quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 15 novembre 2013

Editorial : Le pouvoir politique se débat dans imbroglio politico-policier

Le 18 octobre 2013, à Paris, au cours d’une manifestation lycéenne, en protestation contre l’expulsion de la collégienne Léonarda et du lycéen Khatchik, il était possible de lire, sur une pancarte, cette triste plaisanterie, très significative pourtant : « La Valls des expulsions ». Le 19 octobre, Libération rappelait que, si Claude Guéant avait fait expulser deux lycéens en 2011 et aucun en 2012, Manuel Valls en était déjà au cinquième des ces forfaits, à la mi-octobre 2013. Ce 19 octobre, sortant d’un étonnant silence, François Hollande rappelait que si la loi (celle de Sarkozy) avait été respectée, il n’en souhaitait pas moins le retour en France de Léonarda, mais sans sa famille. Il fallait bien contenter les lycéens en colère, tout en prenant garde de ne pas trop mécontenter le ministre de l’Intérieur, les préfets qui mettent en œuvre une loi scélérate, tout comme les syndicats de policiers en tenue, particulièrement Alliance dont un porte-parole fanfaronnait à la télévision, en expliquant que la loi était ce qu’elle était et qu’il n’avait tenu qu’au gouvernement de gauche de la faire abroger, ou tout au moins la modifier.
Le feuilleton Léonarda est loin d’être terminé et ses effets ne cessent de se faire ressentir. C’est ainsi que, le 22 octobre, Jean-François Coppé remettait en cause le droit du sol pour les enfants d’étrangers en situation irrégulière. Avant, bientôt, de nous expliquer que les rejetons d’étrangers ne seraient pas nécessairement qualifiés pour devenir citoyens du pays des Droits de l’homme. Au Front national, on n’a pas tardé à hurler à la contrefaçon. Le 23 octobre, pour ne pas être en reste, à l’issue du Conseil des ministres, Manuel Valls, désireux de ne pas se faire doubler par des nationalistes « jusqu’auboutistes », annonçait qu’il préparait une réforme du droit d’asile, au prétexte de réduire la durée de la procédure ? Notre ministre de l’Intérieur oubliait certainement que le petit Manuel, avec ses parents, avait cherché un refuge économique au pays de la liberté. Soyons certains que Manuel Valls n’en restera pas là dans sa volonté de rejet. D’autant plus que, selon son jargon, lorsqu’il était député-maire d’Evry, il ne s’en prenait pas directement aux « white » ni aux « Blancos » mais à ces populations plus ou moins colorées qui font tache dans le paysage…

Gentils gardiens de l’ordre public
En juillet 2013, des policiers avaient été à l’origine d’un trouble à l’ordre public, lors du contrôle d’une jeune femme portant le niqab, à Trappes (91). Selon une dépêche de l’AFP, datée du 20 octobre 2013, l’un des policiers mis en cause ayant participé à ce contrôle qui avait dérapé, était placé en garde à vue par l’IGHPN. Cela dans le cadre d’une enquête sur des faits « d’injures et incitation à la haine en raison de la religion. » Il convient de rappeler qu’au cours des affrontements qui avait suivi ce contrôle, plus violent que sympathique, un garçon de 14 ans avait perdu un œil, suite à un tir de flash-ball. Au lendemain de cette véritable agression, sur un site Facebook de policiers, l’un d’eux s’était laissé aller à proférer ce commentaire de voyou : « Oh, merde, il lui reste un œil pour pleurer ! » Dans le même temps, sur son compte personnel Facebook, l’un des policiers qui avaient participé à ce contrôle haineux, partageait une photo de femme en burqa, intitulée : « Les femmes blanches sont les plus belles ! » Le parquet de Versailles devrait décider d’éventuelles poursuites contre ces policiers. A suivre, bien entendu.

