quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 1er septembre 2013

Editorial : Triste record
La France, jadis terre de libertés, réputée pour son droit d’asile, a dû battre un record en 2012 : plus de 37.000 expulsions de sans papiers ! Il est même possible d’affirmer que Claude Guéant a été battu par Manuel Valls dans leur volonté réciproque « d’éloigner » ces étrangers du territoire national. Comparons : cinq mois de sinistre vigilance pour l’âme damnée de l’ancien président de la République, suivis de sept mois de très mauvaises manières pour un prétendu socialiste. L’un et l’autre également décidés à persécuter les Roms, pourtant citoyens européens. L’un et l’autre étant finalement de fidèles exécutants des consignes données par Nicolas Sarkozy lors de son discours xénophobe, et emprunt de racisme, prononcé le 30 juillet 2010, à Grenoble.
Comment ne pas s’étonner de la continuité d’une volonté répressive impitoyable lorsque les socialistes reviennent au pouvoir ? En juin 1997, devenu ministre de l’Intérieur, Jean-Pierre Chevènement tenait à rappeler : « La France a une tradition de police d’ordre. » Le 25 février 2013, plus finaud mais tout autant redoutable dans sa réflexion, Manuel Valls confiait sur France-Inter : « L’ordre est une condition du progrès social ! »
De même, comment supporter le fait que les prisons du pays de la liberté battent un autre record en « accueillant » plus de 67.000 taulards dans des geôles inhumaines ? Pourtant, l’arrivée de Christiane Taubira au ministère de la Justice pouvait laisser augurer moins de rigueur de la part des juges qui continuent à appliquer les peines « plancher » mises en place par Rachida Dati. Comme si il y avait connivence entre les deux administrations.

Faits divers habituels :
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Le 12 juin, un campement de Roms, installé à la porte de la Villette, à Paris, composé d’une vingtaine d’adultes et de sept enfants, était évacué par les forces de l’ordre. C’était la troisième expulsion de ce genre, à Paris, depuis le mois de janvier 2013.
. Le 11 juin, dans la soirée, à Argenteuil (95), de violents affrontements devaient opposer une quarantaine de policiers, à des adultes, suite au contrôle d’identité d’une jeune femme portant un voile intégral. Les policiers auraient été insultés et reçu des coups. Pourtant, d’après des témoins, les défenseurs de l’ordre public auraient fait usage de bombes lacrymogènes et de flash-ball.

Les exploits des grands commis de l’Etat
Entre 2010, date de sa nomination comme préfet de Seine-Saint-Denis, et son départ à la retraite, à la mi-juin 2013, l’ancien chef du RAID, Christian Lambert, aura présidé à quelque 150.000 contrôles d’immeubles dans ce département placé sous haute surveillance policière.
Par ailleurs, il était possible d’apprendre, le 14 juin, que Claude Guéant, alors directeur du cabinet du ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, « touchait » tranquillement une prime mensuelle de 10.000 euros, en complément de son salaire, bien entendu. Lui a-t-on seulement demandé de rembourser. Ce détournement mafieux représenterait 250.000 euros…

Va te faire fiche !
Selon une enquête de la CNIL, les fichiers de la police nationale (STIC) et de la gendarmerie (Judex), contiendraient toujours autant d’erreurs. Cette enquête, rapportée par Libération, daté du 14 juin 2013, indique que rien n’a changé depuis 2009, lorsqu’il était possible de constater que 83 % des fiches contrôlées comportaient des informations inexactes ou non-actualisées. Dans 40 % des cas, les erreurs relevées étaient conséquentes : fichage non justifié ou durée excessive de conservation des données. Quatre ans plus tard, la situation ne s’est nullement améliorée. C’est là un dysfonctionnement alarmant cars ces deux fichiers, additionnés, comporteraient plus de dix millions de fiches, visant neuf millions de personnes. Certaines se retrouvant avec plusieurs fiches les concernant. Le plus inquiétant étant que si ces fichiers sont consultables – avec autorisation du procureur – par les policiers et les gendarmes et les magistrats du parquet, il en va tout autrement dans la réalité car des agents préfectoraux y ont également accès dans le cadre d’enquêtes administratives. Par ailleurs, certains chefs d’entreprise peuvent demander confirmation écrite que le candidat à un emploi n’est pas fiché. Normalement, selon la loi sur la Sécurité intérieure (Loppsi 2), de 2011, tous les classements sans suite devaient être mentionnés sur les fiches, pour les rendre inaccessibles, dans le cadre d’une enquête administrative. Sauf que la loi n’est pas appliquée. Comme la conservation des données peut aller jusqu’à quarante ans, il faudrait interroger Manuel Valls pour lui demander s’il s’est inquiété de cette situation, alors que le STIC et Judex vont fonctionner pour donner naissance à un fichier unique, le TAJ (traitements d’antécédents judiciaires) comptant toujours autant d’erreurs.

