quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 1er janvier 2013

Le changement, c’est pour quand ?
Suite au mouvement de mai/juin 1968, je m’étais appliqué à mettre en fiches les nombreuses informations parues dans la presse, relatant les mauvaises manières des policiers de ce pays. En juin 1994, en compagnie de mon camarade Jean-Michel Mancion (Alexis Violet), il nous avait paru indispensable de faire un état des lieux permanent des dérives policières. D’où la constitution de l’Observatoire des libertés publiques, et de son bulletin mensuel Que fait la police ? 185 numéros mensuels ont été publiés depuis, avec de trop nombreux « faits divers » recensés. Le temps est donc venu de modifier notre approche, et de nous attacher aux commentaires pour tenter de mieux sensibiliser nos lecteurs au rôle peu convivial joué par une police bien plus attachée à servir le pouvoir du moment que de s’inquiéter des problèmes de l’ensemble des citoyens. Il n’est pas certain que, depuis le retour de la gauche au pouvoir, la mentalité policière se soit réellement modifiée. D’où la question qui ne peut que s’imposer : le changement des mœurs policières, c’est pour quand ?

Simple coup de chiffon ou coup de balai ?
Depuis le mois de mai 2012, nous sommes heureusement débarrassés de Nicolas Sarkozy. Son mode de « gouvernance », et ses méthodes policières mises en œuvre pour contrôler la société semble faire partie d’un triste passé. Rapidement, nous avons vu disparaître du paysage sécuritaire les regrettables Claude Guéant, qui fut ministre de l’Intérieur, Michel Gaudin, préfet de police de Paris, Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale, et Bernard Squarcini, directeur central de la sécurité intérieure. Plus récemment, Claude Bard, directeur général de l’IGS, était à son tour remercié pour ses bons et loyaux services. Il n’en reste pas moins que l’essentiel de la hiérarchie policière est resté en place, avec des méthodes qui n’ont guère changé, et des consignes tout aussi brutales.
Le temps de nous remettre de cet apparent changement, au sommet du monde policier, les mauvaises manières que l’on espérait voir disparaître se sont rappelées à notre mauvais souvenir. Ainsi, tout au long de l’été 2012, le nouveau ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, mettait en application la feuille de route décidée par Nicolas Sarkozy, dans son discours de Grenoble du 30 juillet 2010, concernant les Roms. C’est donc par dizaine que les campements de Roms allaient être détruits, en juillet, août et septembre 2012, et leurs occupants priés d’aller dormir à la belle étoile. Impossible d’imaginer que nos braves CRS et gendarmes mobiles n’aient pas pris plaisir à ces actions qui ne pouvaient que légitimer les missions exécutées les années précédentes sous les ordres de Brice Hortefeux puis de Claude Guéant.
Quant aux SDF qui avaient eu le front de tenter de trouver un abri, alors que les nuits froides s’annonçaient, ils étaient également victimes du zèle des forces de l’ordre, à qui nul n’avait sans doute révélé que la gauche avait gagné les élections. Dans les premiers jours de novembre 2012, CRS et gendarmes mobiles s’appliquaient à jeter dans la rue des sans logis qui n’avaient pas demandé l’autorisation de s’installer provisoirement dans des locaux inoccupés alors que, passé le 31 octobre, les propriétaires ne peuvent plus expulser. Il est vrai que ceux-là ne payaient pas de loyer, comme c’était le cas dans un squat de la rue de Charonne.

Quand l’eau de Valls remplace l’eau de Vichy !
Notre ministre de l’Intérieur, qui a pris très au sérieux son rôle de Premier Flic de France, a même autorisé la remise aux autorités espagnoles d’Aurore Martin, le 1er novembre 2012. Manuel Valls se justifiait, dès le lendemain, expliquant qu’il n’était pour rien dans cette affaire, ayant simplement constaté l’exécution d’un mandat d’arrêt européen visant la militante basque (tout en faisant mine d’oublier que si le parti Batasuna, dont elle est membre, est interdit en Espagne, il est autorisé en France). A qui fera-t-on croire que les gendarmes français qui avaient interpellé Aurore Martin lors d’un contrôle routier, à Mauléon, avant de la conduire à la frontière, pour la « confier » aux policiers espagnols, aient pu prendre cette décision sans que les services du ministère de l’Intérieur en soient informés ? Sans le moindre regret affiché pour cette opération déplorable, Manuel Valls avait le front d’évoquer « la séparation des pouvoirs », semblant impliquer la ministre de la Justice, Christiane Taubira, dans cette décision immonde.
Fort heureusement, Aurore Martin a été libérée le 22 décembre. La droite espagnole serait-elle moins répressive que la gauche française ?

