quefaitlapolicelogo QUE FAIT LA POLICE ? – Chronique anti-autoritaire de Maurice Rajsfus – 1er mars 2014

Editorial : Vers une société de la haine et du rejet !
Il faut en être tristement persuadé. Notre société des Droits de l’homme connait une grave dérive. La police devenant l’unique recours pour freiner la contagion qui nous menace. Comment avons-nous pu en arriver là ? Après avoir été ivres d’une liberté retrouvée, en août 1944, suivant quatre longues années d’occupation nazie, soutenue par le régime de Vichy, tout paraissait possible. Pourtant, très rapidement nombre de Français ne tardaient pas à renouer avec les vieux démons de la pire réaction, qui avaient fait momentanément profil bas. L’image surfaite d’une France globalement résistante masquait le fait que des dizaines de milliers de nos compatriotes avaient rejoint les partis fascistes puis la Légion des Volontaires contre le bolchévisme (LVF) sur le front russe et, enfin, la Milice de Vichy, qui comptera jusqu’à 30.000 membres. Dans le même temps, quasiment 10% des forces de l’ordre (police et gendarmerie), par conviction autoritaire ou pour ne pas désobéir aux ordres, allaient se livrer aux pires exactions. D’où cette réflexion : ceux de policiers qui ont prétendu résister la nuit ne pouvaient que collaborer le jour !
Dans la France, enfin libérée, où d’authentiques avancées sociales n’avaient pas tarder à se faire jour la guerre de reconquête de l’ancienne Indochine française faisait rage, dès la fin de 1946, avec de nombreux volontaires, prêts à priver les Vietnamiens de ces libertés chèrement reconquises en France. Il n’est pas étonnant de constater qu’en 1947 et 1948, nos policiers, redevenus républicains, allaient matraquer, sans état d’âme, les mineurs du Nord-Pas-de-Calais en grève, et de même les dockers de Marseille. Dans le même temps, rares étaient les Français autoproclamés anciens résistants, à s’insurger contre le sort réservé aux Malgaches qui prétendaient eux aussi accéder à l’indépendance en 1947. En un temps où les partis de gauche étaient majoritaires, dans les assemblées, une politique de droite s’annonçait déjà.
Malgré le Front populaire, et les grandes aspirations nées de la Libération, la France a surtout été un pays de merciers, bien plus qu’héritiers de ses révolutions passées. Ainsi, avec les débuts de la Guerre Froide, se profilait le retour des revanchards d’une guerre perdue. Nous avions vu réapparaître les débris de l’Action française, sous l’appellation d’Aspect de la France, et les anciens « collabos » ne cachaient plus leur passé. De son côté, l’armée de la République, humiliée en Indochine, recommençait à se hausser du col en Algérie, dès l’automne 1954 avec, en prime, les pleins pouvoirs qui lui étaient accordés, en février 1956, par le socialiste Guy Mollet, qui gouvernait le pays. Le manque de volonté des anciens résistants au pouvoir d’accorder l’indépendance aux Algériens en lutte ne pouvait manquer de provoquer l’arrogance des militaires leur putsch contre le pouvoir de la Métropole ramenant De Gaulle au pouvoir durant l’été 1958.
Il aura fallu moins de vingt-cinq ans pour que le fameux « esprit de la résistance » disparaisse. Quelques années plus tard, le pouvoir de droite lançait sa police contre las Maghrébins de France qui manifestaient pour la libération de leur pays puis contre les rares militants français qui s’opposaient à la sale guerre qui se poursuivait de l’autre côté de la Méditerranée. Sans que cela puisse indigner, au-delà de quelques centaines d’intellectuels, la torture était devenue le moyen habituel pour faire plier les combattants algériens et rares étaient ceux qui se risquaient à évoquer les méthodes de la Gestapo, importées au pays de la Liberté. Il est possible d’affirmer que les tueries du 17 octobre 1961, en plein Paris, tout comme l’assassinat de militants français à la station Charonne, le 8 février 1962, annonçaient le début d’une haine raciale envers les Algériens, qui ne s’est jamais démentie depuis dans les rangs des policiers, ainsi que chez de nombreux Français. Tous désireux d’affirmer un nationalisme dangereux. C’est dans ce climat délétère qu’allait survenir le mouvement de mai/ juin 1968, où la police s’illustrerait comme elle sait le faire lorsqu’il s’agit de protéger un pouvoir bien décider à siffler la fin de la récréation sociale.
