quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 1er février 2014


Editorial La patrie en danger !

Si nos policiers républicains, aux ordres du non moins républicain Manuel Valls, ont une qualité profondément malfaisante, c’est celle de l’acharnement. Quelles que soient les raisons de leur zèle, ils ne renoncent jamais dès lors que la mission confiée par leur hiérarchie peut les faire distinguer. Reste surtout cette certitude des défenseurs de l’ordre public qu’ils défendent une société en grand péril. S’il ne se montre pas impitoyable dans l’exercice de sa fonction répressive, le policier lambda est insatisfait car il lui faut se persuader qu’il joue un rôle indispensable au sein d’un monde d’individus nécessairement suspects, sinon d’authentiques voyous. C’est pourquoi tous les moyens sont bons pour rétablir un ordre nullement menacé, la plupart du temps. D’où cette volonté affirmée, dans certains quartiers, considérés comme « sensibles », d’interdire la distribution de ces petits brûlots censés remettre en question leur autorité que nul ne doit contester.
C’est le cas du bulletin Résistons ensemble, qui porte ce sous-titre, sans doute jugé outrageant par nos forces de l’ordre : « Contre les violences policières et sécuritaires ». Ce bulletin qui en est à son numéro 126, paraît être l’objet de la sollicitude des policiers de Gennevilliers (93). Nous avions déjà relaté que, le 15 avril 2013, deux diffuseurs de cette feuille, apparemment hautement subversive, avaient été interpellés, dans la cité du Luth, lieu d’intervention fréquent des policiers de la BAC locale. Depuis que ce quartier a été déclaré ZSP (Zone de sécurité prioritaire), en novembre 2012, les cerbères y sont de plus en plus nombreux, et il faut bien qu’ils se trouvent une occupation, même lorsque le quartier est calme. C’est sans doute pourquoi, le 16 décembre 2013, deux militants du réseau Résistons ensemble, en compagnie d’une responsable du syndicat Sud-Education, étaient interpellés à la sortie de la station de métro Courtilles par quatre policiers de la BAC, puis immédiatement conduits au commissariat de Gennevilliers. A chacune de ces interventions policières, les personnes interpellées sont placées en cellule, avec interdiction de téléphoner. Raison de ces interventions ? Le contenu de ce bulletin serait diffamatoire envers les forces de l’ordre. D’où la nécessité de prendre les empreintes digitales des diffuseurs, tout comme ces délinquants sont obligés de passer par la photo anthropométrique. Le commissaire de police de ce quartier expliquant à ses victimes qu’il veut les voir « disparaître » des rues du Luth. Par ailleurs, les policiers républicains refusent de restituer les centaines d’exemplaires du bulletin saisi. La partie serait-elle en danger ?

Fichage ADN
Dans son numéro daté du 9 janvier 2014, Le Monde Libertaire revient longuement sur la pratique policière du prélèvement ADN. Il est rappelé que tout suspect d’un « crime ou délit », qui refuse un prélèvement ADN peut se voir poursuivre pour ce chef et risque un an de prison et 15.000 euros d’amende. Cette pratique qui, à l’origine, ne concernait que les auteurs de crimes sexuels et les pédophiles, en 1998, a été largement étendue depuis le passage de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur, sans que Manuel Valls n’envisage d’en modifier les aspects pervers, depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir. Il n’est pas inutile de rappeler que les prélèvements effectués sont conservés pour une durée de 40 ans pour les personnes condamnées et 25 ans pour les personnes non poursuivies ou disculpées – il faut bien que les fichiers ne soient pas inutiles ! Par ailleurs, les personnes relaxées du délit pour lequel on leur demandait leur ADN restent poursuivies s’il y a eu refus de prélèvement ! Ce qui signifie qu’il est interdit de refuser quoi que ce soit à un policier de la République des Droits de l’homme, même lorsqu’il y a abus de pouvoir.
Un certain nombre de détails relèvent d’un autoritarisme insupportable. Ainsi, le refus de fichage ADN est un délit continu, qu’aucune peine ni condamnation, même effectuée, ne vient éteindre. Condamné pour un refus, ce prélèvement peut être réclamé à vie. Ce qui constitue un moyen de contrôle permanent sur les populations, rappelle l’auteur de cet avertissement. En outre, si le prélèvement ADN ne peut être effectué sans l’accord de la personne, car le refus reste un droit, il n’en demeure pas moins que c’est un « droit coupable », passible de condamnation. De plus, celui qui refuse les prélèvements et fichages biologiques peut se voir convoqué à tout moment pour une nouvelle demande de prélèvement. S’il persiste dans son refus, il peut se voir à nouveau convoqué et jugé pour récidive de refus de prélèvement, cela même s’il a déjà effectué une première peine à ce sujet, payé ne amende ou effectué une peine de substitution.
Il est bien évident qu’il s’agit là d’une pratique scélérate dont on peut s’étonner à bon droit qu’elle puisse encore subsister, à la grande satisfaction des hommes d’ordre. En cette matière, il n’y aurait guère de différence entre la droite dure et la gauche convenable…