Etonnant
Il paraît qu’à partir du 2 septembre 2013, les citoyens pourront signaler les abus ou les dérapages policiers. Uniquement, pourtant, sur Internet, et dans le cadre d’une réforme de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), nous apprenait Libération, daté du 29 juin. La commissaire, patronne de l’IGPN, expliquant malgré tout que : « L’objectif n’est pas de favoriser la délation. » Il reste que la démarche ne sera en rien une partie de plaisir. Il sera nécessaire, tout d’abord, de s’identifier, puis de donner le jour, l’heure, le lieu, les circonstances et le résumé des faits, voire de fournir des documents photos ou vidéos. Bon courage pour les plaignants éventuels qui risqueront peut-être des poursuites pour dénonciation calomnieuse…

Contrôles au faciès
Treize personnes de différentes villes de France, qui avaient assigné l’Etat pour discrimination, avaient affaire, le 3 juillet 2013, à une curieuse défense de la Justice de ce pays. Ces personnes, plutôt jeunes, noirs ou maghrébins, portaient plainte suite à ces contrôles au faciès insultants, et même violents avec, à l’occasion, menaces d’utilisation d’armes, dites non-létales, comme le Taser sans négliger d’humiliantes fouilles au corps, effectuées sans le moindre ménagement. Les plaignants, originaires de Lille, Besançon, Vaulx-en-Velin (Rhône) ou Saint-Ouen (93), demandaient, devant le tribunal correctionnel de Paris, 10.000 euros de dommages et intérêts chacun. Jugement mis en délibéré au 2 octobre 2013.

Dehors les Roms !
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A l’aube du 5 juillet, à Dijon, CRS et gendarmes s’activaient pour expulser de leur campement une cinquantaine de Roms, dirigés ensuite vers une caserne désaffectée.
. Le 9 juillet, tôt dans la matinée, des évacuations par la police de campements de Roms et de « gans du voyage » se sont déroulées à Staffelden (Haut-Rhin), Ris-Orangis (91) et Deuil-la-Barre (95). Ces opérations se sont déroulées quelques jours après la fracassante déclaration du maire de Nice, Christian Estrosi, affirmant qu’il allait « mater » les Roms occupant indument des terrains de sa ville.

Petits ripoux, pas trop coupables…
Il avait été fait grand bruit à propos de l’affaire des ripoux de la BAC-Nord de Marseille qui avait éclaté le 5 octobre 2012. On se souvient que ces honnêtes fonctionnaires de l’ordre public se contentaient de dévaliser des petits dealers qu’ils laissaient ensuite repartir, jusqu’à la fois suivante. Finalement, les sanctions disciplinaires proposées par le Conseil de discipline de la police marseillaise, siégeant du 3 au 5 juillet, sont des plus légères. Sur les seize fonctionnaires mis en cause, seuls huit d’entre eux devrait avoir à répondre de « manquement à la probité, pour les vols, et à la loyauté pour n’avoir pas fait de PV ou de comptes-rendus de saisies. » (de drogue) Certes, dit-on à l’IGPN, « ils ont commis des faits graves » mais tout en étant « moyennement impliqués », alors que le procureur de Marseille avait évoqué un « système institutionnalisé de vol, racket et trafic de stupéfiant. » Il n’en reste pas moins que les sanctions prononcées par les pairs de ces ripoux vont de sept jours de suspension, avec sursis, à neuf mois de suspension, dont trois fermes. Ce qui a permis au délégué régional du syndicat Alliance de plastronner, avec le plus grand cynisme : « cette histoire a été gonflée comme une montgofière et redevient maintenant un petit ballon de foire. » A l’IGPN, on relativise également : « On a découvert des pratiques inadmissibles mais pas d’enrichissement et pas de quoi les envoyer à la guillotine », rapporte Libération, daté du 6 juillet. Toujours est-il que les seize de la BAC, mis en examen, ont tous été recasés dans d’autres commissariats de la région.

