quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 1er novembre 2013

Editorial
Manuel, versus Nicolas
Un voyageur ayant quitté la France il y a deux ans et qui, de retour, assiste au spectacle donné par les CRS et gendarmes mobiles, à l’œuvre lors de l’évacuation sans tendresse d’un campement de Roms, peut avoir le sentiment que les élections présidentielles n’ont pas eu lieu en mai 2012. Ce grand naïf, qui ne s’intéressait guère à la politique, peut avoir le sentiment que Nicolas Sarkozy est toujours aux manettes, avec son fidèle Claude Guéant à la manœuvre pour les basses œuvres du maintien de l’ordre. Ne noircissons pas trop le tableau mais il faut bien convenir qu’au sein des forces de l’ordre – où les humanistes sont peu nombreux – rien ne paraît avoir changé. Sans état d’âme de leur part, ni la moindre remontrance de leur hiérarchie, les chiens de garde de la République des Droits de l’homme continuent à commettre des actions que la morale démocratique devrait réprouver ; surtout lorsque la gauche est au pouvoir. Le zèle est toujours de rigueur. Les mauvaises manières policières sont toujours les mêmes sous Manuel Valls que sous Nicolas Sarkozy. C’est toujours avec la même brutalité que nos anges-gardiens s’acharnent contre des salariés ayant le malencontreux réflexe de manifester contre le « plan social » qui va les réduire au chômage (voir plus bas). Dans le même temps, benoîtement, les dirigeants des syndicats de policiers en tenue nous expliquent qu’ils ne font que défendre l’ordre républicain. Ce qui ne peut que rassurer les hommes (et les femmes), bien décidés à revenir au pouvoir pour aggraver des lois qui, bien que scélérates, sont jugées insuffisamment répressives.
On nous dit, à propos des serviteurs de l’Etat, champions de la matraque, qu’ils ne sont ni de droite, ni de gauche, que leur unique préoccupation se limite à la protection de l’ordre public. Faut-il en être persuadé pour croire à cette fable ? D’autant plus que, par leurs soins vigilants, le rythme des expulsions de sans-papiers ne ralenti nullement, remettant en cause la réputation de la France, jadis pays du droit d’asile… En espérant ne pas avoir trop outragé notre ministre de l’Intérieur, ancien Catalan, qui n’hésite jamais à pourchasser les Basques.

Convivialité policière
Le 7 octobre, à Rennes, les 300 salariés des abattoirs implantés à Gad, qui manifestaient devant les locaux du Comité central d’entreprise de la société, étaient repoussés avec une grande violence par des CRS déchaînés. Les images vues à la télévision étaient parfaitement édifiantes quant à la brutalité policière et à la disponibilité des hommes d’ordre à balancer des gaz lacrymogènes sur des travailleurs privés de leur emploi, et à qui leurs patrons promettent un plan social immonde (300 euros par année d’ancienneté). Peu importe : nos CRS sont toujours assurés de bénéficier d’une retraite généreuse, tant qu’ils ne se sont pas risqués à franchir la ligne jaune. Une certitude : depuis l’arrivée de Manuel Valls au ministère de l’Intérieur, aucune consigne ne semble avoir été donnée à nos policiers pour calmer leur ardeur !

Rigolo…
Le préfet chargé du traitement des PV des radars automatiques se gardait bien de payer les « prunes » qu’il récoltait. Cet excellent fonctionnaire se contentait de les faire régler par le Trésor public, lorsqu’avec sa voiture de fonction – Peugeot 508 – il commettait des infractions que la loi puni sévèrement. Dans le même temps, cet honnête citoyen échappait au retrait de points sur son permis de conduire. C’est l’agence Médiapart qui nous a informés de cette petite escroquerie (il serait possible de dire crapulerie), les contraventions ayant été réglées par des mandats administratifs, pour la somme de 700 euros. Finalement repéré pour son mauvais comportement, le préfet a préféré démissionné, le 8 octobre 2013, de son poste à l’Agence nationale des traitements automatisés des infractions.

Roms, dehors !
.
A l’aube du 8 octobre, suite à une décision de justice, une centaine de Roms, dont de nombreux enfants, étaient délogés de la maison et des cabanes qu’ils occupaient à Noisy-le-Sec (93). Il ne semble pas qu’une proposition de relogement, même provisoire, leur aurait été faite, comme le prévoit la loi du 12 août 2012.
. Dans la matinée du 9 octobre, quelque 400 Roms étaient évacués par la police du campement où ils vivaient, à Sarcelles (95).

Qu’en est-il en France ?
Libération, daté du 9 octobre 2013, nous apprenait que quatre policiers étaient inculpés pour leurs liens directs avec le mouvement néo-nazi Aube dorée. Question : a-t-on une idée approximative du nombre de policiers français proches de l’extrême-droite ?

