quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 15 avril 2013

Usine à gaz !
Durant des décennies, les polices des états considérés comme réellement démocratiques n’ont cessé d’utiliser les gaz lacrymogènes telles des armes de dissuasion contre les citoyens ayant le mauvais goût de manifester leur mécontentement. Au fil du temps, les contestataires ont eu le loisir d’apprécier « l’amélioration » des effluves dispersées par les forces de l’ordre. En fait de véritables gaz de combat – souvent balancés à bout portant. Rarement – à l’exclusion d’une partie des défenseurs des droits de l’homme – on n’entendait les bons esprits s’indigner contre cette pratique peu acceptable au pays de la liberté.
La donne a brusquement changé, depuis le 24 mars 2013, suite à la manifestation contre le « mariage pour tous », qui avait vu accourir tout ce que la France compte de réactionnaire à l’ancienne, dans le quartier de l’Etoile, à Paris. Fidèles à la consigne, sous tous les régimes, CRS et gendarmes mobiles ne devaient pas hésiter à actionner leurs boîtes à flytox contre les plus acharnés des « culs bénis ». Lesquels, sûrs de leur bon droit, imaginaient possible, avec les crânes rasés du GUD à leur tête,, de passer outre l’interdiction faite aux organisateurs de descendre les Champs-Elysées. Malgré la présence à leurs côtés de nombre de parlementaires UMP, tous avaient la mauvaise surprise d’être à leur tour victimes de ces gaz à base chlore qui avaient cette fois pour cible les défenseurs de l’ordre moral. Horreur !
Le soir même, et les jours suivants, ce n’étaient que lamentations sans fin. On avait osé agresser des citoyens honorables, allant à la messe tous les dimanches et, parmi eux, des élus de la droite dite républicaine. Au premier rang d’entre eux, l’inénarable Jean-Pierre Raffarin ; le même qui, en 2003, avait éructé : « Le pouvoir n’est pas dans la rue ! » A longueur de colonnes, dans la presse et sur les écrans de télévision, de doctes journalistes reprenaient les propos de l’intègre Jean-François Coppé : « La police a gazé des enfants, dans une manifestation familiale… » Dans le même temps, de bonnes âmes s’attendrissaient sur le malaise de l’excellente Christine Boutin, qui aurait été agressée par les miasmes des gaz malodorants dispersés par les forces de l’ordre qui, pourtant, se gardaient bien de tirer trop directement au visage des plus excités de ces manifestants de luxe. De même, est-ce parti pris du chroniqueur, il paraissait que les coups de matraque Tonfa soient moins appuyées qu’à l’ordinaire.
Quitte à être accusé de faire un mauvais procès aux défenseurs de l’ordre public, comment ne pas rappeler cette autre manifestation familiale, avec femmes et enfants. Tous étaient endimanchés et tentaient de défiler pacifiquement dans Paris, pour protester contre le couvre-feu qui leur était imposé. C’était il y a un peu plus de cinquante ans, le 17 octobre 1961. La télévision n’avait pas diffusé d’images et, à part quelques rares journaux, la presse était restée pratiquement muette. Il y avait eu quelque deux cents morts ce soir-là …