Peine de mort, toujours en vigueur ?
Le 15 juillet, près de Port-Marly (78), les policiers prenaient en chasse un véhicule. L’homme au volant, comme bien souvent, s’affolait et se tuait au volant. Explication des autorités : il était bien connu des services de police ! Comme si une telle information pouvait justifier la mort d’un homme qui n’a tué personne. Une fois de plus, il convient de rappeler que rien ne peut justifier le décès tragique d’un homme, quelle que soit la nature de son délit. D’autre part, il convient également de rappeler, une fois de plus, que la peine de mort a été abolie en octobre 1981. Sauf erreur de notre part, le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, avait suggéré à ses policiers de cesser ces poursuites, le plus souvent meurtrières. Il semble qu’il n’a pas été entendu. Par ailleurs, alors que nos défenseurs de l’ordre public ne cessent d’invoquer la légitime défense lorsqu’ils utilisent leur arme, une intéressante enquête nous apprend que le nombre d’agressions physiques visant les forces de l’ordre, en 2012, auraient diminué de façon significative : – 4,5 % pour les policiers et – 11,5 % pour les gendarmes.

Insécurité, quand tu nous tiens
En 2002, comme en 2007, l’élection présidentielle s’est jouée sur le thème de l’insécurité, utilisé par la droite et l’extrême-droite. Il semblerait que ce sentiment connaisse une légère évolution. Selon une enquête réalisée par la région Ile-de-France, rendue publique le 15 juillet 2013, 55 % des franciliens se sentent en insécurité, soit deux points de moins qu’en 2011. La proportion d’habitants de la région qui plaçaient la délinquance en tête des priorités du gouvernement a subi une nette baisse : 13 % en 2012, contre 18 % en 2011 et 39,2 % en 2001. Enfin, nous apprend Libération, daté du 16 juillet 2013, 90 % des franciliens trouvent leur quartier sûr, mais plus de 30 % jugent la présence policière insuffisante. Paradoxalement, 46,9 % des sondés déclaraient avoir été victimes d’actes de délinquance.

