QUE FAIT LA POLICE ?

Nous sommes dans la zone des tempêtes en matière de contrôles d’identité. Au faciès particulièrement. Si vous avez des amis, cibles possibles de l’attention bienveillante des policiers, ne manquez pas de leur donner quelques conseils indispensables

Du 3 septembre au 31 octobre 1994, dans une exposition fort instructive, les Parisiens ont pu tout apprendre sur l’histoire de leur police. Sous une vaste tente plantée place Louis-Lépine, entre la préfecture et le Palais de justice, il était possible de découvrir l’évolution des activités de la police, au quotidien, de 1800 (sous Fouché) jusqu’à nos jours (sous Pasqua). Rien n’était laissé au hasard : les services rendus par police secours, l’identité judiciaire, la sécurité publique, le laboratoire de toxicologie, etc. Sans oublier un vaste espace consacré à la libération de la capitale, mettant en valeur l’héroïsme de nos gardiens de la paix, du 19 au 25 août 1944. Tout cela était fort instructif.

II y a cinquante ans, le 12 octobre 1944, le général de Gaulle décorait collectivement la police parisienne de la fourragère rouge. Pour s’être insurgés le 19 août 1944, après quatre années de loyaux services pour le compte de l’occupant nazi, nos policiers redevenaient respectables. Pourtant, jusqu’au 15 août 1944, la traque aux Juifs ne les avait jamais tourmentés. Depuis, la qualité de l’intervention des forces de l’ordre ne s’est jamais démentie. Nos gardiens de la paix et leurs supérieurs se sont constamment illustrés sur le terrain de la répression : chasse meurtrière aux Algériens, ponctuée le 17 octobre 1961 (au moins deux cents morts), acharnement contre les militants français au métro Charonne, le 8 février 1962 (huit morts).

Charles Pasqua nous prépare la mise en place d’un véritable quadrillage policier sous la forme d’une « Politique de sécurité adaptée à notre époque ». Dans les rues des villes, nous circulerons sous le contrôle permanent d’un système de vidéosurveillance permettant d’espionner chaque citoyen, de « zoomer » pour mieux reconnaître celui que l’on suit à la trace par caméras interposées, et puis d’utiliser les images numérisées pour ficher des suspects en grand nombre.

Le 6 avril 1994, jour anniversaire de l’assassinat de Makomé, au commissariat des Grandes-Carrières, nous avons décidé de constituer un Observatoire des libertés publiques. Pour que notre action puisse se développer, il est indispensable que l’équipe de départ s’élargisse. Nous avons besoin d’informations pour étoffer ce bulletin qui paraîtra mensuellement, et particulièrement sur les exactions policières dont la presse ne fait pas mention. À cette fin, nous vous demandons de devenir correspondants réguliers de Que fait la police ?. Mieux encore, il serait de la plus grande importance que dans chaque département puisse se constituer un Observatoire des libertés publiques en contact avec les associations sensibilisées par notre intervention.

S’il est un domaine d’information qui n’encombre pas les colonnes des journaux, c’est bien celui concernant les activités de la police, voire de la gendarmerie française. Sauf s’il s’agit de bavures graves, les Français ne sont pas jugés dignes de connaître les harcèlements, au quotidien, qui s’exercent contre toute une frange de la population de ce pays. Un comportement grossier, injurieux, méprisant, provocateur, raciste, brutal et enfin sexiste, c’est tout ce que l’on peut attendre d’un « gardien de la paix » dont la mission initiale est d’assurer la protection des personnes et des biens.