Nouvelle société, vieille répression
C’est sous se titre, qu’en 1969, je qualifiais les méthodes policières du gouvernement Chaban-Delmas. Il en va toujours de même de tous les pouvoirs qui s’affirment rénovateurs tout en fermant les yeux sur les agissements des forces de l’Ordre. Manuel Valls, qui commende à ressembler de plus en plus à Jean-Pierre Chevènement, ne va pas tarder à bous servir ses propres recettes sécuritaires. Sauf erreur de notre part, les expulsions d’étrangers sans papiers se poursuivent sans désemparer. Les centres de rétention administratifs affichent toujours complet, dans le même temps que les réfugiés, qui continuent à affluer autour de Calais pour tenter de gagner l’Angleterre, sont toujours pourchassés avec autant de hargne par les CRS et les gendarmes mobiles d’une République dont les élus récents nous avaient promis qu’elle serait différente, et en tout cas plus humaine. En parodiant François Hollande, Manuel Valls pourrait tranquillement affirmer : « Le changement approximatif, c’est maintenant, sauf pour les parias ! »
En fait, il n’y a guère de changement sous notre soleil sécuritaire. Particulièrement si l’on s’intéresse à l’équipement de nos forces de l’Ordre. La matraque Tonfa est toujours aussi active, les gaz lacrymogènes toujours à l’honneur lors de la moindre manifestation. De même, l’usage d’armes prétendument non létales comme le flash-ball ou le pistolet à impulsion électrique Taser. Au-delà de cette manière lourde de traiter les « récalcitrants », il reste les habituels « gestes techniques enseignés en école de police », comme la balayette, la projection violente sur le sol et les genoux lourdement appuyés entre les omoplates, susceptibles d’entraîner le décès du possible délinquant. Le changement de méthodes de nos policiers, c’est pour quand ?
Lorsque Nicolas Sarkozy se déplaçait pour rencontrer le pays profond, il était entouré par des centaines de policiers, prêts à en découdre avec de possibles manifestants. En ira-t-il bientôt de même avec François Hollande, protégé par les soins de Manuel Valls ? Toujours est-il que, le 30 novembre, lors de sa visite à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, au cours de la journée de lutte contre le sida, les délégations syndicales qui désiraient rencontrer le président de la République étaient parquées à quelques centaines de mètres, sous la surveillance d’un service d’ordre surdimensionné, rappelait Le Parisien, daté du 1er décembre 2012.

Un peu d’histoire
Ministre de l’Intérieur socialiste, de 1947 à 1950, Jules Moch va surtout s’illustrer par sa dénonciation du « caractère insurrectionnel » du mouvement de grève des mineurs, particulièrement dans les bassins du Nord-Pas-de-Calais, en 1947 et 1948. En fait, ce ministre de l’Intérieur verra dans la révolte des mineurs (dont les salaires n’avaient pas suivi le fort taux d’inflation de l’époque), ce qu’i dénoncera comme des « allures révolutionnaires ». Combattue vigoureusement pas Jules Moch, cette vague de grèves verra la mobilisation de quelque 60.000 CRS et militaires, contre les 15.000 mineurs grévistes, retranchés dans les puits de mines. Une répression sévère devait suivre, avec six morts, de nombreux blessés et 3.000 licenciements. La répression avait été également très dure contre les dockers marseillais en luette à cette même époque. Détail important : comme les CRS, créés récemment étaient pour partie issus des milices patriotiques, dissoutes en novembre 1944, cette chasse aux mineurs et aux dockers devait provoquer des mouvements de grèves au sein de certaines compagnies de CRS. Ce qui allait conduire Jules Moch à dissoudre onze compagnies de CRS, suite à leur comportement jugé « partial » face aux manifestations ouvrières. Il n’est pas inutile de rappeler, qu’à cette époque, le futur ministre de l’Intérieur Raymond Marcellin, faisait ses classes dans l’ombre de Jules Moch, comme secrétaire d’Etat au maintien de l’ordre.

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