QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 15 juin 2013
La droite et l’extrême-droite se frottent à la police et crient à la provocation !
Nos policiers, bons pour toutes les missions, sont de plus en plus déboussolés. Il y a peu, ils étaient surtout lancés contre les « agitateurs » les plus visibles, lors des manifestations politiques ou syndicales. Avec la consigne de cogner sans retenue – pour que la notion d’ordre soit bien retenue. C’est ainsi que, durant ces dernières années, les flash-ball et les pistolets Taser faisaient merveille pour accompagner les gaz lacrymogènes, généreusement distribués. Il semble, depuis qu’a été lancé le long débat sur le « mariage pour tous », que nos policiers et gendarmes mobiles ont eu fort à faire avec la secte des Enfants de Marie, sourdement soutenue par la droite, l’extrême-droite et la voyoucratie catholique nullement rejetée par la hiérarchie bien-pensante.
Les règles du jeu ont pourtant changé. Les purs esprits, tout emprunts de sainteté, dénoncent désormais les institutions, tout comme les forces de l’ordre, chargées de faire appliquer la loi adoptée par les deux chambres parlementaires, reconnue par le Conseil constitutionnel et finalement promulguée par le président de la République. Depuis le mois de janvier 2013, les bonnes âmes qui agitent des bannières où figurent le cœur et la croix, recherchent délibérément la « castagne » avec les fonctionnaires de l’ordre public. Ces nouveaux « sauvageons » comme disait Jean-Pierre Chevènement, ne manquent pas d’être étonnés car, par tradition, lorsqu’il y avait confrontation entre manifestants, décrits comme des gauchistes excités, et des nervis du GUD ou du Bloc Identitaire, ces derniers trouvaient refuge derrière le cordon policier. Pire, même : il nous revient en mémoire que lors d’une altercation entre militants du réseau Ras l’Front et des ressortissants de la droite extrême, ceux-là s’étaient mis au chaud derrière les CRS. C’était le 21 janvier 1992 et il était possible de voir les membres du DPS (service d’ordre du Front national), ces courageux mercenaires à la solde de Jean-Marie Le Pen, côte à côte avec les policiers de la République, nous arrosant de gaz toxiques – sans doute pour nous apprendre à respecter les fachos.
Depuis que les têtes pensantes de l’opposition au « mariage pour tous » se sont mises à la tête d’une authentique insurrection, les confrontations avec les forces de l’ordre sont devenues monnaie courante, avec promesse de la grande prêtresse Frigide Barjot : « Le sang va couler ! » Il convient toutefois de remarquer, une fois encore, que nos CRS et gendarmes mobiles, désormais au service de la gauche, s’ils utilisent les gaz, évitent cependant de frapper très fort et n’utilisent jamais les flash-ball et Taser contre les bien-pensants en colère, qu’il ne peut être question de traiter tels de vulgaires trublions d’extrême-gauche. C’est ainsi que nos forces de l’ordre sont surtout sur la défensive, face à une variété de jeunes fachos, décidés à en découdre. C’était le cas déjà , en mars dernier, puis le 18 avril et le 5 mai. Le 17 mai, sur la place du Panthéon, à Paris, peu après que le Conseil constitutionnel ait validé la loi contestée, quelque 250 énervés se déchaînaient contre les CRS, blessant un commissaire de police. Frigide Barjot expliquant que ses troupes avaient été victimes de « provocations » et même d’un « changement de civilisation », appelant ensuite à continuer le combat et incitant les nouveaux croisés à une « grande résistance ». Dans l’après-midi du 25 mai, ne pouvant attendre le grand rendez-vous contestataire du 26 mai, quelques dizaines d’excités se heurtaient déjà violemment à la police, sur les Champs-Elysées.
Tout au long de cette journée du 25 mai, Manuel Valls mettait en garde les organisateurs de la « manif pour tous », leur conseillant de s’abstenir de se déplacer, le lendemain, accompagnés de leurs enfants. En vain car les esprits angéliques n’étaient pas incommodés par la présence à leurs côtés de la génération de jeunes fascistes, la plupart étant issus de bonnes familles. Cela se devait de mal finir puisque, jusqu’à la nuit tombée, les affrontements recherchés avec les forces de l’ordre étaient nombreux et ne manquaient pas d’étonner. Face à la violence déchaînée, les policiers de la BAC devaient décrocher dans un premier temps, sur l’esplanade des Invalides, tandis que les jeunes « bourges », devenus malfrats, s’en prenaient aux journalistes qui tentaient de filmer leurs exploits. Il n’empêche, quelque 300 de ces moralistes étaient interpellés et plusieurs d’entre eux placés en garde à vue, après que ceux-ci s’étaient lancés à l’assaut des forces de l’ordre, armés de pavés, de barres de fer et de pétards fumigènes. Au terme de trois heures d’affrontements, il y avait quand même certains de ces manifestants pour affirmer que les CRS étaient « contrariés » d’avoir été missionnés pour les remettre au pas. Ces excités, bien plus proches des fascistes ordinaires que des défenseurs de la famille traditionnelle, ne comprenaient pas que la police puisse de mettre en travers de leur action violente. D’où ces slogans, entendus au cœur de la manifestation : « Police, Gestapo » ou « Journalistes collabos ». Curieusement, les syndicats de policiers, toujours prêts à dénoncer les manifestants violents, ne se sont guère exprimés sur cette soirée du 26 mai.