Utile coopération

En un temps où tout finit par se savoir, il est possible d’apprendre qu’en novembre 2013 une compagnie de CRS avait été dépêchée à Rio de Janeiro, au Brésil suite aux manifestations qui s’étaient déroulées dans cette ville durant les mois précédents, pour entraîner les bataillons de choc de la police locale. Certes, il ne s’agissait pas de maintenir l’ordre dans ce pays, mais de permettre des échanges fructueux, nous rappelait Le Monde Libertaire daté du 9 janvier 2014, avec cette précision : « Le but était d’échanger des informations sur la façon d’agir durant les émeutes, actes de vandalisme, contrôle des groupes violents. » En fait, le but était de mieux préparer les forces de l’ordre brésiliennes en vue de la coupe du monde de football et les jeux olympiques de 2016. Le Monde Libertaire jugeait nécessaire d’ajouter : « La police française est, paraît-il, spécialisée dans la gestion des mouvements de protestation et dans le contrôle des foules », et l’hebdomadaire libertaire rappelle, très opportunément, qu’en 2011, « le gouvernement français avait proposé ses services pour intervenir en Tunisie, au début de la Révolution, pour aider le régime en place à réprimer les mouvements contestataires. A cette époque, le France avait déjà fait parvenir du matériel répressif à Ben Ali, et la chère Alliot-Marie se proposant d’améliorer le savoir-faire de ses sbires. »

Pétards et coke de luxe
Nous avions noté, récemment, que notre ministre de l’Intérieur avait décidé la création de 16 nouvelles zones de sécurité prioritaire (ZSP). C’est ainsi que pour mieux « lutter contre la délinquance dans les zones difficiles », ce sont quelque 80 de ces ZSP qui quadrilleront bientôt le pays de la liberté bien tempérée. C’est toujours Le Monde Libertaire, daté du 9 janvier 2014, qui profite de cette information pour persifler : « …En revanche, pas de ZSP à Neuilly, Deauville ou Avoriaz. Pourtant, les dealers y pullulent mais il est vrai que leurs clients sont des fils de bourgeois qui y vivent. Alors, comme il y a deux poids deux mesures, en matière de répression, il n’apparaît pas nécessaire de déplacer nos forces de l’ordre là où la sécurité publique n’est que rarement menacée… »

Course poursuite
Dans la soirée du 10 janvier 2014, dans le 18è arrondissement de Paris, vers 23 heures, un policier faisait usage de son arme, à plusieurs reprises, sur un automobiliste qui refusait de s’arrêter, suite à l’injonction qui lui était faite. Pris en chasse par un véhicule de police qui le suivait de près depuis le 10è arrondissement, la voiture du fuyard finissait par percuter une autre voiture, au risque de créer un accident grave, avant d’être arrêté. C’est Le Parisien, daté du 11 janvier 2014, qui nous apprenait qu’une fois de plus, certains de nos policiers n’hésitent jamais à provoquer ce désordre risquant d’entraîner la mort d’un « délinquant » pour un acte relevant d’une simple amende.

