quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 15 décembre 2013

Editorial Roms … Unique objet de mon ressentiment !
C’est devenu, hélas !, une sinistre habitude. La tentation d’exclusion des minorités visibles est restée la règle incontournable dans notre cinquième République. Ce qui s’exprime, de nos jours, par l’ignoble chasse aux Roms. Cette pratique initiée sous le régime de Nicolas Sarkozy, n’a guère varié depuis l’arrivée d’une certaine gauche au pouvoir. Risquons une triste plaisanterie empruntée à Victor Hugo : « Déjà Manuel perçait sous Nicolas… » Certes, on se contente d’expulser et, comme l’exprimait cyniquement Brice Hortefeux : « Ce n’est pas Auschwitz, quand même ! »
Depuis le discours haineux du 30 juillet 2010, à Grenoble, au cours duquel Nicolas Sarkozy sonnait la charge, appelant au démantèlement de centaines de campements de Roms venus de Roumanie ou de Bulgarie, voire du Kosovo, dans l’espoir de trouver un havre d’accueil au pays de la liberté, les Droits de ‘homme ont été sévèrement bousculés. Il se trouve pourtant, circonstance aggravante, que sous la houlette de du ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, propulsé à ce poste par François Hollande, la traque de ces nouveaux parias n’a jamais été aussi efficace. Peu importe que l’on saccage des vies, l’ordre républicain, assuré par des socialistes purs et durs, doit être assuré.
Ce qui s’est passé dans la matinée du 27 novembre 2013 constitue un nouvel exploit à inscrire au livre des records xénophobes. Ce jour-là, ce sont quelque 800 personnes, dont un tiers d’enfants, qui ont été expulsés par les forces de l’ordre, d’un immense campement où tous avaient cru trouver un pauvre refuge. Comment ne pas noter que cette opération avait été réalisée à la demande de la maire communiste de Saint-Ouen. Raison principale évoquée : l’insalubrité des lieux, et peut-être quelques préoccupations électoralistes, en vue des élections municipales du mois de mars 2014.
Il convient également de se souvenir du comportement du commissaire de police dirigeant l’opération, qui se préoccupait surtout de faire chasser les témoins, tout comme les cameramen de télévision. Lesquels n’avaient pas à faire con naître, par images, ce qui se déroulait ce matin-là dans un pays jadis réputé pour son droit d’asile. Cela en une période de l’année où les expulsions sont interdites par la loi – sauf pour les parias. Il est vrai, sans doute, que les forces de l’ordre se comportaient en cette occasion, avec la délicatesse qui fait leur charme. Les informations provenant de divers organes de presse, ne nous informant nullement sur la destination des personnes expulsées et, parmi elles, le sort des nombreux enfants jusqu’alors scolarisés, ainsi que le prévoit la loi républicaine.
Question : pourquoi cette présence de 800 Roms dans ce campement installé à Saint-Ouen ? Réponse : ce camp était apparu, puis s’était développé, suite à une série de démantèlements de campements de Roms, en Seine-Saint-Denis et dans le Val d’Oise, au début de l’été 2013. Ce même 27 novembre, un campement de 70 Roms, installé dans la banlieue de Nice, sur une berge du Var, dans des habitations de fortune, était évacué sans violence…comme savent le faire nos CRS et gendarmes mobiles. Dans les cas cités ici, il n’a pas été précisé si des propositions d’hébergement sérieuses ont été faites à ces familles que la police de Manuel Valls jetait dans la rue sans le moindre état d’âme. Comme il est noté à l‘ouverture de cette chronique : « Quand la police entre en socialisme, il n’y a rien de changé sous le soleil noir de l’idéologie sécuritaire. »

