quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 15 octobre 2013

Editorial
Alerte au gaz municipal !
Nous y sommes. Jusqu’au 18 septembre 2013, les policiers municipaux n’avaient pas le droit d’utiliser les gaz lacrymogènes. Un décret de Manuel Valls, daté de ce même jour, leur donne désormais l’autorisation d’arroser leurs contemporains de cette substance qui fait larmoyer les récalcitrants à l’ordre public. Tout comme les grands de la police nationale ! Bien souvent, pourtant, nos braves policiers municipaux sont déjà suréquipés, étant dotés fréquemment de pistolets automatiques dernier modèle et même, parfois, de flash-ball. Il leur viendra peut-être, bientôt, l’idée de revendiquer l’usage du Täser, cette arme à impulsion électrique. Normal : on n’arrête pas le progrès répressif ! Que ne ferait-on pour faire respecter l’ordre public républicain ? Enfin, nos policiers municipaux, héritiers des gardes champêtres de jadis, pourront désormais parader avec une bombinette de lacrymo accrochée au ceinturon. Ainsi encombrés, seront-ils plus respectés pour autant ? Il faut en être bien certain : peu à peu les passerelles techniques vont se multiplier entre les « nationaux » et les « municipaux ».
Nicolas Sarkozy en rêvait, Manuel Valls s’y emploie. Les citoyens du pays des droits de l’homme doivent s’habituer à ces corps de police divers censés devenir l’épine dorsale du pays des Droits de l’homme. Bientôt, n’en doutons pas, les sociétés privées de sécurité se verront peut-être confier des missions sécuritaires car le service public manquerait de bras armés. Rien ne pourrait faire plus plaisir à une droite revancharde, comme à une extrême-droite désireuse d’accéder au pouvoir, de mettre un policier devant chaque immeuble. Ceux de la maison Le Pen revendiquent déjà le retour de la peine de mort. Cette évocation est à peine caricaturale, si l’on se reporte à la manifestation des commerçants niçois, hallucinés, le 16 septembre 2013, suite à la mise en examen de ce bijoutier qui avait cru bon, la veille, d’abattre d’une balle dans le dos un petit cambrioleur, arguant de la légitime défense. Sur les réseaux sociaux, plus d’un million de nos compatriotes – comme on dit – approuvaient ce geste meurtrier. Finalement, pourquoi ne pas reconnaître également l’intérêt de ces « voisins vigilants », chers à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant ?

Antifascisme = trouble à l’ordre public ?
Le 19 septembre, suite à l’assassinat d’un rappeur antifasciste grec par des néonazis de l’Aube dorée, à Athènes, une trentaine de militants antifascistes, qui manifestaient à Paris, en réaction à ce crime, étaient interpellés par la police, et placés en garde à vue. Comme quoi, les cibles policières sont, comme par le passé, à sens unique. Question : ces policiers étaient-ils missionnés pour cette opération ou s’agirait-il de l’initiative d’un commissaire, plus soucieux de contrôler des « trublions » que d’assurer un ordre public que nul ne menaçait particulièrement.

Roms, dehors !
A la mi-septembre, la police évacuait sans état d’âme les derniers campements Roms de Lille-Sud, nous informait l’hebdomadaire L’Anticapitaliste. Les parias étaient près de 800, jusqu’à l’été dernier avant que, chaque semaine puis chaque jour, des policiers ne viennent les regrouper dans des espaces de plus en plus réduits, détruisant caravanes et cabanons de fortune. Le journal du NPA nous rappelait, à cette occasion, qu’au cours de la campagne pour les élections présidentielles, le candidat Hollande proclamait : « On ne peut continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution… » Il est vrai que ce que disait le futur président avait dû tomber dans l’oreille d’un sourd nommé Manuel Valls.