France, terre d’asile
Les Roms vivent à nos portes, particulièrement dans les écarts des banlieues ouvrières, ou le long des voies de chemin de fer. Peu de nos compatriotes s’intéressent au sort de ceux qui sont toujours considérés comme des voleurs de poules. Il n’en va pas de même de la police, constamment en chasse, prompte à les chasser de leur campement, tout comme à détruire leurs pauvres biens. Le 25 mai 2013, se déroulait à Paris une manifestation, partant de la fontaine Saint-Michel. Seules quelques centaines de personnes s’étaient déplacées, en solidarité avec les parias de la France terre de liberté . Des tracts distribués permettaient d’apprendre que si 24 lieux avaient été évacués par la police et la gendarmerie mobile, avec 3.300 personnes concernées, au cours du 1er trimestre 2012, ce triste record a été battu, sous la gauche, au 1er trimestre 2013, avec l’évacuation de 40 lieux et 4.152 hommes, femmes et enfants « virés » de leurs tristes refuges. Comme ces familles ne sont pas expulsables du « territoire national », il leur est demandé, plus ou moins brutalement, d’aller voir plus loin – jusqu’à l’intervention suivante des forces de l’ordre. Comme le teint bronzé n’est guère apprécié , le 14 mai 2013, à Saint-Denis (93), un jeu ne Portugais, pris pour un Rom, était tabassé par les vigiles d’une grande surface d’alimentation. Toujours est-il que CRS et gendarmes mobiles ne restent pas inactifs puisque, le 28 mai, un campement de Roms était démantelé, à Saint-Denis et, de même, le 29 mai, toujours dans la banlieue nord de Paris, des familles étaient chassées d’un terrain appartenant à Réseau ferré de France. A suivre, hélas !
Nuque raide
Au fil des mois, Manuel Valls commence à entrer dans le costume de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, quand celui-ci était ministre de l’Intérieur. Ainsi, lors de l’arrestation de Yvan Colonna, le roi de l’idéologie sécuritaire s’était exclamé : « On a arrêté l’assassin du préfet Erignac ! » De même, en toute occasion, l’empereur du « bling-bling » n’hésitait jamais à exiger la fermeté de la part des juges, tout en les stigmatisant en apprenant les sentences, trop faibles à son gré. A la mi-mai 2013, à trois reprises, des chauffards avaient pris la fuite, après avoir renversé des gendarmes. Ce qui, évidemment, était hautement répréhensible, mais pourquoi était-il nécessaire, qu’au-delà de son indignation bien naturelle, Manuel Valls se laisse aller à demander, lui-aussi, la plus grande fermeté des juges. Question : qu’en est-il, hier comme aujourd’hui, de la séparation des pouvoirs ?
Le 21 mai 2013, Manuel Valls devait s’illustrer comme il sait le faire. Pourquoi diable, dès l’annonce du suicide de l’historien d’extrême-droite, ancien de l’OAS, Dominique Venner, au pied de l’autel de Notre-Dame de Paris, a-t-il jugé indispensable de venir se dandiner à la cathédrale ? Sans doute pour confirmer son attachement au catholicisme familial, comme il l’avait rappelé récemment. Peu importe que la France soit une République laïque. Au fait, y-a-t-il au ministère de l’Intérieur une chapelle où Manuel Valls pourrait faire ses dévotions – en toute discrétion, évidemment…
Prélèvements ADN pour tous
Le 20 novembre 2010, deux militants de la CGT, interpellés pour « dégradation d’édifice public », en fait les murs de la préfecture de la Loire, étaient pourtant dispensés de peine. Il n’en reste pas moins que le procureur de Roanne avait décidé de continuer les poursuites contre ces deux hommes, en compagnie de cinq de leurs camarades. Certes, nous avons changé de régime, depuis un an, mais les vieilles habitudes ont la vie dure. C’est ainsi qu’à l’aube du 23 mai 2013, deux de ces militants étaient appréhendés à leur domicile. Motif, rappelle Libération daté du 24 mai : « Refus d’inscription au fichier national automatisé des empreintes génétiques » FNAEG. Cet incident permet de constater que les mesures mises en place, au temps où Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur, tardent à être abrogées.
