quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Bulletin d’information anti-autoritaire – Nouvelle série – Numéro 6 – Janvier 2007

Editorial : Bonne année ! Bonne sécurité !

S’il existe un consensus entre les grands partis de notre Vème République, c’est bien celui de l’idéologie sécuritaire.

Pour les uns, c’est un fonds de commerce traditionnel, avec cette vieille méfiance envers les « classes dangereuses. » Pour les autres, cela relève d’une authentique lâcheté, pour ne pas être dépassé sur un terrain qui ne devrait pas être le-leur.

Face à face, lors des consultations électorales, nous trouvons les véritables nostalgiques des régimes autoritaires, et ceux qui se donnent les allures de matamores pour ne pas paraître dépassés dans le domaine de la répression active.

La gauche institutionnelle va-t-elle tirer les leçons de sa surenchère sécuritaire, lors de la campagne pour les élections présidentielles du printemps 2002 ? Avec les résultats que nous avons connus. Nous y avons déjà insisté : à ce petit jeu, la droite et l’extrême droite sont bien plus habiles, beaucoup plus crédibles dans le rôle du croquemitaine.

La trique est naturellement de droite, et la gauche ne s’exerce à son maniement que par triste mimétisme. De fait, nous avons connu – en France comme dans d’autres pays se revendiquant de la démocratie – des maîtres policiers se qualifiant tranquillement de « socialistes. » Il n’est que de citer, pour les dernières décennies, Jules Moch, Jean-Pierre Chevènement ou Daniel Vaillant.

Il n’en reste pas moins que les professionnels de la matraque sont bien plus séduits par les Raymond Marcellin, Charles Pasqua ou Nicolas Sarkozy.

Nous ne devons jamais oublier, alors que l’actuelle campagne électorale se déroule déjà sur le thème de l’insécurité, que la loi Sécurité quotidienne (LSQ) édictée par Daniel Vaillant, à l’automne 2001, n’a fait qu’ouvrir la voix aux lois sécuritaires de 2002 et 2003 de Nicolas Sarkozy. Nous ne devons pas oublier que c’est Daniel Vaillant qui, par sa loi LSQ, instituait la chasse aux jeunes dans les halls d’immeubles. Nicolas Sarkozy n’a eu qu’à mettre ses pas dans ceux de ce socialiste ultra-sécuritaire – qui reprochera à son successeur d’avoir copié son programme.

Il nous faut garder en mémoire les « sauvageons », désignés d’un doigt vengeur par Jean-Pierre Chevènement, ceux-là même que Nicolas Sarkozy qualifiera de « racailles » en 2005. Même vocabulaire, volonté identique de régler les problèmes sociaux par la traque aux jeunes des quartiers dits « sensibles. »

En ce début d’année 2007, malgré le péril que peut représenter une victoire de la droite dure, nous trouvons déjà en lice les prétendants socialistes désireux de prendre efficacement la suite de Nicolas Sarkozy. Ceux-là n’ont pas encore compris que leurs gesticulations ne font que faciliter la tâche des bravaches qui rêvent de réduire encore ce qui peut subsister des libertés fondamentales et des conquêtes sociales acquises au fil de décennies de luttes.

Maurice Rajsfus

Au feu, les pompiers

Paris, 21 novembre. Les pompiers professionnels manifestent dans Paris – ils sont venus de toute la France. Ce qui n’est pas du goût de la préfecture de police. Des heurts inévitables ne pouvaient que se produire, dans la mesure où CRS et gendarmes mobiles ont été dépêchés en nombre pour en découdre avec les pompiers. Bilan, huit CRS et sept gendarmes blessés. Quand on joue avec le feu… (Source, Métro, 22 novembre 2006)

SDF privés de tentes

Le 20 novembre, à l’aube, place de la République, à Paris, des équipes de policiers s’activent à expulser des SDF installés sous les tentes de fortune fournies par Médecins du Monde. Vingt neuf personnes sont jetées sur le trottoir alors qu’il pleut. Après le départ des parias, quatre colosses, portant matraque, et badges « sécurité, mairie de Paris », gardent les lieux. (Source, Libération, 22 novembre 2006)