Petite actualité de Manuel Valls
Dans son numéro daté du 2 décembre 2013, Le Monde évoquait la tentation de notre ministre de l’Intérieur d’accéder au poste encore plus prestigieux de premier ministre. Auréolé de sa grande popularité – celle des matadors au sommet de leur gloire – l’hôte de la place Beauvau aimerait faire aussi bien que son modèle, tellement vanté, Georges Clémenceau. A propos de cette admiration sans borne, il convient de rappeler que cet ancien avocat, proche des Communards, s’était ensuite illustré en publiant dans son journal, L’Aurore, le célèbre article d’Emile Zola, « J’accuse ! », le 13 janvier 1898, qui allait permettre la révision du procès Dreyfus. Hélas ! Le grand homme, entré en politique, s’inquiéterait surtout des problèmes liés au maintien de l’ordre public. Particulièrement au cours des années 1906 à 1908, lorsque, ministre de l’Intérieur, puis, dans le même temps, président du Conseil, son talent s’exercera avec sa propension à envoyer la troupe ou les gendarmes pour briser les grèves. De même qu’un véritable état de siège régnait sur Paris, à chaque 1er Mai, les policiers à cheval quadrillant la place de la République et chargeant les manifestants, les menaçant du plat de leur sabre. En ce temps-là, les luttes sociales connaissaient de nombreux morts.
Cet homme d’ordre ne pouvait que susciter l’admiration de Manuel Valls, qui ne cesse de rappeler le rôle éminent joué par son illustre prédécesseur, connu au début du XXè siècle sous le glorieux sobriquet du « Tigre ». Il faut pourtant porter au crédit de Georges Clémenceau qu’il ne pourchassait pas les étrangers, sauf les anarchistes, comme l’italien Malatesta. Notre actuel ministre de l’Intérieur, qui a pour ambition non déguisée d’accéder un jour à l’Elysée – ce que Clémenceau n’a jamais réussi – met les bouchées doubles à cette fin, avec cette difficulté à réfréner sa volonté d’expulser toujours plus de sans papiers, tout comme le faisait Nicolas Sarkozy. Dans le même temps, pourtant notre Catalan se vante de plusieurs milliers de régularisations de plus que celles accordées par ses prédécesseurs. Il n’en reste pas moins que, selon l’auteur de l’enquête du Monde, Manuel Valls « se voit de plus en plus affublé d’un plus large costume » que celui de ministre de l’Intérieur. Cette fin, non avouée officiellement, Manuel Vals ne manque jamais de célébrer son grand homme. Ainsi, le 24 novembre 2013, lorsqu’il effectuait un pèlerinage en Vendée, sur les terres de Georges Clémenceau. Libération, daté du 29 novembre, cite un extrait de la déclaration du ministre de l’Intérieur qui, sur la tombe du « Tigre » parlait également un peu de lui : « Je retiens, avant tout, l’attachement viscéral à la République, à la fois expression de la souveraineté de la Nation et de la souveraineté de l’individu. Car la République, c’est l’ordre (…) ordre sans lequel aucun projet social n’est viable… »
Pour leur édification nous ne saurions trop recommander à ceux qui s’aventurent à lire cette chronique, de se procurer l’ouvrage de Jacques Julliard Clémenceau briseur de grèves (Gallimard, 1965) qui relate particulièrement, la répression policière des grèves à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, en 1908, avec, à la clef, plusieurs morts. Nous n’en sommes, heureusement, plus là, mais la religion de l’ordre a des ressorts pouvant conduire à des drames dont le ministre en charge de la police peut toujours expliquer qu’il n’a pas voulu cela.