Trappes : la police sert la soupe à la droite !
Décidément, la police française, tout comme ceux qui inspirent ses activités – ou la supportent – n’a guère changé malgré la chute de la maison Sarkozy / Guéant. Dans bien des cas, au travers de certaines de ses lissions, il est possible de retrouver les mêmes mauvais instincts, l’injure raciste toujours présente, tout comme la brutalité démontrant sa nature profonde. Ce qui s’est passé à Trappes (78), le 18 juillet, et les jours qui allaient suivre, constitue la démonstration de la capacité de nos forces de l’ordre à transformer un incident, qui aurait dû rester banal, en une authentique révolte des banlieues qui ne saurait manquer de laisser des traces.
Conformément à la loi de 2011, interdisant aux femmes musulmanes de se trouver dans des lieux publics en présentant un visage masqué, des policiers plein de zèle interpellaient l’une d’elles, le visage recouvert d’un voile intégral, dans la soirée du 18 juillet. Selon des témoins, intervenant le lendemain sur diverses chaînes de télévision, les policiers se seraient montrés injurieux (on imagine le vocabulaire utilisé) et brutaux envers cette femme et son mari, accusant ensuite ce dernier de les avoir agressés. Détail important, cet « incident » se déroulait en plein ramadan, ce que nos policiers ne pouvaient ignorer. Comment, dès lors, ne pas envisager une sinistre provocation dans cette ville de banlieue où le calme régnait ?
Ainsi, l’opposition d’un homme au contrôle d’identité de son épouse va provoquer un choc en retour que les autorités ne pouvaient ignorer. Pour certains syndicats comme UNSA-Police, il s’agissait d’un simple contrôle ayant dégénéré. C’est là une explication un peu courte car, dans la soirée qui allait suivre, c’est une authentique révolte qui allait commencer, avec un rassemblement de plusieurs centaines de personnes devant le commissariat de Trappes. Pour le ministère de l’Intérieur, il est possible d’affirmer que ce conflit, lourdement provoqué, était traité telle une guerre de civilisation. C’est ainsi que rapidement, une trentaine de fourgons arrivaient en renfort, armada complétée par un hélicoptère survolant le quartier. De durs affrontements se dérouleront jusqu’à l’aube avec, inévitablement, des voitures et des poubelles incendiées, ainsi que des abribus détruits. Dans la matinée du 20 juillet, des pompiers s’affairaient encore à éteindre les incendies. Des deux côtés, la violence avait été évidente.
Pour justifier cette intervention lourde des forces de l’ordre, le directeur de cabinet du préfet des Yvelines reprendra les affirmations de certain s syndicats de policiers pour expliquer cette véritable guerre conduite dans une banlieue, autrefois considérée « sensible », tandis que le plus droitier de ces syndicats, Alliance, annonçait que « l’autorité de l’Etat est mis en cause », argumentation rapidement reprise par Eric Ciotti (le sécuritaire de service de l’UMP), et Philippot du Front National, qui ne manqueront de faire leur miel de cet « incident ». En ce sens, Manuel Valls a bien servi les desseins de la droite, et sa branche extrême, qui n’attendent qu’une occasion, celle qui fait les mauvais larrons, pour annoncer à la France profonde qu’ils prétendent représenter, qu’ils sont prêts à sauver le pays.
Ces violences urbaines, qui devaient se prolonger les nuits suivantes, font effectivement le lit des droites de ce pays pour qui la liberté est surtout celle revendiquée par les « vrais blancs ». Dans le même temps, ces interventions policières faisaient le lit des islamistes radicaux qui se sentent investis du devoir de prêcher la guerre saine contre les Croisés, représentés par la police aux ordres des autorités de droite et de gauche, unies dans une même volonté d’agression contre l’Islam.
Pourquoi faudrait-il négliger les propos recueillis sur le site du Collectif contre l’islamophobie en France, et reproduits dans Le Monde daté du 20 juillet 2013. La jeune femme contrôlée par la police y relatait sa version des faits : « Ils ont voulu nous contrôler, a cause de mon voile intégral. Comme d’habitude, j’ai coopéré. J’allais lever mon voile lorsque j’ai vu l’un des agents pousser violemment ma mère. Une fois que ce policier en a eu fini avec ma mère, il vint vers moi et fit de grands gestes devant mon visage, en me tenant un langage répressif. Apeurée, je lui demandé de se taire. Il m’a alors attrapée par le voile, au niveau de la tête, et traînée avec une force monstrueuse, avant de ma plaquer sur le capot de la voiture… Je me suis retournée et j’ai aperçu mon mari maintenu à terre par deux policiers qui le menaçaient. Une fois dans la voiture, ils nous ont crié dessus comme si nous étions des chiens… »
Suite à ces « incidents » le ministre de l’Intérieur décidait de laisser une centaine de CRS, en vigilance, pour les nuits suivantes, estimant que le calme étant rétabli, il était possible de remettre en liberté l’époux de la femme voilée. En vain, puisque dans la nuit du 20 au 21 juillet, des jeunes des communes proches, Guyancourt et Elancourt, se manifestaient à leur tour en incendiant des dizaines de véhicules. Si les autorités policières avaient espéré calmer cette nouvelle révolte des banlieues, il y avait erreur d’analyse, dans la mesure où, comme l’estimait Manuel Valls, sa volonté était de sauver les droits de l’homme et sa volonté sécuritaire.
Prenant le relais du Monde, le quotidien du matin, Libération, daté du 22 juillet 2013, rappelait à son tour que le couple contrôlé avait été victime de violences policières. Précisant même que la mère de la jeune femme voilée, accompagnée d’une trentaine d’habitants du quartier des Merisiers, avait voulu déposer plainte au commissariat, mais elle avait été éconduite. Ce n’est qu’ensuite que se serait produit le rassemblement de 250 personnes à proximité des locaux de police, provoquant la riposte des gardians de l’ordre public, ainsi que les nuits de violence qui allaient suivre. C’est dans ces circonstances qu’un adolescent devait perdre un œil après avoir reçu un projectile en plein visage.
Selon les témoins ayant tenu à s’exprimer, au lendemain des échauffourées, l’un d’eux, Mehdi, donnait une explication cohérente de l’exaspération de la population et du comportement policier : « Ce n’est pas une question de respect des religions ou de niqab. C’est une question de respect des gens, du respect de nos droits en tant que citoyens français. Nous ne supportons plus d’être contrôlés quotidiennement ! » Un autre témoin, Abdel, ajoutant : « Ils nous contrôlent tellement qu’ils connaissent nos noms et dates de naissance par cœur. » Un habitant du quartier, âgé d’une cinquantaine d’années, au ra ce commentaire : « Certains flics se comportent comme des cow-boys, ils savent qu’ils sont protégés par leur hiérarchie. Qui va croire nos garçons ? Personne, car ils ne sont pas de la bonne couleur ! » Un dernier témoin, parmi d’autres, semble s’exprimer au nom de la majorité des habitants du quartier : « Quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, notre parole n’est jamais crédible aux yeux des médias et des politiques. » Le mot de la fin appartenant peut-être à ce garçon âgé de vingt ans et diplômé d’un BTS : « Un quartier ne s’insurge pas du jour au lendemain sans raison. L’histoire du niqab, ça a été la goutte de trop ! »
Très rapidement, quelques jeunes, accusés d’avoir caillassé les forces de l’ordre étaient condamnés à des peines de prison ferme, le parquet faisant appel à minima, témoignant ainsi de sa volonté de ne pas calmer le jeu. De son côté, Manuel Valls aura beau se dandiner en évoquant les grands principes de l’ordre républicain, il n’en reste pas moins que le chômage et la misère règnent dans certaines banlieues. Tandis que se manifeste de plus en plus la volonté de rejet des « originaires », les policiers n’étant pas les derniers à attiser les braises.