Matraque de gauche

Grande nouvelle. Il paraît qu’il y a un syndicat de gauche dans la police nationale. Il s’agirait de l’UNSA-Police, dont le secrétaire général Joaquim Massanet serait même le principal conseiller de Ségolène Royal en matière de sécurité. Nous sommes donc rassurés. Pas tout à fait pourtant. Jusqu’à ces dernières semaines, le syndicat UNSA-Police, tout comme son concurrent plus à droite, Alliance, était parfaitement satisfait de la politique sécuritaire de Nicolas Sarkozy. (D’après Le Figaro, 18 novembre et Le Monde, 21 novembre 2006)

Encore le sursis

La justice est plutôt tendre avec les policiers déviants qui se donnent le droit de franchir la ligne jaune. Ce n’est pas là qu’une impression. C’est ainsi qu’un gardien de la paix, qui travaillait à la brigade de nuit d’Agen, avait pris l’habitude de piller les poches des gardés à vue. Confondu suite à la plainte d’une personne interpellée, le policier a été condamné à trois mois de prison avec sursis. Excuse du serviteur de l’Etat, il était surendetté. Il paraît que la Commission de discipline a demandé sa révocation. (Source, Le Monde, 17 novembre 2006)

Toujours le sursis

En 2003, un réfugié politique somalien, en situation irrégulière, était expulsé depuis l’aéroport de Roissy. Embarqué de force, cet homme avait été menotté et entravé aux genoux et aux chevilles, sur son siège. Pour mieux le maîtriser, un policier l’avait plié en avant, provoquant son étouffement, et le décès. Pour les juges, ce policier de la PAF avait simplement manqué « aux règles de prudence. » Le 23 novembre 2006, le jugement a été gentiment balancé : six mois de prison avec sursis pour ce véritable assassinat par destination. (D’après Libération, 24 novembre 2006)

Feu à volonté

A l’approche de la campagne électorale pour les élections présidentielles, les policiers commencent à dégainer de plus en plus souvent. Toujours aux aguets, il est possible de les voir mettre la main sur la crosse de leur arme à la moindre interpellation. Il semble que ces mauvaises manières se multiplient. Le 23 novembre, c’est « l’incident » du Parc des Princes, avec un mort à la clé et un supporter du PSG grièvement blessé. Légitime défense, nous dit-on. Peut-être. Le 25 novembre, à Dammarie-les-Lys (77) un policier tire sur un véhicule qui tente d’échapper à un contrôle, et blesse grièvement à l’abdomen le passager, avant que ne s’engage une course-poursuite. (D’après Libération, 24 novembre et Le Parisien, 26 novembre 2006)

Patience et longueur de temps … pour du sursis

Le 17 octobre 2001, trois policiers, un peu plus brutaux que les brutes ordinaires, s’en prennent à de paisibles citoyens de Saint-Denis (93). Lesquels s’indignent de leur comportement face à un jeune homme sans problème. En clair : on n’a pas le droit de critiquer les activités policières. Le ton monte, tandis que des renforts arrivent. Une jeune femme, en robe de chambre, qui veut apaiser les tensions, est menottée, jetée à terre et gazée. Un mineur, qui est durement frappé, a le nez fracturé par un coup de pied. Une femme qui tente de s’interposer pour protéger sa fille, enceinte de sept mois, est giflée. Un nuage de gaz lacrymogène flotte sur le quartier après l’arrivée en renfort d’une vingtaine de policiers. Le 23 novembre 2006 – cinq ans après ces violences – les brutes comparaissent devant le tribunal correctionnel de Bobigny, pour « violences par personnes dépositaires de l’autorité publique. » Tous niant les faits, bien entendu. Du sursis a été requis contre ces brutes. Jugement en délibéré le 24 janvier 2007. (Source, Libération, 24 novembre 2006)

Collision mortelle

Le 30 octobre, à Chambéry-le-Haut, un jeune homme de 24 ans qui circulait à vive allure est tué sur le coup en entrant en collision avec un véhicule de police. Réaction du procureur de la République : « La victime était défavorablement connue des services de justice ! » Rien moins que cela. (Source, La Liberté de l’Est, 1er novembre 2006)

Paradis artificiels

Un réseau de trafic de drogue était en voie de démantellement dans le sud-est de la France L’ennui, c’est que « le ménage avait été fait avant l’intervention des gendarmes, et que l’opération avait été éventée », explique le procureur de la République de Draguignan, le 20 octobre. Que s’est-il donc passé ? Une gendarme adjointe et un CRS sont soupçonnés : l’un d’avoir informé « un ami d’enfance » et l’autre – la gendarmette – d’avoir cédé à un mobile d’ordre sentimental. (Source, L’Est Républicain, 21 novembre 2006)