De quoi j’me mêle ?
En école de police, on enseigne aux futurs gardiens de la paix qu’ils doivent être défenseurs de l’ordre public vint-quatre heures sur vingt-quatre. Message reçu cinq sur cinq. C’est ainsi que les petites casquettes se mêlent de tout ce qui ne les regardent pas, même lorsqu’ils ne sont pas en service. Exemple récent : le 11 janvier, à La Courneuve (93), deux fonctionnaires de police, qui avaient bien le droit de s’offrir un repas – peut-être bien arrosé – croyaient utile de se mêler d’une querelle qui se déroulait dans un restaurant. Résultat des courses, les deux policiers étaient blessés, l’un d’eux ayant eu un bras cassé, deux autres personnes ayant été blessées durant la bagarre. Cette information, relatée par le quotidien gratuit Métro, ne nous dit pas si les deux redresseurs de torts avaient tenté de faire usage de leur arme de service.

Roms : on casse, on brûle…
Dans la matinée du 15 janvier les forces de l’ordre évacuaient un campement de Roms, à La Courneuve (93). Suite à ce nouvel exploit, devenu habituel, un incendie de grande violence ravageait les lieux. Fort heureusement, nous rappelle le quotidien gratuit 20 Minutes, les quelque 200 occupants devaient quitter rapidement les lieux, sans qu’il y ait de victimes, ni, bien entendu, proposition de réinstallation dans une aire publique.

Chasse à l’homme
Dans la nuit du 15 au 16 janvier, une course poursuite, sur le périphérique parisien, s’est mal terminé – comme bien souvent. Bien que ce type d’intervention soit critiqué par le ministre de l’Intérieur, deux motards avaient pris en charge un conducteur roulant à vive allure. En tentant d’échapper à ses poursuivants, le chauffard devait perdre le contrôle de son véhicule note le quotidien gratuit Direct-Matin, daté du 17 janvier 2014. Résultat de cette brillante intervention : les quatre occupants du véhicule étaient gravement blessés, après avoir terminé leur course folle contre un muret, à la porte de Bagnolet.

Au viol !
Environ 120.000 femmes sont victimes de viol chaque année, au beau pays de France. C’est le thème d’une enquête parue dans Libération daté du 13 janvier 2014. Dans ce cadre, le quotidien relatait la mésaventure d’une jeune femme, ayant été violée à l’âge de quatre ans, tentant en vain, par la suite, de porter plainte auprès des services de police. Lesquels ne cesseront de décourager sa démarche. Il paraît que la présence d’éléments féminins dans la police permettrait de modifier le comportement de ces policiers qui, bien souvent, caractérisent les viols comme simple agression sexuelle puis se contentent de classer sans suite.

Roms, dehors !
Jamais, en France, un gouvernement n’avait évacué autant de campements de Roms, notait Libération, daté du 15 janvier 2014, qui relevait les chiffres cités la veille par la Ligue des droits de l’homme : 21.537 hommes, femmes et enfants ont ainsi été malmenés, en 2013, soit le double qu’en 2012. « Ce qui veut dire, précisait le responsable de la LDH auteur du rapport que certains ont vu leur campement évacué plusieurs fois dans l’année. » De même qu’en Seine-Saint-Denis, par exemple, les forces de l’ordre avaient prévu d’autres évacuations mais qu’elles avaient dû s’arrêter « car elles avaient utilisé tout leur budget ». D’où cette réflexion, pleine d’amertume, d’un vice-président de la LDH : « C’est la première année de plein exercice du gouvernement Ayrault. Nous attendions autre chose. » Et puis ce constat : « En pratique, la politique envers la minorité Rom, évaluée à 16.000 personnes en France, n’aurait pas changé en France depuis l’ère Sarkozy. » Ce qui amène Libération à ce commentaire : « Depuis la circulaire d’août 2012, la pression policière dans les camps seraient encore plus forte ! » Et le vice-président de la LDH ne manque pas de rappeler que chaque intervention policière constitue une rupture de toute tentative d’insertion, rupture de scolarité pour les enfants et rupture de recherche d’emploi et se soins. Comment ne pas imaginer que Manuel Valls, grand humaniste et grand républicain, n’en soit pas chagriné ?