Pour la police : le temps long de la Justice
Nous l’avons déjà souligné à maintes reprises : les policiers ne sont pas des justiciables comme les autres. Ainsi, il aura fallu attendre huit ans pour que la cour d’appel de Rennes décide, le 20 septembre 2013, de déférer devant un tribunal correctionnel, les policiers responsables de la mort de deux adolescents qui avaient trouvé la mort, le 27 octobre 2005, dans un transformateur électrique, à Clichy-sous-Bois(93). Allaient suivre plusieurs semaines de révolte (la police parlait d’émeutes), dans les banlieues. Suite à la décision de la cour d’appel de Rennes, les syndicats de policiers en tenue ne tardaient pas à réagir. Aussi bien le syndicat Alliance (carrément de droite) que le SGP-Unité Police (qui se dit de gauche). Pour l’un et l’autre, cette décision ne peut que porter atteinte à l’autorité de la police.
Rappelons les faits, une fois de plus. Libération, daté du 21 septembre s’y était employé. Il y a tout d’abord la preuve accablante de non-assistance à personne en danger. Particulièrement lors de l’appel radio d’un policier de la BAC, qui expliquait tranquillement à la réceptionniste, en parlant des deux adolescents : « Je pense qu’ils sont entrain de s’introduire dans le site EDF… S’ils y entraient, je ne donne pas cher de leur peau ! » La stagiaire réceptionniste (depuis également renvoyée en correctionnelle, tout comme le policier de la BAC) n’alertait ni sa hiérarchie, ni les secours. Vers 18 heures, deux des trois adolescents étaient électrocutés. A près une longue instruction, suite à une plainte des familles, les juges d’instruction renvoyaient deux policiers en correctionnelle, le 21 octobre 2010, mais le 27 avril 2011, il y avait non-lieu. Le 11 octobre 2011, pourtant, la cour de cassation annulait le non-lieu, renvoyant le dossier à Rennes. La date du procès n’est pas encore connue et il n’est pas exclu que les avocats des policiers puissent à nouveau retarder l’échéance, décidant d’aller en cassation à leur tour. Feuilleton à suivre, bien entendu.

Tests ADN
Depuis le long passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, dès le printemps 2002, la loi Guigou de 1999 sur les prélèvements ADN, initialement réservée aux pédophiles et aux criminels sexuels, était devenu un véritable fourre-tout répressif. Ainsi, l’auteur du moindre graffiti peut être contraint de s’y soumettre si la police ou la gendarmerie le décide. Y compris les militants syndicaux interpellés lors des manifestations. LA revue de la Libre Pensée, La Raison, dans son numéro daté de septembre/octobre 2013, nous rappelle que cette mesure répressive est toujours en vigueur, et précise que cinq militants de la CGT sont convoqués, le 5 novembre 2013, devant la Justice pour avoir refusé de se soumettre à cette mesure inique, dont on aurait pu croire qu’elle avait été abrogée par la gauche depuis son retour au pouvoir. Il n’en est rien, et cela ne paraît pas inquiéter le grand républicain qu’est Manuel Valls, et pas davantage les services de Christiane Taubira, ministre de la Justice.

Dehors, les Roms ! (suite)
Le 25 septembre 2013, avec un énergique mouvement du menton, Manuel Valls faisait savoir aux xénophobes et racistes de France que les Foms n’avaient pas vocation à rester dans le pays des Droits de l’homme. Qu’ils n’y étaient pas les bienvenus et qu’il était pratiquement impossible de les intégrer. Sévèrement retoqué, le lendemain, par Cécile Duflot, le ministre de l’Intérieur répliquait immédiatement qu’il « avait en charge les politiques migratoires », ainsi que la « sécurité » de ses compatriotes. Avant d’ajouter : « Gouverner, c’est regarder lucidement la société ». Pour caricaturer, cela pourrait signifier également que si « la société » estimait nécessaire de rétablir la peine de mort, peut-être faudrait-il y réfléchir. Toujours est-il qu’un élu vert expliquait : « On ne peut pas laisser Valls s’installer dans la ligne Buisson-Guéant-Sarkozy ! » Finalement, Manuel Valls serait-il simplement partisan de l’ordre pour l’ordre ? Les grands principes, détournés de leur objet, feraient-ils partie d’une logique incontournable, pour notre ministre de l’Intérieur ?
. Dans la semaine du 27 septembre, un campement de Roms de 250 personnes était évacué par la police, dans la banlieue lyonnaise. Une fois encore : dehors les Roms ! Mais pour aller où ?
. A l’aube de ce même 27 septembre, à Roubaix, un campement de Roms comprenant également 250 personnes était démantelé par les forces de l’ordre. Cette dernière intervention des forces des CRS et des gendarmes mobiles contre des parias auxquels aucune autre solution n’est offert, à terme, que l’expulsion, ne peut que nous remettre en mémoire le discours calamiteux prononcé à Grenoble par Sarkozy le 30 juillet 2010, qui était un modèle de rejet xénophobe. Manuel Valls réalisant la volonté de l’ancien président de la République de faire place nette.

Partagez et diffusez:
  • Envoyer cet article par Email !
  • Facebook
  • Twitter
  • del.icio.us
  • Google Bookmarks
  • Identi.ca
  • Live
  • Netvibes
  • Technorati
  • Viadeo
  • Wikio FR
  • Zataz
  • Digg France

----------

----------

Les commentaires sont fermés.