Les brutes de la PAF

Une correspondante, consultante pour les Nations Unies, nous envoie cette réaction indignée :

 »Lors de ma mission en Côté d’Ivoire, sur vol AF 700, du 14 mai 2006, j’ai assisté à une scène dégradante et inhumaine, que je souhaite dénoncer. J’occupais le troisième rang en partant du fond de l’appareil. L’avant-dernière rangée était vide, et sur les sièges du dernier rang, un homme encadré de deux policiers de la PAF, vêtus en civil mais portant des brassards les identifiant comme policiers. L’homme encadré des deux policiers avait des menottes et se débattait tant qu’il pouvait… Il criait, crachait, pleurait, hurlait, gémissait, provocant la stupeur des passagers qui prenaient place dans l’avion. Les deux jeunes policiers, visiblement mal à l’aise, le tenaient avec force, l’un par le cou, l’autre par les épaules, afin de le maintenir assis. Scène terriblement choquante quand l’on sait qu’il y a déjà eu des incidents mortels lors de procédures d’expulsions similaires. Les passagers ont commencé à se révolter et ont refusé de voyager dans ces conditions… Face à la révolte des passagers, le sans papier et son escorte sont descendus. Passagers et équipage assez choqués par cette scène… » (Extraits d’un courrier reçu le 1er décembre 2006)

Flingueur escroc…

Le défenseur de la veuve et de l’orphelin qui, le 23 novembre dernier, avait tué un supporter du PSG, et blessé grièvement un autre (voir plus haut), n’était pas le héros que les instances policières ont bien voulu présenter – très aidées dans cette démarche par la presse. En juin 2007, en effet, cet exce1lent policier sera jugé en correctionnelle pour « dénonciation d’infractions imaginaires et escroquerie. » En 2004, il avait affirmé avoir été victime d’une séquestration et d’une demande de rançon de 5 000 euros. Cela pour justifier des retraits d’argent avec la carte bancaire de son beau-père. Il convient de noter que les policiers qui estiment être en situation de légitime défense n’ont jamais le réflexe de tirer en l’air, tout comme lorsqu’ils poursuivent une voiture, nul ne leur a jamais expliqué qu’il leur est possible de tirer dans les pneus… Rappelons également qu’au soir de la mort du supporter du PSG, le porte-parole d’un syndicat de policier revendiquait le droit – comme pour les gendarmes – de tirer sur un suspect ou un « individu » jugé dangereux, après sommation. Droit qui a toujours été refusé aux policiers. Lesquels invoquent la fameuse légitime défense -même lorsqu’ils tirent dans le dos, ou « l’état de nécessité. ». (D’après Libération, 1er décembre 2006)

Contrevérités policières

Les gros mensonges de certains de nos policiers républicains conduisent fréquemment des innocents sur la paille humide des cachots. Particulièrement lorsque leurs victimes se prénomment Sofiane ou Hocine pour l’affaire qui nous intéresse ici. C’est ainsi que du 25 octobre au 29 novembre 2006, quatre jeunes ont été détenus à la prison de Seclin (Nord) sur la simple affirmation qu’ils avaient injurié, « en arabe », de braves CRS en patrouille. Lesquels s’étaient appliqués à les maîtriser violemment au sol, tout en les arrosant de gaz lacrymogènes. Fort heureusement, un document vidéo – un temps négligé – a permis d’innocenter les quatre jeunes. Lors du procès, le 1er décembre, un juge du tribunal de Lille commentait, sur un ton désabusé : « Je n’ai jamais imaginé que des agents assermentés puissent mentir. » Non contents de mentir, les quatre CRS impliqués dans cette affaire réclamaient 500 euros de dommages et intérêts chacun. En attendant l’aboutissement d’une plainte contre ces CRS menteurs, la vidéo a été placée sous scellés. On ne nous dit pas si ces policiers, pareils à tant d’autres ont été suspendus ou sous le coup de sanctions disciplinaires. (Source, Le Monde, 4 décembre 2006)

Métier d’avenir…

Lu dans la petits publication de poésie Mon Oeil, de novembre 2006, ce raccourci évocateur qui pourrait susciter bien des vocations :

«…Vous êtes chômeur, votre mère est laitière normande, engagez-vous dans les Sections d’assaut avec flash-ball. Formation Rapide et musclée. Vous vous ferez votre beur… »

Y a t-il outrage,chef ?