Affaire Merah. Quand la DCRI jouait à quitte ou double avec un possible terroriste (suite).
Dès la fin du mois de mars 2012 était émise l’hypothèse de la véritable exécution de Mohamed Merah par les policiers du RAID. A cette époque, il n’était pas exclu que le jeune salafiste avait été l’objet d’une tentative de manipulation par les services de la DCRI. L’opération ayant échoué, il était devenu indispensable de se débarrasser d’un homme risquant de poser des problèmes aux « services » si, une fois capturé,,, il s’était laissé aller à révéler aux enquêteurs les manœuvres dont il avait été l’objet. Faisant profil bas, le ministre de l’Intérieur de l’époque, Claude Guéant, tenait récemment des propos étonnants, publiés dans Libération daté du 16 mars 2013 : « L’appréciation a été faite qu’il ne présentait pas de signe de dangerosité. Personne n’a jamais décelé d’intention criminelle chez lui. C’est terrible de dire cela : il nous a roulés. » Bel aveu de la part d’un maître policier dont les services n’ignoraient rien des activités de Mohamed Merah, fiché comme « membre de la mouvance salafiste toulousaine, de 2006 à 2012. » Durant cette période, les fins analystes de la DST, puis de la DCRI, n’avaient rien ignoré des séjours en Afghanistan et au Pakistan, dont le domicile était étroitement surveillé par des caméras discrètes, tandis que ses communications téléphoniques, depuis l’appartement de sa mère, étaient régulièrement écoutées. Mieux, si l’on peut dire, Mohamed Merah était en contact avec un « agent traitant », à Toulouse. Lequel demandait en vain à la centrale de la DCRI, à Levallois, de « judiciariser »é ma situation de celui qui était déjà bien plus qu’un suspect. C’est ainsi que, le 21 février 2012, un mois avant les faits tragiques, la centrale de la DCRI émettait une évaluation tranchée, suite aux démarches de ses services de Toulouse : « Il n’y a pas de lien entre Mohamed Merah et un éventuel réseau jihadiste ! » Le futur assassin était décrit comme « malin et ouvert », présentant « un degré moindre de dangerosité et d’urgence. » Ce même jour, les fins limiers de la DCRFI estimaient que Merah « pourrait présenter un intérêt pour notre thématiques, en raison de son profil voyageur. » Fallait-il entendre par « thématique » la volonté de créer un sentiment d’insécurité vue l’imminence des élections présidentielles et, peut-être, une directive non-écrite du pouvoir sarkozyste de provoquer l’évènement susceptible d’inciter les électeurs à voter de nouveau pour un homme fort capable de protéger les Français de la menace terroriste ? Toujours est-il que Mohamed Merah était mal contrôlé par son agent traitant ; le manipulé devant manipulateur, puis dangereux criminel désormais incontrôlé. Après les tueries perpétrées entre les 11 et 19 mars 2012, il était effectivement indispensable de s’interroger sur le relâchement de la surveillance qui aurait du être exercée sur les allers et venues de cet électron libre dont il était devenu évident qu’il s’était joué des services des la DCRI. Mais, n’est-ce pas, il était peut-être nécessaire de créer l’évènement. Ce choc qui aurait détourné les électeurs de la gauche annoncée victorieuse du prochain scrutin.
On ne nous y reprendra pas, semblait sire le nouveau patron de la DCRI le 26 février 2013, alors qu’il était auditionné par la Commission de Défense de l’Assemblée nationale. Cet important personnage, qui a la lourde charge d’assumer les « erreurs » de Bernard Squarcini, paraît avoir tiré les leçons des chicaneries entre services policiers. Selon Le Monde, daté du 18 mars 2013, il aurait déclaré : « Nous devons ouvrir notre service à d’autres spécialistes », sous-entendant que les structures policières ne seraient pas capables, vus les antagonismes entre les compétences diverses, de régler un certain nombre de problèmes en toute objectivité.

Vigilance suicides
Il y a quelques années, le P-d-g de France Télécom avait évoqué avec beaucoup de légèreté le « vogue » du suicide qui frappait son administration. Comme si le harcèlement au travail devait être une règle ne souffrant pas la contestation. Serait-il possible d’entendre un tel discours émanant de la hiérarchie policière, avec la « vague » de suicides qui n’a jamais cessé dans les rangs de la police depuis de nombreuses années, avec une certaine recrudescence ces derniers mois. Pourtant, depuis le mois de janvier 2013, un « pôle vigilance suicides » avait été mise en place sous la pression des syndicats de policiers. En vain. Il est permis de s’interroger sur les raisons de la récente série de suicides de policiers constatée en Ile-de-France, ces derniers mois. En effet, les temps ayant peut-être changé, les forces de l’ordre ne seraient plus soumises au harcèlement, comme au temps de Nicolas Sarkozy et de Claude Guéant, lorsque la police était tenue de faire du résultat !

Au viol !
Au-delà des trop fréquents faits divers relatant des comportements « inappropriés » de certains policiers envers les femmes qu’ils ont interpellées, les commentaires ponctuels de sociologues ne sont pas à négliger. Dans une tribune libre consacrée à la prostitution et au racolage passif, publiée dans Libération, daté du 19 mars, ces précisions peu flatteuses pour nos forces de l’ordre, émanant de militantes de l’association Grisélidis : « Trop souvent, les victimes de viol, prostituées ou migrantes, se retrouvent poursuivies pour défaut de papier ou délit de racolage », et puis « …LA justice relâche les policiers reconnus coupables de viol aggravé en bande, dans l’exercice de leur fonction », et encore, « il y a aussi le mépris avec lequel certains policiers, et certains juges, traitent les affaires d’agression des travailleuses du sexe et de prostituées. La police ne se déplace que difficilement quand les prostituées appellent le 17… » Bien sûr, ces faits sont très minoritaires mais est-il acceptable que cde tels voyous puissent encore servir au titre de gardien de l’ordre public. Par ailleurs, il n’est pas inutile de rappeler que, lorsqu’un (ou des) policiers se retrouvent sur le banc d’infamie, il explique qu’il a eu affaire à une aguicheuse, voire à une prostituée occasionnelle. Comme si les locaux de police ou le fourgon pouvaient servir de lieu de défoulement pour policiers en mal d’amour…