« Clémenceau le tueur ! »
Dans l’ouvrage cité plus haut, Jacques Julliard rappelait que, dans la nuit du 2 au 3 juin 1908, le Comité confédéral de la CGT avait fait placrader sur les murs de Paris une affiche au titre évocateur : « Gouvernement d’assassins ». Certes, il s’agit là d’une période révolue, mais il est toujours bon se souvenir où peuvent conduire les dérives d’un pouvoir se voulant républicain mais qui n’hésitait jamais à faire ouvrir le feu sur des ouvriers, en grève pour leur survie.
« Après les massacres de Narbonne, après la tuerie de Raon-L’Etape, voici que le gouvernement assassine à Vigneux. Depuis un mois, les ouvriers de Seine-et-Oise sont en grève. Au cours de ce conflit, les autorités ont eu une attitude provocatrice, conséquence des excitations ministérielles. On ne saurait trop rappeler, en effet, que ces dernières années, chaque fois que les agents du Pouvoir ont commis un crime contre la Classe Ouvrière, ils ont recueilli faveurs, décorations et avancement. Aussi, est-il compréhensible qu’au moindre conflit, les autorités redoublent de zèle provocateur. Pour suivre l’exemple donné – et mériter à leur tour les faveurs de Clémenceau – sous-préfet et gendarmes de Corbeil ont cherché Une Journée.
« Cette journée, ils l’ont eue mardi ! Vers les trois heures de l’après-midi, une quinzaine de gendarmes, après avoir eu soin, à une distance que les témoins évaluent à 200 mètres, de charger leurs revolvers et carabines, se présentèrent devant l’établissement où siège le Comite de grève. Sous le prétexte d’arrêter, sans mandat, un gréviste qu’ils supposaient réfugié dans une salle de réunion, ils tentèrent de pénétrer de force. Cependant, les pandores rendus fous de rage par l’attitude défensive des grévistes – obéissant sans doute à un mot d’ordre – se divisèrent en deux groupes. L’un qui resta posté face à la porte d’entrée ; l’autre qui alla se mettre devant les croisées de la salle de réunion. Et la fusillade commença ! Tandis que la première bande fusillait les grévistes par la porte, la deuxième bande les mitraillait à l’intérieur, au travers des fenêtres. Les assassins tirèrent jusqu’à épuisement de leurs munitions…
« A qui incombe la responsabilité de ce nouveau crime ? Nous l’avons dit : au gouvernement, au trio Clémenceau-Briand-Viviani. Clémenceau le tueur osera prétendre que les ouvriers ont provoqué. Il suffit de voir où sont les victimes pour constater que ce criminel joint à la scélératesse l’impudence du mensonge… »
Le lendemain, 4 juin 1908, à propos du même événement, la Commission administrative de la Bourse du Travail de Paris, publiait un communiqué de même tonalité : « Une fois de plus, Clémenceau vient de s’affirmer le maître de la France. Les lois n’existent plus pour cet être sanguinaire. Le domicile particulier, jusqu’à ce jour inviolable, ne l’est plus pour lui qui, cependant, a la tâche de faire respecter les lois. Le naturel de cette brute se fait jour chaque fois que les travailleurs sont en lutte contre leurs exploiteurs.
« Après Raon-L’Etape, Béziers, Narbonne, Limoges, Nantes, etc, on peut y ajouter aujourd’hui les tueries de Vigneux. La Commission administrative de la Bourse du Travail se fiat un devoir de protester avec indignation contre ces tueries d’un gouvernement protégeant l’assassinat et donnant l’ordre d’enlever, à la Bourse du Travail, le drapeau rouge apposé en signe de protestation… »
Comment ne pas s’étonner de l’admiration que notre ministre de l’Intérieur peut porter à Georges Clémenceau. Peut-être s’est-il insuffisamment imprégné d’une certaine histoire de France : celle qui ne figure pas dans les manuels…

Fash-ball : encore un jugement de relaxe !
L’Envolée, revue de défense des emprisonnés, datée de novembre 2013, revient sur une bavure ancienne, qui avait vu un policier nantais, auteur d’un tir de flash-ball calamiteux, relaxé en appel, suite à la perte d’un œil d’un lycéen âgé de 18 ans, le 27 novembre 2007. Il aura donc fallu plus de cinq ans de procédure, et deux procès, pour que ce policier, dont il a été démontré qu’il était récidiviste en la matière, car i avait déjà expérimenté son arme, dit LB 40 (flash-ball de dernière génération, particulièrement efficace) sur un fêtard, à Nantes également. Au cours du second procès en appel le lycéen, qui avait tenu à présenter lui-même sa défense, insistait sur le fait qu’il n’y avait pas eu de réflexe de légitime défense de la part du policier, les lycéens en manifestation s’étant repliés dès l’arrivée des forces de l’ordre. A cette occasion le jeune homme devait rappeler les bavures provoquant de graves blessures, suite à des tirs de flash-bal, pour le moins « inappropriés », à Montreuil, Toulouse, ViIliers-le-Bel, Bondy ou Notre-Dames-des-Landes. Manuel Valls va-t-il se décider à interdire l’usage de cette arme de première catégorie, dite « non-létale », qui ne cesse d’être utilisée par les policiers et gendarmes ; lesquels n’hésitent jamais à tirer dans la tête ?

Dehors les Roms !
Dans la matinée du 2 décembre, les forces de l’ordre procédaient à l’évacuation d’un campement d’une cinquantaine de Roms, dans la banlieue lyonnaise. Au cours de cette opération, les policiers devaient faire un usage immodéré de gaz lacrymogènes, après un matraquage en règle des parias récalcitrants, rappelait France-Inter, ce même jour.