Comptine

L’un de nos correspondants qui regrette la rubrique »comptines » nous a fait parvenir ce petit bijou de concision :

 » Coquins, coquailles

Derrière la muraille

Ils traquent la racaille

Comme le veut Sarkozaille…  »

Police active

Le 2 décembre, une famille de Kossovars – le père, la mère et leurs trois enfants – devaient être expulsés depuis Lyon, mais en passant par Paris, pour mieux tromper les comités de soutien. Averti, le réseau Education sans frontières avait prévenu des élus du Conseil régional Rhone-Alpes qui, présents à Roissy, allaient tenter d’empêcher cette expulsion. Le vice-président du Conseil régional, qui avait réussi à monter à bord de l’avion, pour retarder le départ, racontes : « j’ai voulu parler aux passagers mais trois ou quatre policiers me sont tombé dessus, et m’ont sorti de l’avion ! » Cet élu passera cinq heures en garde à vue, en compagnie d’un fonctionnaire régional. Encore un détail : suite à la violence exercée par les policiers de la PAF, la maman a été blessée et l’un des garçons se retrouvera couverts de nombreux bleus. Le 6 décembre, la famille sera expulsée, sans attendre la décision du tribunal de Lyon. (Source, Libération et France Inter, 4 et 7 décembre 2006)

Suicide en rétention

Les centres de rétention administrative, c’est bien connu, ne sont pas des lieux de convivialité. La police veille à ce que n’y soient pas observée la loi qui régit les sans-papiers retenus dans ces locaux de non-droit. (Prestations de type hôtelier, entre autres douceurs) En fait, les sans papiers promis à l’expulsion sont traités comme de véritables criminels. C’est dans un tel climat qu’un jeune Turc, de 22 ans, s’est pendu, le 1er décembre, au centre de rétention du Canet, à Marseille, où il était en rétention depuis le 22 novembre. Son compagnon de chambre a appelé du secours, en vain. Il explique : « Si les secours étaient arrivés plus tôt, peut-être qu’on aurait pu le sauver… » Un autre sans papier raconte : « Kazim s’est suicidé parce qu’on nous traite comme des chiens ! » (Source, Libération, 4 décembre 2006)

Solidarité illégale

A Paris, le 2 décembre, huit cars de gendarmes mobiles, et quinze fourgons de CRS, débarquent sur la place de la Concorde dans la matinée. Motif ? Deux cents personnes, SDF et militants des droits de l’homme avaient donné rendez-vous à des mal logés pour installer symboliquement une centaine de tentes. Comme cela faisait désordre dans le paysage les policiers devaient suggérer aux organisateurs d’aller monter leurs tentes sur la place de la Bastille… mais les CRS étaient déJà là. (Source, Métro, 4 décembre 2006)

Tentative de suicide

Toujours au centre de rétention du Canet, près de Marseille, un Egyptien, sans papiers, a tenté de se suicider, le 4 décembre. Arrivé au Canet le 24 novembre, cet homme de 34 ans s’est tailladé les veines avec un rasoir, avant de se pendre avec un drap. C’était sa troisième tentative en dix jours de rétention. (Source, Libération, 5 décembre 2006)

Morale policière

Le Syndicat général de la police (SGP), affilié à la Confédération Force Ouvrière, est indigné. Il saisit le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour protester contre les « dérives » d’une émission de la chaîne TV 6, intitulée « SOS cambriolage. » Pour ces policiers, cette série constituerait « une véritable apologie du crime. » Rien que cela. (Source, Libération, 6 décembre 2006)

Assassins non identifiés

Dans la nuit du 5 au 6 décembre 1986, Malik Oussekine était assassiné, au quartier latin, par des « voltigeurs » de la police nationale. Vingt ans plus tard, le 6 décembre 2006, le maire de Paris dévoilait une plaque sur le trottoir de l’immeuble du numéro 20 de la rue Monsieur-le-Prince, là même où le meurtre s’était déroulé. Intitulé de la plaque : « A la mémoire de Malik Oussékine, étudiant de 22 ans, frappé à mort lors de la manifestation du 6 décembre 2006″. Fort bien. « Frappé à mort », mais par qui ? Le passant qui va piétiner ce rappel discret à la violence policière n’a pas à le savoir. C’est une continuité dans cette pudeur à désigner les assassins. Il en va de même, en effet, de la plaque commémorative apposée sur le pont Saint-Michel rappelant le massacre de masse de travailleurs algériens, le 17 octobre 1961. Dans un cas comme dans l’autre, la police n’est pas évoquée. Comme s’il était interdit de faire savoir au bon peuple de France que sa police peut se laisser aller à tuer en certaines occasions. Même lorsque l’ordre public n’est pas menacé. L’Observatoire des Libertés publiques