Valls prend l’eau ?
Le 10 octobre, le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) portait plainte contre Manuel Valls, devant la Cour de justice de la République. Motif ? Le 24 septembre 2013, sur France-Inter, le ministre de l’Intérieur avait tenu des propos considérés comme provocation à la haine et à la violence raciste. En cette circonstance, le ministre affirmait que les Roms n’étaient pas intégrables sur le territoire français, et avaient surtout pour vocation de retourner en Roumanie. Les mauvais esprits avaient-ils raison de qualifier Manuel Valls de « Sarkozy de gauche » ?

Acrostiche
Notre ministre de l’Intérieur ne pouvait échapper à l’une de ces acrostiches que nous réservions, il y a peu, à Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux ou Claude Guéant :
Maniaque, Ambitieux, Naturellement Ubuesque, Espagnol jadis Lamineur de Roms
Valls Aurait oublié Lolita Libertad et Socialisme

Chasse à l’homme
Dans la soirée du 13 octobre, à Montreuil (93), un jeune voleur de scooter était pris en chasse par des policiers de la BAC. Comme bien trop souvent, le garçon, âgé de 17 ans, heurtait un véhicule, ce qui devait entraîner son décès. Les policiers expliquant qu’ils étaient restés lin du lieu de l’accident. Sauf à être démentis, nous avions cru comprendre que le ministère de l’Intérieur avait interdit ces chasses à l’homme qui finissent trop souvent par une variété d’application de la peine de mort.

Etrangers, à la porte !
Depuis le 12 octobre, une annexe du tribunal de grande instance de Meaux attend les migrants sans papiers au bout des postes de l’aéroport de Roissy, très près du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot. Ce serait pour éviter à la police aux frontières (PAF) d’avoir à transférer les parias, que ce tribunal aurait été délocalisé, avec des audiences pratiquement sans témoins. Comme l’explique la présidente du Syndicat de la magistrature : « C’est une justice d’exception pour ces étrangers que l’on jugera sous les yeux des seuls officiers de police… » La construction de ce tribunal nouveau genre, entouré de barbelés, aurait été décidé sous la droite, mais la gauche s’est bien gardée d’en interrompre les travaux. Par ailleurs, Libération, daté du 14 octobre, rappelait qu’une seconde annexe, dépendant cette fois du tribunal de Bobigny, sera proche de la zone d’attente pour personnes en instance, du même aéroport. En fait, pour ces étrangers qui se voient refuser l’accès au territoire national. Toujours sous la garde vigilante des policiers de la PAF. Ne pas oublier non plus que de telles salles d’audience existent déjà près du centre de rétention de Coquelles, dans le Pas-de-Calais.
Pour la Commission consultative de droits de l’homme, l’ouverture de ces salles d’audience à l’aéroport de Roissy constitue une atteinte aux principes fondamentaux de la Justice. La présidente de cette instance tient à faire remarquer que : « Aux yeux des étrangers, il s’agirait plutôt d’un contrôle de police qui perdure. »

Il ne faudrait pas fâcher les forces de l’ordre…
Pour Manuel Valls, comme pour ses devanciers de l’UMP, les contrôles d’identité à outrance constitueraient un gage de sécurité publique. Une nouvelle fois, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, a décidé d’intervenir pour limiter l’ampleur de cette dérive. C’est ainsi que, le 14 octobre 2013, il décidait de constituer un groupe de travail sur ce sujet sensible. Déjà, en octobre 2012, Dominique Baudis insistait sur cette pratique policière, quasiment encouragée par la hiérarchie, et même le ministre de l’Intérieur, avec ce propos significatif que publiait Libération daté du 15 octobre : « Ces contrôles sont, dans leur réalité quotidienne, mal ressentis par certaines catégories de populations qui s’estiment stigmatisées. » Ce même quotidien rappelait qu’en octobre 2009 les jeunes Noirs ou Maghrébins, risqueraient de se faire contrôler quinze fois plus souvent que le reste de la population. Face à cette situation, le candidat Hollande avait promis, lors de la campagne électorale pour les présidentielles : « Je lutterai contre le délit de faciès dans les contrôles d’identité, pour une procédure respectueuse des citoyens. » Plus de dix-huit mois se sont écoulés depuis cette promesse, mais Manuel Valls s’est empressé d’enterrer le projet de récépissé devant être remis par les policiers à chaque personne ayant dû produire ses papiers d’identité.
C’est pourquoi un groupe d’experts va bientôt entendre des policiers et des gendarmes, des associations, des usagers, des représentants syndicaux, des avocats et des magistrats sur ces pratiques qui perdurent. Plus particulièrement sur un cadre légal, et l’article 78 du Code de procédure pénale, qui autorise un contrôle policier de « toute personne, quel que soit son comportement, pour prévenir une atteinte à l’ordre public. » Ce qui permet de contrôler « toute personne susceptible de fournir des renseignements utiles. » Dans ce match qui s’engage, qui va l’emporter ? Manuel Valls ou Dominique Baudis ? Lequel des deux se verra conforté dans sa démarche par le président de la République ou le Premier ministre ? Notons, malgré tout, que le ministre de l’Intérieur a tenté de s’attirer la sympathie des policiers et des gendarmes, en affirmant que supprimer ces contrôles scélérats, ne serait qu’une « mesure de défiance vis-à-vis des forces de l’ordre, et elle présenterait plus d’inconvénients que d’avantages. » Sans commentaire !
Dégrisement fatal
Le 12 octobre, dans un commissariat de police de Bordeaux, un homme ramassé en état d’ivresse dans la rue, était placé en cellule de dégrisement. Le lendemain, il ne s’est pas réveillé, suite au traitement qui lui avait peut-être été infligé…