N’oublions jamais que la police s’est toujours trouvée complice des dictateurs ou des régimes autoritaires en devenir. Cela a été le cas en différentes périodes de notre histoire. Ainsi, le 2 décembre 1851, lorsque les forces de l’ordre, plutôt que l’armée, avaient été l’âme du coup d’état du prince-président Louis-Napoléon. Tout comme la police de la IIIème république n’avait pas eu l’ombre d’une hésitation à se mettre au service de Pétain et de Laval, en juillet 1940. Plus généralement, c’est la police qui assure la réussite des coups d’Etat. Alors, si de nos jours certains évoquent avec émotion notre police républicaine, ce n’est pas sérieux. Les forces de l’ordre ont toujours été au service de l’ordre musclé, tout comme de l’ordre moral., si nécessaire. Comment oublier que lors de manifestations très pieuses contre les cliniques pratiquant l’IVG, les policiers répriment surtout les contre-manifestants, bien pus que les punaises de bénitiers. Cela, bien entendu, pour protéger la liberté d’expression.
Depuis la première accession de la gauche au pouvoir, en 1981, les associations catholiques n’ont eu de cesse de dénoncer l’école de la République, en organisant, comme en 1983, à chaque fois plus massives à chaque recul du pouvoir en place. Dans le même temps était proclamée la volonté de défendre la famille. Depuis quelques mois, profitant du laxisme du gouvernement Hollande, les groupes de pression bien-pensants, associés à ce que le pays compte d’éléments réactionnaires et très souvent d’inspiration fasciste, ne cessent de revendiquer ce qu’il serait possible de qualifier de volonté au retour de l’ordre que nous avons connu à l’époque du gouvernement de Vichy.
C’est ainsi que le 26 janvier 2014, à Paris, toutes les tendances du catholicisme traditionaliste, associées aux groupuscules fascistes, n’avaient pas manqué de rappeler que la bête immonde est de retour. Côté catho, il y avait les zélatrices de tous les combats d’arrière-garde, attachées à la sauvegarde de fœtus non-désirés : SOS-Tout Petit, SOS-Maternité, Chrétiens solidaires, Laissez-les vivre, SOS-Futures mères, les débris de la trop célèbre Trêve de Dieu, ainsi que les traîne-lattes de la Confédération des familles chrétiennes. Ces braves mères de famille n’étaient nullement gênées de défiler aux côtés des pires voyous politiques qui, profitant de l’occasion, transformaient ce prétendu « Jour de Colère » en une démonstration voulant ressembler à ce 6 février 1934, qui avait fait trembler la IIIème république. Pou les groupes dits « identitaires », il semblerait que la tribu des Le Pen ne rassemblerait que de dangereux gauchistes…
Il y a bien plus grave, pour les citoyens épris de liberté : l’esprit fasciste qui commence à gangréner nombre de nos contemporains qui ont la mémoire courte. Dans le même temps, comment ne pas s’inquiéter lorsque des policiers et certains de leurs syndicats représentatifs estiment que les partisans des régimes forts ont bien le droit de s’exprimer par la violence du langage, leur volonté de rejet des minorités dites « visibles », tout comme cette propension à agresser les journalistes présentés comme « journalistes collabos ». Pour les femmes agitant leur carte de presse sur le parcours, il était possible d’entendre cet aimable qualificatif : « Journalopes = salopes ! » Surtout, ne jamais oublier que, dès son arrivée au pouvoir, Nicolas Sarkozy pointait d’un doigt vengeur les journalistes, avec ce propos vindicatif : « Vous faites un joli métier… »
Ce 26 janvier 2014, s’agitaient également d’authentiques fascistes, encadrant les énervés du mouvement Civitas, mais également des groupes royalistes, nostalgiques de l’Action Française de Charles Maurras, ainsi que quelques vieilles raclures de l’œuvre française avec, en soutien, le sinistre comité Anti-islam. Les mots d’ordre entendus, les pancartes et banderoles vues à la télévision ne souffraient pas la moindre équivoque. Les slogans les plus visibles stigmatisaient les « Frans-maçons pédophiles », clamaient « Juifs hors de France » ou « Mort aux sionistes ». Quand ce n’était pas, plus élégamment : « François, l’entends-tu qui se glisse dans ton cul, la quenelle… » et, plus brutalement : « Hollande, on t’encule ! » Propos rappelés par Libération en date du 27 janvier 2014. Cette manifestation, convoquée par le collectif « Jour de colère » se proclamait « indépendant des partis et des syndicats ». Au-delà, comment ne pas s’inquiéter au lendemain de cette manifestation qui avaient vu quelques centaines de nervis agresser les policiers, entendre certains de leurs responsables syndicaux évoquer ces fiers-à-bras du fascisme renaissant, qui ne faisaient « qu’exprimer une légitime colère ». Se trouvait d’ailleurs sur la même ligne de réflexion l’ancien ministre de l’Education nationale de Nicolas Sarkozy : Luc Chatel. Il est vrai que l’ancien DRH de Loréal avait appris ses classiques dans son ancienne maison-mère d’où cet exemple de civisme républicain.