Les brutes policières : toujours dans le social !
Le lundi 14 octobre 2013, des militants du DAL (Droit au logement) avaient installé un campement sur la place de la République, à Paris. Ils avaient décidé d’y passer la nuit, en compagnie de familles de mal-logés. C’était la quatrième fois, en quelques semaines, qu’une telle manifestation, statique, était organisée sans que cela pose problème. En cette occasion, il devait en aller différemment. La relation des brutalités policières par le responsable du DAL, Jean-Baptiste Ayraud, est rien moins qu’édifiante, dans une interview donnée à l’hebdomadaire L’Anticapitaliste, daté du 31 octobre 2013 :
« …Le lendemain, vers midi, les CRS ont débarqué. Ils restent alors sur le campement… Sans sommation, ils coupent les bâches qui tombent sur la tête des mal-logés et militants assis par terre, qui se tiennent par les coude, et embarquent ceux-ci sans ménagement. Un CRS déchire l’oreille d’un père de famille, qui sortira de l’hôpital avec douze points de suture. Le soir même, et le lendemain soir…les policiers nous encerclent pour nous empêcher de manifester, et on entend des CRS se dire : on va se les faire ! »
« Le samedi 19 octobre (journée européenne pour le droit au logement), les policiers sont présents. Nous décidons de partir et commençons à descendre dans le métro. Surprise : la police nous bouscule. Nous nous asseyons par terre et là, les CRS nous frappent. Comme les autres personnes, je reçois des coups. Un CRS me tire par les cheveux et me met des coups de rangers dans les côtes. Ils m’enlèvent aussi mes chaussures. Ils tordent les membres de mères de famille…Il y a pas mal de blessés. En fait, ils veulent nous faire mal pour nous obliger à nous lever. Habituellement, ,ils se mettent à trois ou quatre, en douceur ; (là) c’est un choix de la hiérarchie, des ordres ont été donnés : faire mal et peur. Puis ils nous traînent par terre et nous emmènent dans la cage humaine qu’ils ont constitué, nous séquestrent pendant quatre heures dans des conditions dégradantes puisqu’il nous faut uriner sous les yeux des policiers. Le commissaire refuse qu’un médecin fasse des soins. »
Ce même 19 octobre, le DAL portait plainte, auprès de l’IGPN, pour « violences policières » et « séquestration », en déposant des photos montrant les brutalités des forces de l’ordre. Conclusion provisoire de J.B. Ayraud : « A une autre époque, dans les années 90, une affaire comme celle-là aurait fini en correctionnelle. On verra quelles suites seront données par l’IGPN. »
Question posée à Manuel Valls : la hiérarchie et la base policière n’ont-elles pas encore été informées que les mœurs policières datant de l’époque de Claude Guéant ne sont plus de saison ? A moins que ces pratiques brutales ne troublent pas le sommeil de notre ministre de l’Intérieur. Lequel n’a sans doute pas été indigné en apprenant que J.B. Ayraud avait eu deux côtes fracturées, lors de cette intervention policière effectuée avec la douceur bien connu des CRS.

Quand des salariés assurent l’ordre public…
C’est l’abominable histoire d’une entreprise bretonne qui licencie les salariés de l’un de ses abattoirs, tandis que ceux d’un autre site conservent leur travail – pour combien de temps encore ? Lorsque les futurs chômeurs viennent assiéger le site encore en activité pour empêcher son approvisionnement en porcs, non seulement les CRS viennent protéger la « liberté du travail », mais le patron réussit à convaincre les salariés de s’opposer aux malotrus qui voudraient les empêcher de travailler. Résultat des courses : des salariés lancés les uns contre les autres, et il était possible de es voir s’affronter violemment, le 23 octobre ; comme s’ils étaient e guerre ; CRS et gendarmes mobiles jouant les arbitres (avec une photo significative parue dans Le Monde daté du 25 octobre). Jadis, les travailleurs s’affrontaient aux « jaunes ». On n’arrête pas le progrès répressif, et l’on aura assisté à un tel spectacle sous un gouvernement socialiste.

Suicide
Le 23 octobre, un fonctionnaire de la police aux frontières (PAF), en poste à l’aéroport de Roissy, mettait fin à ses jours, à son domicile, avec son arme de service. L’épouse de ce policier, interviewée sur Canal +, le 25 octobre, évoquait « les pressions exercées par la hiérarchie sur son mari, pour faire du chiffre. » Il paraît que, dès son arrivée place Beauvau, en mai 2012, Manuel Vals assurait que c’en était terminé de la politique du chiffre…

Police auxiliaire
Au-delà des indices habituels, la police a toujours pu bénéficier de « bénévoles », ces bons citoyens toujours disponibles pour assurer l’ordre public. Ainsi, la maire de Calais qui, le 22 octobre 2013, invitait ses administrés à intervenir sur les réseaux sociaux pour permettre à la police de mieux traquer dans leurs squats les candidats à l’immigration qui cherchent désespérément à gagner l’Angleterre. C’est ce que nous apprenait le quotidien gratuit Métro, le 26 octobre. Pour la maire de Calais, alerter les forces de l’ordre, en la circonstance, n’était rien d’autre que de la « prévention » et, surtout, pour « éviter que des squats s’installent (pour) éviter de futurs incidents qui pourraient être graves… » Cette belle âme, élue de l’UMP se comportait en auxiliaire de la police pour lui permettre d’intervenir « en utilisant la procédure spécifique, uniquement valable durant 48 heures. » Un Calaisien indigné réagissait comme il le fallait, en évoquant cette « haine nauséabonde qui rappelle la délation d’antan ! A gerber ! On leur met une étoile aussi ? »

Dehors les Roms !
Dans la matinée du 28 octobre, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), un campement d’environ 45 Roms était évacué par les forces de l’ordre. Comme bien souvent, les enfants étaient scolarisés et peu importait aux policiers que la loi rende cela obligatoire.