Manuel Valls, défenseur de la patrie en danger
Lors de son discours de Grenoble du 30 juillet 2010, Nicolas Sarkozy exhalait une véritable haine des Roms. Ces derniers représentant un grand péril pour cette France, terre des libertés, tellement vantée par nos élites républicaines de l’époque, plutôt xénophobes, sous couvert d’une volonté de réserver le travail aux nationaux. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur était incité à parfaire la chasse aux Roms et à multiplier les charters de la honte. Avec la défaite de Sarkozy, en mai 2012, comment ne pas espérer que c’en serait terminé de cette épuration ethnique qui ne disait pas son nom. Pourtant, dès le mois de juillet 2012, les démantèlements de campements de campements de Roms reprenaient et, de même, la machine à expulser se remettait à fonctionner à plein rendement. Finalement,, pour l’année 2012, les activités répressives de Manuel Valls, ajoutées à celles de Claude Guéant, permettaient quelque 38.000 « éloignements » du territoire national.
Peu désireux d’afficher triomphalement de tels résultats pour l’année 2013, sans toutefois limiter la traque à ces « voleurs de poules », incapables de s’intégrer, selon son affirmation, Manuel Valls demandait aux préfets, par une circulaire datée du 12 mars 2013, de ne plus comptabiliser les « retours volontaires » des intrus vers leur pays d’origine. C’est ce que révélait Le Monde, quelques jours plus tard. Le 14 mars, pour mieux justifier sa politique d’éloignement, Manuel Valls expliquait, dans un entretien donné à Libération, que « les familles Roms qui souhaitent s’intégrer sont peu nombreuses. » Il n’en reste pas moins, comme le rappelait aussitôt la mission France de Médecins du Monde, que les Roms « migrent en France pour des raisons économiques et de stigmatisation. Ils restent des citoyens européens et, s’ils le souhaitent, ils ont autant le droit de venir en France que des Allemands ou des Espagnols, même s’ils deviennent expulsables après trois mois de présence sans justifier de ressources suffisantes. Manuel Valls n’a pas à dire qu’ils ont vocation à rentrer chez eux. » Notre ministre de l’Intérieur doit avoir retenu la leçon administrée par Lionel Jospin, en janvier 2002, lorsqu’il évoquait ces sans papiers qui « n’ont pas vocation à rester en France ! » Dans l’une et l’autre de ces situation, la police de la République veille et déploie tout son zèle pour faire respecter les édits.

Pour mémoire
Forces de l’ordre : petit rappel indispensable !
Les fonctionnaires, chargés de faire respecter l’ordre public ont toujours proclamé qu’ils étaient des policiers républicains. Voire. Ce n’était pas le cas à l’époque de l’occupation allemande et du pouvoir de Vichy. Lequel relayait avec beaucoup de conviction, la volonté répressive des nazis. Cette lourde parenthèse devait durer quatre dures années, avec des policiers français pleins de zèle, de hargne et de morgue – ce qui va de soi lorsque l’on détient le pouvoir de punir.
Sans trop nous attarder sur ce passé policier, un peu plus sordide qu’à l’ordinaire, il est nécessaire de rappeler que la répression conduite contre les ouvriers parisiens en lutte, en juin 1848, et massacrés sur les barricades par les gardes mobiles récemment créés. Le 2 décembre 1851, le prince Louis-Napoléon Bonaparte s’acoquinait avec la police pur réussir son coup d’Etat – son ministre de la police enverra des commissaires pour prendre au collet les chefs de l’armée en qui il n’avait pas confiance. S’il n’y a pas de traces notables de l’activité des policiers durant la Commune de Paris, les gendarmes seront omniprésents durant la Semaine sanglante de la fin du mois de mai 1871. Ceux-là se livreront à la traque impitoyable des Communards, constituant des cours martiales, et participant également aux pelotons d’exécution. En juin 1871, quelques jours après l’écrasement de la Commune de Paris, le poète Jean-Baptiste Clément, auteur du Temps des Cerises, écrivait La Semaine sanglante :