Flicage aérien

Infatigable, Nicolas Sarkozy a décidé, de faire procéder à la notation des pilotes d’Air France. Un haut fonctionnaire a été missionné à cette fin. A quelle fin ? Il y aurait les bons citoyens, qui acceptent de transporter à leur bord les sans papiers expulsés, et les mauvais sujets qui refusent de participer à cette répression. Où va bien s’arrêter notre ministre de l’Intérieur avant de se lancer dans la campagne électorale pour les présidentielles. (D’après France Info, 8 décembre 2006)

Toujours les motards

Le 6 décembre, quelques milliers d’intermittents du spectacle manifestaient à Paris. Dans la soirée, plusieurs centaines d’entre eux, qui tentaient de s’approcher des locaux de la nouvelle chaîne de TV France 24, à Issy-les-Moulineaux, où Jacques Chirac participait à l’inauguration, devaient être accueillis par des CRS qui s’appliquèrent à les arroser de gaz lacrymogène. En prime, ce jour du 20ème anniversaire de l’assassinat de Malik Oussékine par les voltigeurs à moto, un motard de la police a roulé sur le corps d’un manifestant jeté à terre par les CRS. (Source, Métro et France Inter, 7 décembre 2006)

Accompagnement

Ministre de l’Intérieur, et candidat à la présidence de la République, Nicolas Sarkozy ne se déplace jamais sans un impressionnant accompagnement de CRS et de gendarmes mobiles. C’était le cas, à Angers, le 1er décembre, où Nicolas Sarkozy effectuait sa première sortie officielle de candidat déclaré. Les CRS étaient en tenue de combat et les gendarmes mobiles s’appliquaient à faire le ménage dans la petite foule qui attendait le ministre. (Source, Libération, 2 décembre 2006)

Caricatures

Une fois de plus, un élu UMP s’en est pris à la liberté d’expression. La publication Pote à Pote -proche de SOS-Racisme, de novembre 2006 est la cible de ce parlementaire qui s’est offusqué d’un dessin humoristique mettant en scène un policier menaçant un jeune au teint coloré. Pour ce député, qui a saisi la HALDE (Haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l’égalité), ce dessin doit être considéré comme anti-blancs et anti-policiers. (Source, Internet, Médiapote, Nice, 28 novembre 2006)

Croa-croa

Le 11 décembre, une policière, en poste à Annecy, a été condamnée à deux ans de prison, dont six mois ferme. Motif ? Cette brave gardienne de la paix s’était appliquer à abreuver de lettres anonymes, et pornographiques, les habitants d’un village de Haute-Savoie. (Source, Libération, 12 décembre 2006)

Non-assistance de policiers à personnes en danger

Le 7 décembre, en fin d’après-midi, à Corbeil-Essonne, des policiers prennent en charge, dans son appartement, un homme en état d’ébriété. Ils le transportent, titubant jusqu’à leur fourgon, avant de l’abandonner près des berges de la Seine, sur un banc. Un peu plus tard, une riveraine verra cet homme se mettre à l’eau. Alertés, la police municipale et les pompiers ne pourront que constater sa disparition – ses vêtements étant retrouvés sur un banc. Selon les policiers, il n’avait pas été conduit en cellule de dégrisement parce qu’il n’était pas en état d’agitation «…et ne pouvait pas troubler l’ordre public. » A les entendre, les policier auraient installé l’homme sur un banc, « pour le laisser reprendre ses esprits. » Ce qui ne répond pas à la question de la famille de ce comédien professionnel : « Pourquoi l’ont-ils abandonné au bord de l’eau ? » Ce qui peut être clairement qualifié de non-assistance à personne en danger. Le 15 décembre, les policiers « négligents » ont été mis en garde à vue. (Source, Le Monde, 13 décembre et Canal +, 15 décembre 2006)

Au viol !