De François II à Manuel 1er ?
Au travers de l’un de ces sondages dont les politologues et les médias raffolent, nous avons pu apprendre, récemment, que Manuel Vals recueillerait pus de 70% d’opinions favorables à l’indice de popularité. Ce qui tendrait à démontrer que la population de ce pays opterait pour une politique de fermeté envers les minorités que les forces de l’ordre ne cessent de pourchasser. Particulièrement les Roms, dont les campements sont systématiquement démantelés avec la délicatesse qu’il est possible d’attendre de nos CRS et gendarmes mobiles. Il en va de même pour les jeunes de banlieues, dites « sensibles », constamment provoqués par des policiers toujours attachés à cette politique du chiffre pourtant réfutée en haut lieu avec , en corollaire, des contrôles d’identité au faciès, dont on nous assure, au ministère de l’Intérieur, qu’ils ne sont plus pratiqués. Cause toujours…
Plébiscité par les Français dans cette traque, dont la destination n’est rien d’autre que xénophobe, avec des relents de racisme chez les exécutants, Manuel Vals doit se persuader qu’il est sur la bonne voie dans la perspective des élections présidentielles de 2017. Le précédent de l’ascension de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, en passant par la place Beauvau, ne peut que le conforter dans ses certitudes.

Comportement policier
Une fois de plus, faisons appel au magistrat Casamayor pour comprendre les mécanismes du comportement policier :
« …La malédiction de la brutalité, comme la malédiction de la dissimulation pèse sur la police. On épargne le brutal et le traître, mais on laisse planer, on entretient, on épaissit le nuage d’opprobre qui domine l’action policière…Le conflit de la police et du peuple, épris d’honorabilité, est évident. Pour être édifié, il suffit de poser la question classique : à qui ce conflit profite-t-il ? Au pouvoir, bien sûr ! Le policier honteux ou arrogant – la honte et l’arrogance sont les deux faces d’une même monnaie, celle de l’orgueil qui paie son complexe d’infériorité – le policier mal aimé et incompris n’en est pas moins homme comme vous et moi… » (in, La police, de Casamayor, Gallimard, 1973, pages 152 et 153)

Aux armes, citoyens policiers !
Dans la matinée du 3 novembre, une manifestation organisée par les lycéens de la FIDL, se déroulait sur la place de la République, à Paris, pour demander le retour en France de la collégienne kosovare Léonarda et du lycéen arménien Khatchik. La mobilisation était faible mais les lycéens ont eu la surprise de voir qu’il en était différemment des forces de l’ordre. En effet, une trentaine de cars de gendarmerie avaient investi le quartier en compagnie d’une centaine de CRS – pour moins de 200 lycéens. Il faut bien que l’ordre règne ! Faut-il conclure de cette mobilisation policière que le matador qui règne pace Beauvau n’hésite jamais à envoyer ses archers en campagne dès qu’une apparence de contradiction se profile à l’horizon ?

Täser : un mort !
Le 3 novembre, à la Ferté-Saint-Aubin (Loiret) un homme âgé de 21 ans succombait après avoir reçu une décharge de Täser. C’est un gendarmes qui au cours d’une bagarre de rue, a tiré une balle de ce pistolet à impulsion électrique sur le jeune homme. Le pandore explique qu’il avait agit ainsi par ce qu’il n’avait pas réussi à maîtriser « l’individu », nous apprenait le quotidien gratuit Métro, daté du 5 novembre. Suite à ce décès, deux questions ne peuvent que se poser. Tout d’abord, on nous a toujours affirmé que le Täser était une arme « non-létale ». Ensuite, il semble bien que le coup a été tiré de très près, lors d’un corps à corps, semble-t-il, puisque cet excellent gendarme cherchait à maîtriser sa future victime. Le parquer d’Orléans a immédiatement lancé une enquête pour rechercher la cause de ce décès. Sur un tel sujet, on aimerait entendre le ministre de l’Intérieur prendre position, car une bagarre ne mérite pas la peine de mort.

Le Täser de la Ferté-Saint-Aubin (suite)
Comme il est difficile d’accuser un gendarme d’avoir dépassé les limites de la force nécessaire pour maîtriser un dangereux quidam, le procureur du Loiret apportait rapidement les précisions indispensables, le 5 novembre, nous apprenait Libération daté du 6 novembre. Comme un soldat (les gendarmes sont des militaires) du maintien de l’ordre ne peut pas être tout à fait coupable, il bénéficie d’un certain nombre de circonstances atténuantes. Ainsi, le jeune homme serait « décédé d’un étouffement ». Et puis, l’autopsie aurait décelé des « régurgitations d’aliments dans sa trachée et ses poumons », tout en révélant un « phénomène d’alcoolisation massive », ainsi que la présence de cannabis dans le corps de la victime. D’où cette conclusion du procureur : « Le décès, médicalement, ne paraît pas établir un lien direct avec l’arme. » Dernière précision : « Selon un certain nombre de témoignages, il semblerait que la victime ne se soit pas effondrée immédiatement puisqu’il a fallu encore l’intervention de trois gendarmes pour essayer de le maîtriser. » Et pourquoi pas un escadron de gendarmerie ? Pour cette fois on ne nous a pas dit que « l’individu » était bien connu des services de police…

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