux (92) annonçait que les policiers municipaux de la ville seraient désormais équipés d’armes à feu et de flash-ball. Cela après avis favorable du préfet des Hauts-de-Seine. Comme à l’ordinaire, il est expliqué que ces armes ne pourront être utilisées qu’en cas de légitime défense. Pour rassurer les possibles victimes des dégâts collatéraux de cette décision, il est précisé que les policiers municipaux de la ville de Puteaux ont fait l’objet d’une expertise médicale, et ont suivi une formation appropriée. (Source, Direct-Matin, 13 septembre 2011)
Encore le sursis, pour une brute !
Le 12 septembre, un policier comparaissait devant le tribunal d’Evry (91) pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique. » Verdict : huit mois de prison avec sursis pour avoir tabassé un homme en garde à vue. (Source, Le Monde, 15 septembre 2011.
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