Très chers outrages à agents
Cela fait bien longtemps que, dans Que fait la police ?, nous expliquons l’intérêt bien compris des policiers à porter plainte pour outrage à leurs précieuses personnes. En fait, les policiers ne sont pas seuls à être concernés puisque tous les fonctionnaires peuvent réagir s’ils s’estiment outragés, mais on ne voit jamais un professeur des écoles ou une infirmière des hôpitaux publics porter plainte pour outrage. Cela ferait sourire. Il n’en va pas de même pour les défenseurs de l’ordre public qui, eux, sont armés jusqu’aux dents mais se lamentent au moindre propos mettant en cause leur rôle de régulateur de la société.
Les plaintes émises pour ce motif par nos gardiens de la paix sont devenues tellement nombreuses que certains tribunaux, comme celui de Bobigny (93), en sont régulièrement encombrés. Ce qui nous avait conduits à persifler lourdement en expliquant que les sommes récupérées, suite aux plaintes, servent bien souvent à payer les traites de la voiture. La morale policière est ainsi faite et il ne faudrait pas s’en offusquer.
Dans son édition du 18 janvier, Le Parisien s’étendait largement sur un rapport émanant de l’Inspection générale de l’administration (IGA), épinglant : « sobrement mais surement, l’utilisation par certains policiers du système d’indemnisation auquel ils ont droit lorsqu’ils sont victimes d’outrages ou d’insultes. » De plus, cette structure administrative ne manquait pas de rappeler que ces plaintes constantes, émanant de fonctionnaires à l’épiderme sensible, étaient non seulement coûteuses pour le ministère de la Justice mais également, dans de nombreux cas, illégitimes. Ainsi, le système d’indemnisation, financé en partie par les deniers publics (frais d’avocats ainsi que les dommages et intérêts lorsque le coupable n’est pas solvable). Ce qui est certain, c’est que depuis ces trois dernières années, les dépenses destinées à laver l’honneur des policiers sont en hausse de 40 %. Par ailleurs, le rapport de l’IGA ne manque pas de noter : « Il est étonnant de constater que les montants sont près de trente fois supérieurs dans la police par rapport à la gendarmerie, pour des effectifs comparables. » Pour entrer dans le détail, l’ouverture de chaque dossier de « protection fonctionnelle » coût en moyenne 1.000 euros à l’administration. D’où cette interrogation de l’IGA qui s’interroge sur la pertinence d’ouvrir un dossier, avec l’assistance d’un avocat rémunéré par l’administration. Dernier constat de l’administration : « Certains policiers, certes peu nombreux, se sont fait une spécialité de ce type d’intervention, au point que les juges les ont repérés. » Triste spécimens d’humanoïdes qui prétendent défendre la paix sociale, mais n’hésitent jamais à procéder à un contrôle d’identité sur un SDF apparemment pris de boisson et réagissent en proférant des injures. Ce qui ne ferait que démontrer le manque de sang-froid des défenseurs de l’ordre public.

« Burn out » policier
Le 22 janvier, à l’appel de leurs différents syndicats, les policiers en tenue manifestaient en nombre devant les préfectures des grandes villes. Motif de cette grogne policière, un mal être qui serait provoqué par les mauvaises conditions de travail de nos gardiens de la paix, le nouveau Code de déontologie promulgué le 1er janvier 2014 et, surtout, l’obligation de porter sur leur vareuse le numéro matricule exécré. C’est cette visibilité qui révulse nos policiers républicains, peu désireux d’être reconnus pour ce qu’ils sont. Curieuse pudeur car nos cerbères devraient être fiers d’arborer ce matricule qui devrait faciliter leurs relations avec le public. Question : en ont-ils vraiment la volonté ?

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