Le 14 décembre s’est ouvert devant la cour d’assises de Seine-et-Marne, à Melun, le procès d’un policier violeur. En 2004, en dehors de ses heures de service, est-il précisé, ce serviteur de l’ordre public aurait violé une jeune femme, sur un parking d’Emerainville (77). Il avait tenté d’en violer une autre la veille. (Source, 20 Minutes, 14 décembre 2006)

Communication …

Une « notice d’information », à en-tête du ministère de l’Intérieur, a été distribuée, le 7 décembre, par les policiers de la Paf, aux passagers de l’aéroport de Roissy pour les dissuader de s’opposer à l’expulsion d’un jeune étudiant de nationalité malienne. (Source, 20 Minutes, 14 décembre 2006)

Le sinistre feuilleton de Nantes

Dans la nuit du 22 au 23 novembre, un homme disparaît à Nantes. Que s’est-il passé ? Après une fin d’après-midi arrosée, cet ouvrier tunisien, âgé de 33 ans, prénommé Taoufik, qui déambule dans les rues de Nantes en compagnie de deux de ses amis, est interpellé par trois policiers en patrouille qui le font monter à bord de leur fourgon. Le lendemain, inquiets de ne pas le voir revenir, ses amis cherchent à avoir de ses nouvelles en téléphonant au commissariat central de Nantes. En vain. Quelques jours plus tard, ils vont signaler sa disparition au commissariat d’Alençon, où ils travaillent.

L’affaire éclate publiquement le 8 décembre. Les camarades de travail de Taoufik relatent les conditions de l’interpellation pour « ivresse sur la voie publique. » Ils l’ont vu monter dans le fourgon. Au commissariat de police de Nantes, on affirme qu’il n’y a aucune trace sur la main courante. De plus, les messages échangés cette nuit-là entre les patrouilles ont été épluchés. Pas de trace de l’interpellation.

Comme, semble-t-il, les témoins n’ont pu être « retournés », une équipe de la Compagnie départementale d’intervention (CDI), finit par reconnaître avoir interpellé un « individu » qu’ils auraient relâché un peu plus loin, sans même contrôler son identité, ni prendre la décision de le placer en cellule de dégrisement. Il n’en reste pas moins que, selon l’un de ses camarades : « Dans l’état où il était, ils ne pouvaient pas le relâcher. » Pour le jeune femme de Taoufik, qui n’a pas été informée par la police et a tout appris par la presse : « La police est impliquée, et a pris le temps d’étouffer l’affaire… »

Le 9 décembre, selon l’IGPN, la chronologie des événements, indiquée par les trois policiers, à la recherche d’un voleur de type nord-africain, qui avait un bras dans le pâtre (ce qui n’était pas le cas de Taoufik), est conforme. Il n’en reste pas moins que l’un de ces policiers – plus inquiet que ses deux collègues – avait alerté sa hiérarchie, le 6 décembre, après avoir lu dans la presse locale des articles sur la disparition de Taoufik. Quant au procureur, il se contente de confirmer la version tardive de ses policiers qui ont attendu l’ouverture d’une enquête pour se souvenir d’avoir embarqué Taoufik, puis de l’avoir relâché neuf minutes plus tard. Déjà, des recherches sont effectuées sur les rives de la Loire.

Le 11 décembre, les papiers d’identité et des effets personnels de Taoufik sont retrouvés en deux endroits, d’autres flottent sur l’eau du canal Saint-Félix, à quelques centaines de mètres du lieu où les policiers affirment avoir relâché leur victime. Ce même jour, deux étudiantes, entendues à la PJ de Nantes, affirment que cet homme, qu’elles décrivent comme souffrant de problèmes cardiaques, a été relâché aux abords du canal Saint-Félix, c’est-à-dire très loin du lieu évoqué par les policiers. A ce stade, toutes les suppositions sont permises. Est-ce que ces policiers en patrouille « se sont fait un Arabe », sans avertir leur hiérarchie, bien entendu ? A cette occasion, de « mauvais esprits » rappellent que le 16 octobre 2004, un brigadier chef de cette CDI avait joué à la roulette et tué un de ses collègues, après une soirée trop arrosée.

