Il y a 50 ans
Le 8 mai 1945, l’Allemagne nazie capitulait. Depuis quelques jours, les trains ramenaient en France les rares rescapés des camps de la mort. En ces heures de gloire, les drapeaux fleurissaient aux fenêtres dans les rues de Paris et l’on ne prêtait guère attention à ces squelettes vivants qui arrivaient à l’hôtel Lutetia. Qui se serait alors risqué à rappeler que ces hommes et ces femmes qui revenaient de l’enfer avaient été livrés à la Gestapo par la police française, avant d’être déportés ? Cinquante ans plus tard, la commémoration est tout aussi amnésique et nos autorités policières hurlent à l’outrage lorsque l’on évoque le rôle joué par la police de notre pays au service du régime de Vichy et de l’État hitlérien. Décorée de la fourragère rouge en octobre 1944, choyée par les nouvelles autorités, la police parisienne a oublié ces turpitudes anciennes. Dans les écoles de police, on enseigne aux jeunes recrues une histoire aseptisée, glorieuse, où il n’est jamais question des centaines de milliers de victimes (plus de 200000 déportés) d’un corps répressif qui, durant quatre ans, n’avait pas éprouvé d’états d’âme en organisant la chasse aux gaullistes, aux francs-maçons, aux communistes et aux juifs immigrés. Le policier ordinaire, celui de 1995, nous explique que de telles dérives ne sont plus possibles. Plus simplement, il se contente de traquer les Maghrébins pour le compte de la France républicaine.
Mai 1995
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