quefaitlapolicelogo Présentation de l’Observatoire des Libertés Publiques

Tout a commencé le 6 avril 1993 avec la mort violente d’un garçon âgé de dix-sept ans, Makomé M’Bowolé, au commissariat de police des Grandes-carrières, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Un vol de cigarettes avait conduit cet adolescent dans les locaux de police, la veille du drame. Alors que ce mineur doit être relâché le lendemain matin, son père n’est pas venu le chercher immédiatement: ” Pour lui donner une leçon ! ” Un inspecteur de police profite de ce qu’il a sous la main un ” délinquant primaire “, un souffre-douleur en fait, pour administrer une leçon de morale. Au cours de cette séance, qui se transforme rapidement en interrogatoire illégal, l’inspecteur agite son arme sous le nez du garçon, pour bien lui faire comprendre qui est le plus fort. Comme trop souvent, le coup part tout seul, tandis que les collègues, présents dans le bureau, regardent opportunément dans une autre direction.

Cet acte n’est pas le résultat du hasard. Le retour, quelques jours plus tôt, de Charles Pasqua au ministère de l’Intérieur, a provoqué un accès de violence dans les commissariats comme sur la voie publique. En moins d’une semaine, il y a plusieurs victimes. Conscient de cette dérive, Charles Pasqua se hâte de déclarer : ” Si la police veut être respectée, elle doit être respectable ! ”

Suite au véritable meurtre dont a été victime Makomé – une balle dans la tête à bout touchant -, nous nous retrouvons, avec l’écrivain Didier Daeninckx pour signer  » L’ Appel des 101  » . Ce texte est significatif du refus d’accepter sans réagir la violence policière qui se déchaîne.

 » … Les générations de policiers, accomplissant les basses besognes, se sont toujours donné la main. Les mêmes qui, aujourd’hui, contrôlent au faciès, remplissaient les autobus de la ligne Drancy-Auschwitz, en juillet 1942. Les mêmes noyaient dans la Seine les martyrs algériens d’octobre 1961… Chasseurs et casseurs de têtes, ils veulent modeler sous le plastique plombé des matraques le nouveau visage de la barbarie. Le temps est venu de leur dire que nous n’acceptons pas ce spectacle d’une jeunesse que l’on détruit, que l’on criminalise…  »

Cet appel, lancé le 16 juin 1993, au cours d’une conférence de presse, restera malheureusement lettre morte faute d’une réelle volonté de concrétiser cette colère. Côté média, le problème ne semble pas être à l’ordre du jour.

Un an plus tard, jour pour jour après le meurtre de Makomé, le 6 avril 1994, nous constituons l’Observatoire des libertés publiques. Cette fois encore, lors d’une conférence de presse où les journalistes des grands quotidiens brillent par leur absence, nous décidons de recenser régulièrement les nombreux méfaits d’une police trop souvent hors la loi. Cela au travers d’un modeste bulletin intérieur: Que fait la police ?

Le manifeste initial va directement à l’essentiel et met l’accent sur : “… le comportement grossier, méprisant, provocateur, raciste, brutal et sexiste ” des policiers d’une France démocratique. Alors que le pouvoir gaulliste semble, par ses choix, rejoindre, sur certains points, les options du Front national, notre appel est dépourvu d’ambiguïté : ” … Dressée aujourd’hui pour conduire la chasse aux immigrés, la police sera bientôt prête à brider l’ensemble des citoyens vivant en France. La volonté est nette d’inculquer à chacun de nous la peur de la police, ce qui doit permettre ensuite tous les abandons, toutes les lâchetés, dans une société en crise.

Que fait la police ? se donne pour tâche de recenser toutes les informations concernant les petites et les grandes extensions des policiers qui ont de plus en plus tendance à se considérer comme des justiciers… Notre silence, face à une mise en condition préparée depuis la constitution du gouvernement Balladur, ferait de nous des complices de cet État policier… ”

En juin 1994 paraît le premier numéro de Que fait la police ? En cinq ans, cinquante numéros de ce bulletin sont réalisés. Depuis juin 1997, la France aurait changé de régime – la gauche plurielle étant au pouvoir – mais les policiers, dont la haute hiérarchie est globalement restée en place, n’a en rien changé, ni modifié ses détestables pratiques. Trop de policiers sont toujours aussi racistes, violents, sexistes, sûrs d’un pouvoir qu’ils considèrent comme illimité – rassurés par la certitude d’être ” couverts ” , le plus souvent, par leur hiérarchie et, ponctuellement, par la justice.

On nous dit que la police ne fait pas de politique et que son rôle se limite à veiller sur la sécurité des personnes et des biens. À qui peut-on encore faire croire une telle fable ? À l’heure où paraît ce recueil, un large réseau se met en place pour témoigner de la nécessité d’être attentif aux retombées de l’idéologie sécuritaire. Cela en un temps où notre société est menacée par cette présence policière de plus en plus étouffante, au risque de remettre en cause les libertés les plus élémentaires.

Maurice Rajsfus et Alexis Violet.

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