Il convient de rappeler une fois de plus, que c’est en 1999, lorsque Elisabeth Guigou était ministre de la Justice, qu’avait été institué le prélèvement ADN sur les délinquants sexuels (violeurs ou pédophiles). Depuis 2002, la dérive n’a cessé de s’accentuer et les délits relevant de cette mesure multipliés. Jusqu’à décider d’utiliser ces prélèvements pour les faucheurs de maïs OGM, et même les auteurs de grafittis. Un simple refus faisant risquer la prison, ou tout au moins de lourdes amendes. Notre ministre de l’Intérieur – socialiste – serait bien inspiré d’en revenir à l’application initiale de cette loi, alors qu’actuellement elle permet de faire figurer dans un même fichier des criminels et des auteurs de délits mineurs qui ne devraient pas relever de l’interpellation et, moins encore, d’une poursuite judiciaire. Surtout, ne pas oublier que dans le catalogue des « délinquants » relevant de ce fichier ne figurent pas ceux qui sont coupables de blanchiment d’argent sale et pas davantage les escrocs avérés. Après les aveux de Jérôme Cahuzac, lui a-t-on fait un prélèvement ADN ?
Flash-ball et Taser, toujours à l’honneur !
Ces deux armes, dites non-létales, introduites dans l’armement des forces de l’ordre françaises il y a moins d’une dizaine d’années, ne sont pas encore interdites malgré le retour de la gauche au pouvoir. Même si l’on n’a pas comptabilisé de décès, avec le pistolet à impulsion électrique Taser, cela pourrait bien se produire et le « délinquant » visé est cardiaque. En revanche, on ne compte plus les manifestants ayant perdu un œil suite à un tir de flash-ball. L’usage de ces deux armes est devenu courant, au fil des ans. C’est pourquoi, le 28 mai 2013, le Défenseur des droits, nommé à ce poste par Nicolas Sarkozy, en 2011, vient de rendre un rapport suite à de nombreux abus : mauvaises utilisations et dérapages multiples rappelant que : « Le recours à ces armes, assimilés à l’usage de la force, est soumis à une exigence de stricte nécessité et proportionnalité. » Ce qui est loin d’être le cas.
En principe l’une et l’autre de ces armes ne doivent pas être utilisées à moins de huit mètres. Recommandation peu respectée. Le Monde daté du 29 mai 2013 nous fournit quelques exemples cités dans le rapport du Défenseur des droits. Ainsi ce gendarme utilisant son Taser sur un homme déjà menotté, et touché par trois tirs, pour « mieux maîtriser la personne… » Le Taser est apprécié pour un « usage de confort », en mode contact, et il aurait pour intérêt de faciliter les interpellations et le menottage. Chez les pandores le nombre d’utilisations du Taser , dans ce cadre, est passé de 223 à 360 entre 2009 et 2012 et, chez les policiers, de 161 à 229 entre 2010 et 2012. Manuel Valls, loin de s’inquiéter de cet usage intempestif du Taser, estime que son utilisation est « moins dangereuse pour l’intégrité physique de la personne qu’un intervention physique des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie. » Cela sans s’inquiéter des commentaires du Défenseur des droits : « Le fait de recevoir une forte décharge électrique conduit à une douleur localisée très intense, ainsi qu’à un traumatisme psychologique et une atteinte à la dignité humaine. »
L’usage du flash-ball, « arme de neutralisation », surtout utilisée par les policiers, réclame un tir cadré, et il est demandé à ceux qui en font usage de ne pas viser au-dessus des épaules, tandis qu’il est recommandé aux seuls policiers d’éviter le « triangle génital », et aux gendarmes de ne pas tirer dans la zone du cœur, alors que cette arme est imprécise. En 2010, les policiers avaient utilisé 2.224 munitions de flasch-ball. Ce chiffre est monté à 2.573 en 2012. Pour le Défenseur des droits, qui s’est ému de l’usage immodéré de cette arme, il faudrait surtout se limiter à tirer au-dessous des genoux, pour éviter les dommages collatéraux, particulièrement lorsque le porteur de l’arme est trop proche des personnes contrôlées. Il est donc possible d’estimer que le Défenseur des droits serait plutôt favorable à une interdiction de l’une et de l’autre de ces armes, mais, comme le souligne l’enquête du Monde : « Il doit se montrer pragmatique devant le refus du ministre de l’Intérieur à les remettre en cause. »
[Prochaine chronique : 1er septembre 2013]
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