Feu à volonté !
Le 21 juillet, un homme apparemment excité, faisait irruption, une hache à la main, dans le poste de police de Chevilly-la-rue (94). N’étant que son courage, un brave défenseur de l’ordre public dégainait aussitôt son arme de service et logeait trois balles dans la poitrine de cet « individu ». Lequel devait décéder dans la matinée du 24 juillet des suites de cet acte de « légitime défense ». Une question ne peut que se poser : pourquoi ce policier n’a-t-il pas tiré dans les jambes ? Réponse : les cibles sur lesquelles s’entraînent les policiers ne comportent que la tête et le tronc. Par ailleurs, nous a-t-on suffisamment expliqué qu’en école de police les élèves se voyaient enseigner des gestes techniques permettant d’immobiliser un agresseur. Il est vrai qu’il est plus facile de tirer une salve de balle…

Dehors les Roms
Dans la matinée du 23 juillet, un campement d’environ 150 Roms était évacué par la police, à Marseille. Les parias n’auront qu’à aller voir ailleurs si Manuel Valls s’y trouve. Non-expulsables, dans la majorité des cas, ils sont condamnés à tourner en rond, en butte à la vindicte des pauvres hères, excités bien souvent par leurs élus, ainsi de Christian Estrosi, qui ne cesse d’expliquer qu’il en a « maté » d’autres, tout en s’indignant des dérapages du député-maire de Cholet qui regrette que Hitler n’ai pas éliminé davantage de Tsiganes…