La police avec nous
Dans les premiers jours de décembre 2013, l’annonce avait été faite de l’arrivée de plus de 3.00 policiers, à Paris. Comme si la capitale du pays de liberté avait le plus grand besoin de renforts. Ce qui n’a pas manqué de déclencher une revendication du président du Conseil général de Seine-Saint-Denis (PS), lequel expliquait la nécessité d’une police proximité, vu les « besoins spécifiques » de ce département, nous informait le quotidien gratuit Métro, daté du 5 décembre. Cet élu tenait à nous rappeler qu’il y a un policier pour 200 Parisiens, contre un pour 450 en Seine-Saint-Denis, tout en risquant ce commentaire évocateur : « Quand je passe le périphérique, je vois plus de bleu d’un côté que de l’autre. La présence policière dissuade et rassure… » Ce brave homme de devrait de tenir un tel discours aux jeunes des cités « sensibles » de son département, qui sont l’objet constant de la lourde attention de la police républicaine à leur égard.

Fichez-nous la paix !
Un décret est en cours de préparation pour réformer les deux principaux fichiers policiers d’empreinte génétique, annonçait récemment le ministère de la Justice. Il ne serait que temps car, à plusieurs reprises, la Cour européenne des Droits de l’Homme avait condamné la France, comme en avril 2013, pour avoir refusé d’effacer les empreintes d’un homme accusé de vol, avant d’être mis hors de cause. Les fichiers ont, en effet, cette triste vertu que s’i il est facile d’y être introduit, il est toujours difficile d’en sortir. Que ce soit sous Pasqua, Sarkozy, Hortefeux, Guéant ou Valls, les gestionnaires des fichiers font toujours la sourde oreille lorsqu’il s’agit de « nettoyer » ces précieuses archives qui ne cessent de proliférer pour le plus grand bien, sans doute, des citoyens de ce pays.

Le grand jeu
Les journaux gratuits ont au moins cette qualité qu’ils nous fournissent des informations que les grands quotidiens nationaux, comme Le Monde, ou Libération, délaissent. Ainsi, Métro, daté du 6 décembre 2013, nous faisait savoir qu’un commissaire divisionnaire, patron du très sensible Service central des courses et des jeux (SCCJ) a été démis de ses fonctions, le 5 décembre, par Manuel Valls. Cet excellent serviteur de l’Etat serait au cœur de plusieurs enquêtes diligentées par l’IGN. Certaines d’entre elles consécutives à « des procédures judiciaires », selon des sources proches du dossier.

Un « grand flic », fidèle en amitié…
Il semble bien que Manuel Valls n’a pas fait suffisamment le ménage dans son administration, épargnant l’essentiel de l’encadrement, après avoir coupé quelques têtes, lors de son arrivée place Beauvau. Dernier couac en date : le grand chef de la police judiciaire parisienne a, semble-t-il, commis ce qui est bien plus qu’une simple boulette. En effet, cet éminent policier qui, en principe, devait bénéficier de la confiance de son ministre de tutelle, s’est permis, récemment de prévenir Brice Hortefeux qu’il allait être convoqué par la Justice pour le financement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, en 2012, nous informait Le Monde, daté du 10 décembre 2013.
Cette affaire paraît gravissime car une enquête, instruite par le parquet de Paris, porterait bien sur le financement de cette campagne par le régime de l’ancien dictateur lybien Mouammar Khadafi. Etant placé sur écoute, l’ancien ministre de l’Intérieur de Nicolas Sarkozy (connu sous le sobriquet de « Hortefeux à volonté »), avait eu à trois reprises des conversations enregistrées avec le patron de la PJ parisienne, démontrant la proximité de cet excellent serviteur de ‘Etat (également apprécié sous cet autre sobriquet de « Hortefeux de Pellepoix », vu sa suractivité dans l‘expulsion des sans papiers) avec son précieux interlocuteur. L’aspect comique de cette affaire c’est que, non seulement ce grand cadre de la police, nommé à son poste par Nicolas Sarkozy, avait été maintenu à son poste depuis dix-huit mois, mais que son nom était cité pour prendre la tête de a Direction centrale de la police judiciaire. Comme tient à le souligner Le Monde, Christian Flaesch, puisqu’il faut bien l‘appeler par son nom, devrait quitter prochainement la tête de la PJ parisienne – ce qui est la moindre des choses. Resterait à lui trouver un poste à la hauteur des qualités de cet excellent professionnel de la sécurité car, bien évidemment, il n’est pas question pour Manuel Valls de se priver de ce brillant collaborateur.

Suicide
Le 5 décembre 2013, un major de la gendarmerie nationale se suicidait, avec son arme de service, dans les locaux de la gendarmerie de Pontvalin (Sarthe), dont il était le commandant. Sans laisser la moindre lettre justifiant son geste.

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