Au soir de cette « Colère », qui commençait à ressembler à une émeute, quelque 250 agités dangereux avaient été interpellés mais, deux jours plus tard, en urgence, la justice ne prononçait que trois condamnations à des peines de prison avec sursis, alors que les fachos s’étaient affrontés aux policiers en leur balançant des barrières de sécurité. Il est important de se poser une question indispensable : que se serait-il passé si de présumés « gauchistes » s’étaient rendus coupables de tels débordements ? Les juges se seraient montrés inflexibles avec, à l’appui, de témoignages de policiers aggravant les faits. Il est vrai que des nervis « nationaux » sont toujours estimés moins dangereux pour les institutions que ces supposés gauchistes qui ont pour seule ambition de changer le monde.
La Justice de ce pays et ceux qui nous gouvernent, ont-ils pris la mesure de cette montée d’une nouvelle forme de fascisme qui prend forme au pays de la Liberté, bien au-delà de ce que représente actuellement le Front National ? Comment ne pas s’inquiéter lorsque l’on assiste aux gesticulations d’une Béatrice Bourges, matrone de la politique du berceau, agitatrice du « Printemps Français », laquelle exigerait bien la guillotine pour celles et ceux qui s’évertuent à défendre l’IVG comme une conquête sociale majeure. Il convient de bien entendre les vociférations des zélateurs de Dieudonné, bras-dessus, bras-dessous avec les affidés d’Alain Soral, authentique fasciste, porte-parole d’une nouvelle vague qui ne paraît pas inquiéter outre-mesure une opinion publique anesthésiée.
Le 26 janvier 2014, à Paris puis le 2 février suivant, dans la capitale et à Lyon, d’une démonstration de force à l’autre, se constitue, peu à peu, une tentative de front autoritaire qui tente de profiter des libertés démocratiques pour ensuite les interdire. Le 26 janvier 2014, tout comme le 2 février suivant, toutes les variétés de cathos traditionnalistes, plus ou moins fascistes, selon ses diverses représentations n’avaient pour but unique que le retour à un ordre ancien dont nul n’ose, à part Alain Soral, rappeler les véritables origines. Nombreux parmi ces derniers, associés aux groupes dits « identitaires » étaient, à chacune des récentes manifestations, entourés de gros bras du genre de ceux que l’on hésiterait à fréquenter. Ceux-là font partie des groupes de choc cherchant l’affrontement avec une police dont ils savent qu’elle ne leur ait pas toujours hostile. Ce qui leur permet, à la moindre égratignure, de se présenter en martyrs. D’où leur impunité relative, tout comme la difficulté des policiers à vraiment mettre à mal leur volonté de déstabiliser une société qu’il conviendrait de remettre au pas. Curieusement, les médias n’ont pas vraiment rappelé qu’au terme de la manifestation du 2 février, décrite comme non-violente, la police devait interpeller une douzaine de petits fachos du GUD ou proches de ce mouvement.
Quant aux journalistes, témoins de ce jour répétitif de la « Manif pour tous », ils étaient sinistrement victimes de la vindicte des tenants d’un ordre ancien, relativement faisandé. Il semble bien qu’en cette soirée du 2 février 2014, alors que les animateurs de ce rassemblement, natalistes pas destination, appelaient à la dispersion sur la place Denfert-Rochereau, les plus énervés s’évertuaient encore à hurler : « La France aux Français ! » Ce qui signifiait, « étrangers, dehors ! » La police jusqu’alors très discrète s’apprêtait à intervenir, craignant des débordements comparables à ceux du 26 janvier.