Sans abri, à la niche !
Des familles de sans abri, en compagnie de militants du DAL (Droit au logement) s’étaient installés, une fois de plus, sur la place de la République, à Paris, dans l’après-midi du 14 octobre. Tous en seront chassés violemment par les forces de l’ordre, le 15 octobre, en fin d’après-midi. Une dizaine de personnes étaient alors interpellées, tandis qu’un père de famille était sérieusement blessé à la tête. Jusque tard dans la soirée, de nombreux cars de CRS stationnaient encore sur la place, encerclant quelque soixante-dix mal logés et militants du DAL qui s’étaient de nouveau rassemblés, nous informait le quotidien gratuit 20 Minutes, daté du 16 octobre.

La voix de la France (sic)
Curieusement, ce 17 octobre 2013, la chaîne de télévision France 2, tout comme la chaîne de radio France-Inter, n’ont pas trouvé le moindre mot pour évoquer la tuerie, avec des Algériens pour victimes, du 17 octobre 1961. Peut-être ne faut-il pas fâcher les forces de l’ordre avec ce rappel indispensable à l’Histoire. N’oublions pas qu’en 1974, le président Georges Pompidou nous expliquait que les TV et radios nationales représentaient « La voix de la France ».

Le silence du fleuve
Le 17 octobre 2013, sur le pont Saint-Michel, la mairie de Paris organisait une commémoration officielle de la tuerie des Algériens – noyés par balles – par des policiers haineux, le 17 octobre 1961. Le passage du pont était interdit (côté préfecture de police), pour des raisons mystérieuses. Entre les chevaux de frise, barrant la route aux piétons, des policiers amés jusqu’aux dents, harnachés de gilets pare-balles, patrouillaient comme si la République était en danger. Au pied du pont (côté Palais de justice), stationnait une vedette de la police fluviale – au cas où. Toute cette mise en scène pour intimider la centaine de personnalités invitées.

Violences policières « présumées ».
Des juges d’instruction vont enquêter sur des faits de violences qui « auraient été commis » par les forces de l’ordre, lors de leurs interventions, à Troyes, en juillet 2013. Deux informations judiciaires contre des fonctionnaires de police ont été ouvertes, pour « violences par agents dépositaires de l’autorité publique », suite aux plaintes de deux victimes : un homme âgé de 20 ans, tabassé au point de s’être vu prescrire 45 jours d’ITT (Interruption temporaire de travail), pour un traumatisme crânien et une fracture de la cheville, le 18 juillet. Ce jeune homme étant, par ailleurs, poursuivi pour « rébellion sur policiers ». La seconde enquête concerne un adolescent de 14 ans, lequel a perdu définitivement un œil, suite à tir «présumé » de flash-ball, nous apprenait le quotidien 20 Minutes. Il convient de remarquer la propension des policiers, équipés de cette arme dite « non-létale », de viser la tête de leurs victimes.

Dura lex, sed lex
Le 17 octobre, le quotidien Libération avait pour gros titre, en première page : « Un cas d’école ». Il s’agissait du véritable rapt par la police d’une jeune collégienne de 15 ans, coupable d’être Kossovar et Rom, qui le 9 octobre, avait été expulsée avec sa famille vers « son pays d’origine ». Tous étaient réfugiés en France, à Pontarlier, depuis 2009, la jeune fille étant scolarisée et parfaitement intégrée. Pour le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, il y a simplement « respect de la loi et de la procédure ». Là où le bas blesse, c’est que, depuis la gauche est arrivée au pouvoir, en mai 2012, la loi et la procédure sarkozienne n’ont pas encore été modifiées.

Câlineries policières
Le 17 octobre, à Paris, des milliers de lycéens manifestaient contre l’expulsion de Leonarda, cette collégienne de Pontarlier dont la présence en France chagrinait tant notre ministre de l’Intérieur. S’exprimait une autre revendication : le retour de la jeune fille dans le pays qui était devenu le sien. Toujours amicaux, les CRS n’ont pas hésité à arroser les lycéens de force jets de gaz lacrymogènes, comme il a été possible de le constater aux informations télévisées.

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