« Sauf des mouchards et des gendarmes
On ne voit plus par les chemins
Que des vieillards tristes aux larmes
La mode est au Conseil de guerre
Et les pavés sont tout sanglants
Demain, les gens de la police
Refleuriront sur les trottoirs …
Nous allons être gouvernés
Par des mouchards et des gendarmes … »

Tout comme en 1848, la République renaissante s’appuyait sur les forces de l’ordre pour imprimer une marque indélébile, signifiant que les grands principes ne sauraient être remis en cause. Même au nom des droits de l’homme.
Sous Georges Clémenceau (maître à penser de Manuel Valls), ministre de l’Intérieur et président du Conseil, de 1906 à 1908, c’était l’âge d’or de l’ordre républicain. Dès que des ouvriers se mettaient en grève, pour la moindre revendication, le patron appelait la gendarmerie ou le commissariat de police, et les protecteurs de l’ordre ne tardaient pas à arriver. Cela se terminait souvent tragiquement, avec de véritables fusillades comme à Narbonne, Béziers, Limoges, Raon-L’Etape (dans les Vosges), à Vigneux, Draveil ou Villeneuve-Saint-Georges (en Seine-et-Oise). Des documents photographiques de 1906 et 1907 témoignent de l’affection portée par les hommes de main de Clémenceau aux revendications ouvrières – entre autres, la journée de huit heures. Sous ce même ministre à la nuque raide, les policiers à cheval, sabre au clair, étaient parfois plus nombreux que les manifestants sur la place de la République. (En témoigne la partie iconographique de l’ouvrage de Jacques Julliard, Clémenceau briseur de grève, Julliard, 1965)
Jusqu’à l’orée des années 1930, les manifestations du 1er mai se termineront généralement par des affrontements sanglants avec les policiers venus pour en découdre, en compagnie de gardes mobiles armés de mousquetons. Le fascisme commençait à menacer la démocratie, aux frontières, mais c’est à l’ennemi intérieur que la police s’intéressait prioritairement, envoyant ses mouchards dans les partis de gauche et les syndicats ouvriers. Certes, lors de la tentative de coup de force du 6 février 1934, la police devait ouvrir le feu sur les fier-à-bras des ligues factieuses, mais les flingueurs n’avaient pas dit leur dernier mot. C’est ainsi que, le 9février, lorsque les ouvriers parisiens manifestaient pour s’opposer à la menace fasciste, dans le quartier de la gare de l’Est, les policiers n’allaient pas hésiter à tirer à feu de salve sur ces trublions qui s’acharnaient à défendre la République ; bilan : six morts !
En septembre et octobre 1939, fidèles à la consigne, nos policiers républicains, procèderont à l’arrestation de milliers d’Allemands et Autrichiens, après l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne. Pourtant, la très grande majorité des hommes interpellés, et traités tels des criminels, étaient des opposants au nazisme ou des Juifs ayant fuit les persécutions raciales. Peu importait. Pour nos policiers, ce n’étaient que des « Boches » qu’il convenait de traiter comme autant d’ennemis héréditaires. L’écrivain Arthur Koestler, bien que Hongrois, est arrêté à son domicile le 2 octobre 1939. Il relate cet épisode dans La lie de la Terre (Charlot, 1946) : « Dès que j’ai eu ouvert la porte, le battant brutalement poussé par deux hommes me fit faire un bon en arrière. » Il se retrouvera rapidement au camp du Vernet, d’où il pourra s’évader en juin 1940. Comme l’administration policière aime le travail bien fait, des milliers de femmes allemandes et autrichiennes étaient arrêtées à leur tour au lendemain de l’offensive nazie sur les Ardennes, le 10 mai 1940. La plupart d’entre elles étaient internées dans des stades, et même au Vel’ d’Hiv’ et, parmi elles, la philosophe Hannah Arendt. Nos policiers n’avaient pas oublié le cri du cœur du ministre de l’Intérieur Albert Sarraut : « Il faut débarrasser la France de la tourbe étrangère ! » Et nos gardiens de l’ordre public ne se l’étaient pas fait dire deux fois…

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