Si Valls l’avait su, l’aurait-il cru ?
Les bavures policières, tout comme les brutalités et les injures qui les accompagnent, finissent toujours par être connues. Autre chose est de prouver les mauvaises manières des défenseurs de l’ordre public. Trop souvent, en effet, l’esprit de corps qui anime ces fonctionnaires assermentés ne peut qu’en imposer aux collègues enquêteurs et, finalement, aux juges. Il convient également de noter la qualité des poussées d’adrénaline lorsque la victime choisie a la peau noire ou basanée. Libération, daté du 25 juillet, nous frelate la sinistre aventure d’un adolescent, lourdement agressé par des policiers zélés, désireux de faire du chiffre.
Ce 27 mai 2013, vers 17 heures 30, un garçon âgé de quinze ans, fume avec ses copains devant la porte du collège Sonia-Delaunay, dans le 19è arrondissement de Paris. Un véhicule sérigraphié « police » stoppe près de cet adolescent, d’origine sénégalaise, et ne s’intéresse qu’à lui. Selon son récit, un policier l’agresse et lui sert le cou si fort que des traces de strangulation seront constatées par un médecin. Deux assistants d’éducation, présents devant l’établissement, témoignent que le garçon a été « littéralement jeté dans le véhicule de police. » Passons sur différents épisodes de brutalité. Dans les locaux de police, un ange-gardien lui fait une clé au bras, pour lui passer les menottes, tandis qu’un autre lui donne des coups de pied. Trois policiers, qui observent la scène, restent passifs, tandis que le garçon peut se rendre aux toilettes pour essuyer le sang sur son visage. Enfin, un officier lui notifie sa garde à vue pour « usage de stupéfiants, outrage et rébellion. » Le lendemain seulement, un médecin annonce son teste d’urine, « positif au cannabis », mais sans relever la fracture de son coude. Lorsque son père vient le chercher au commissariat, il témoigne : « Je le voie, gonflé, avec des bleus, le bras plié, j’ai cru qu’il s’était battu. Mon fils m’a dit non, ça s’est passé ici. » Les policiers, de leur côté, affirment que le garçon avait frappé ses collègues. Vu le gabarit de l’adolescent, le père lance aux policiers : « Vous me prenez pour un imbécile. C’est pas l’agneau qui rentre dans la cage aux loups et va les manger. » Il conduit ensuite son fils chez un médecin, lequel va détecter la fracture causée par la torsion du bras gauche, ainsi qu’un décollement du coude nécessitant quatre jours d’hospitalisation, après une intervention chirurgicale, qui seront suivis par quarante-cinq jours de plâtre. Il fallait voir, à la mi-juillet, un policier du syndicat Alliance, tenter d’expliquer que le garçon s’était blessé quelques jours après « l’incident ». Le collégien devait porter plainte, à la fin du mois de juin pour « coups et blessures volontaires en réunion par personnes dépositaires de l’autorité publique sur personne de quinze ans. » Depuis, le parquet de Paris a con fié une enquête préliminaire à l’IGS. De son côté, l’avocat de la famille dénonçait « ce déferlement de brutalité gratuite » tout comme la « stratégie mécanique des policiers mis en cause dans des violences, qui font une procédure pour rébellion afin de noircir et discréditer la victime des coups. » A suivre attentivement, bien entendu…

Forte parole ministérielle
Dix jours après les « incidents » de Trappes, provoqués d’une certaine façon par les mauvaises manières policières, le ministre de l’Intérieur s’est appliqué à montrer la raideur de sa nuque. Dans un entretien accordé aux journalistes du Parisien, daté du 29 juillet, il proclamait : « …Il faut restaurer pleinement l’autorité…La voix des parents, de l’enseignant, du juge, du policier, de l’élu, est trop souvent contestée ! » Pour compléter cette affirmation, frappée au coin du bon sens, Manuel Valls estimant bon de conclure : « La sécurité n’est ni de droite, ni de gauche, c’est une valeur de la République ! » Oubliant au passage, qu’en d’autres temps, Lionel Jospin avait tenu à souligner que la sécurité était « une valeur de gauche ». Il reste que le 19 juillet 2013, à Trappes, le policier, plein de zèle, n’a pas dû réfléchir trop longtemps aux conséquences de sa volonté d’autorité.

Peut mieux faire…
Le 2 août 2013, Libération publiait l’un des dessins persifleurs dont Willem a le secret. On y voit un athlète en slip, figurant le ministre de l’Intérieur, qui montre ses biceps. Derrière lui, un groupe de badauds attristés, devant lui, d’autres paraissent ravis de son exhibition. Face au matamore, le président de la République qui l’interroge : « Qu’est-ce que tu fabriques, Manuel ? » et Valls de réponde : « J’ai l’air con, mais les gens aiment cela… » Au-delà de cette excellente plaisanterie, il reste la réalité quotidienne : les Roms, constamment expulsés de leurs campements, et leurs pauvres affaires piétinées par les CRS et les gendarmes mobiles, sans négliger les expulsions de sans papiers qui battent tous les records. Cela devant la droite et l’extrême-droite qui se retiennent d’applaudir, estimant que le ministre de l’Intérieur « peut mieux faire… » Dans le même temps, plusieurs syndicats de policiers, qu’il est possible de classer proches de la droite extrême, ne cessent de se lamenter, expliquant à qui veut bien les entendre, que leur zèle au service de la République n’est pas reconnu. Ceux-là attendent avec impatience le retour de Nicolas Sarkozy et de ses sbires, espérant que la sécurité ne reste pas uniquement « une valeur de gauche », comme aiment le proclamer les héraults d’un socialisme autoritaire.

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