Le quotidien gratuit Métro, daté du 3 février 2014, ne manquait pas de souligner que les policiers, passant brusquement à l’action, amalgamaient les journalistes et une vingtaine d’identitaires, foulard relevé sur le nez. « Vas-y, gaze ! » ordonnait un officier. Un journaliste présent sur les lieux, persuadé de pouvoir faire son métier sans être agressé, témoignait : « Peu méfiant, je reçois une giclée d’aérosol dans les yeux. Estourbi, mais pas encore KO, je commence à m’éloigner quand trois policiers en civil arborant un brassard orange, me tombent dessus à bras raccourcis, en hurlant : « On t’as vu, tu nous balançais des canettes ! » Leur poigne est puissante, leur regard menaçant. Je me défends comme je peux (expliquant aux policiers) je suis journaliste, je suis journaliste ! Un quatrième se jette alors sur moi et m’assène un violent coup de poing dans l’estomac (…) Finalement, les quatre policiers me libèrent et tournent les talons sans un mot. » Sans même s’excuser évidemment. Entre temps, les petits fachos avaient eu le temps de s’éclipser, les policiers se retournant contre ceux qu’ils considèrent comme leurs ennemis naturels : ces journalistes qui ont trop souvent l’audace de montrer l’institution du maintien de l’ordre pour ce qu’elle est fréquemment – un groupe armé fauteur de troubles et de désordres graves. Finalement, quel que soit le régime en place, les mercenaires de l’ordre ne font que renforcer les aspects rétrogrades d’une société de la haine et du rejet. Ce qui ne peut que leur donner encore plus de pouvoir répressif. Cette réflexion est-elle caricaturale ? Il suffit de se pencher sur l’histoire de notre police, dite républicaine, pour être persuadé du contraire !

Roms, dehors !
Dans la matinée du 4 février, près de Villeurbanne (69), les forces de l’ordre évacuaient un campement Rom de 130 personnes, dont une cinquantaine d’enfants, nous informait France Inter de ce même jour. Comme à l’ordinaire, nul ne sait si des propositions de logement mêmes provisoires, ont été proposées aux parias modernes. Quant aux enfants, jusqu’alors scolarisés, peu importe leur devenir…

Le pandore « ex » innocent
Il est curieux de constater que lorsqu’un policier ou gendarme est lourdement condamné pour des faits graves, la presse tient à préciser qu’il s’agit d’un « ex », même si les faits délictueux dataient de l’époque où le futur « ex » était encore en fonction. Ainsi, le cas d’un capitaine de gendarmerie âgé de 42 ans, longtemps en poste à l’antenne bastiaise de la Section de recherche de Corse. Cet excellent « ex » pandore a été condamné à cinq années de prison ferme, le 6 février 2014, pour des affaires de trafic de stupéfiants, mais également d’écoutes téléphoniques. Comme bien souvent ce défenseur de l’ordre public n’a pas manqué d’annoncer qu’il ferait appel de cette sanction, nous apprenait Le Parisien, daté du 7 février. Le verdict prononcé par le tribunal correctionnel de Bastia comprenait également une peine de cinq ans d’interdiction d’exercer une fonction publique et de détenir une arme.

Gros bonnet, grand coquin…
Le 5 février, un contrôleur général de la police nationale, ancien responsable de la sécurité publique, à Paris, était placé en garde à vue, puis mis en examen pour, notamment, « corruption » et « abus de biens sociaux ». Laissé libre, pourtant, après versement d’une caution de 10.000 euros, ce « grand flic » reste placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’exercer désormais la profession de fonctionnaire de police et de quitter le territoire français, nous apprenaient Libération daté du 6 février 2014 et Le Parisien, du 8 février.
Ce policier, sans doute inflexible avec les faibles, est suspecté d’un certain nombre de dérives, comme ses demandes répétées de « classements de contraventions », ainsi que de « fautes plus graves encore », comme la « violation du secret professionnel » et même de « banqueroute par dissimulation d’actifs ». Un juge parisien avait été saisi, dès novembre 2013, d’une information judiciaire à son sujet. Ce haut gradé de la police, qui avait dirigé, entre 2006 et 2013, le 1er district de la Direction de la sécurité de proximité sur huit arrondissements de Paris, avait été déchargé de son poste en décembre 2013, avant de se voir confier une mission secondaire. Il n’est pas inutile de rappeler que cet excellent fonctionnaire d’autorité, qui « sentait le souffre », depuis un certain temps, était impitoyable dans ses fonctions, particulièrement envers les vendeurs à la sauvette sous la Tour Eiffel, dans le même temps qu’il donnait la chasse aux mendiants sur les Champs-Elysées, tout comme la traque aux prostituées dans le bois de Vincennes.

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