Le 12 décembre, la presse fait état de la mise en garde à vue des trois policiers – ce qui est contraire à la vérité puisque la garde à vue ne sera effective que le 13 décembre dans la matinée. L’enquête est curieusement conduite, et l’avocat de l’épouse de Taoufik s’étonne : « On a perquisitionné chez ma cliente. Le fourgon dans lequel les trois policiers circulaient a-t-il été examiné et soumis aux experts de la police scientifique ? »

Ce même jour, le corps d’un homme, « de type nord-africain » est sorti du canal Saint-Félix, tout près de l’endroit où les papiers d’identité et la carte bancaire de la victime ont été retrouvés, quelques jours plus tôt. Il n’en reste pas moins que, pour la justice et les services de police, l’identification du cadavre est nécessaire. En fait, semble-t-il, il convient de gagner du temps avant que des policiers soient lourdement mis en cause. Finalement, le procureur de la République de Nantes va se résoudre à saisir l’IGPN, en raison de « contradictions dans les déclarations des fonctionnaires qui ont procédé au contrôle de la personne recherchée. » Par ailleurs, le magistrat explique que les déclarations des policiers ne lui paraissent pas « spontanées » mais « préparées. »

Le 13 décembre, on apprend, enfin, que le corps retrouvé dans le canal Saint-Félix est bien celui de Taoufik. Mais, précisent les experts, la victime ne porte pas de traces de violences et que la mort est due à la noyade. Le procureur ajoute sa voix à ce concert, en affirmant : « Nous n’avons aucun élément qui laisse penser que l’individu aurait été maltraité ! » Vous avez bien lu, individu. Comme si la victime n’était pas tout à fait innocente. Un enquêteur ne se prive pourtant pas de remarquer : « Si ces fonctionnaires l’ont laissé sur le bord du canal Saint-Félix, un endroit sombre et dangereux vu son état d‘ébriété, et si cet homme a fait par la suite un malaise, une mauvaise rencontre ou une mauvaise chute, leur responsabilité est engagée. » Nous en serions donc ici à une simple « non assistance à personne en danger. » Reste la question fondamentale : pourquoi les policiers ont-ils menti sur le lieu de libération de Taoufik ? Personne ne se risque à évoquer une autre situation : les policiers auraient-ils poussé Taoufik dans le canal ?

Depuis ces premières révélations, les commentaires vont bon train, et ce n’est pas à la gloire de l’institution policière. L’avocat envisage une enquête pour « délaissement de personne en état de faiblesse. » Sont également évoquées des poursuites possibles pour « mise en danger de personne vulnérable », ce qui peut être puni d’une peine de vingt ans d’emprisonnement. Plus ambiguë, cette déclaration du porte parole régional d’un syndicat de policiers pour qui Taoufik n’aurait pas été conduit en cellule de dégrisement après un passage obligé par l’hôpital car la procédure est trop longue. D’où cette décision de l’abandonner au bord de ce canal où son corps sera retrouvé dix huit jours plus tard.

Le rapport d’autopsie est sobre : « mort noyé, aucune trace traumatique » et cette précision : « pas de coups apparents. » Il n’en reste pas moins que les analyses toxicologiques ont déterminé un taux d’alcool dans le sang « très fort, de près de quatre grammes. » Pour les enquêteurs, « il était complètement bourré ; un taux breton… » Les mêmes écartant l’hypothèse d’un meurtre ou d’un suicide, privilégiant l’accident, mais se gardant bien de suggérer que la victime a pu être poussée dans le canal.

Selon un commissaire, les trois policiers « n’ont pas signalé au commissariat la prise en charge de cet individu à bord du car de police comme le veut la procédure, ne l’ont pas contrôlé en bonne et due forme, ne lui ont pas fait subir d’alcootest, l’ont relâché sans connaître son imprégnation alcoolique, au lieu de l’emmener en cellule de dégrisement. » De leur côté, les collègues des trois policiers expliquent « qu’ils n’ont pas voulu ramener cet individu au commissariat et s’emmerder avec de la paperasse, à vingt minutes de la fin de leur service. » Rien de plus !

Finalement, le 14 décembre, il n’est plus possible à la justice et à l’institution policière de « couvrir » plus longtemps ces gardiens de l’ordre public qui ont lourdement dérivé. Déférés au parquet de Nantes pour « faux témoignages » et « délaissement de personne vulnérable », ils sont mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. Pour ne pas être en reste, le ministère de l’Intérieur annonçait dans la foulée la suspension de ces policiers, qui seraient passés au travers des mailles du filet, s’il n’y avait pas eu de témoins. Finalement, malgré tout, il n’y aurait pas eu bavure mais simple négligence. Le 15 décembre, il est entendu que Taoufik est mort noyé, mais nul ne se hasarde à dire comment… A suivre, bien entendu… (Sources, Libération, Le Monde, Le Figaro, France Inter et France Info, du 8 au 15 décembre 2006)

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